"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Vers une "quadrialectique" de l'être

Nous avons l'habitude des formes duales, des composantes à deux dimensions, comme le vrai versus le faux, le bien versus le mal, le féminin versus le masculin, etc. Et nous avons la ferme habitude de conduire notre rapport au réel de cette manière : le réel vs l'irréel ("vs" pour "versus"), le dedans vs le dehors, ce qui en est et ce qui n'en est pas, ce dont je parle et ce dont je ne parle pas, le vraisemblable et donc l’invraisemblable, le crédible et donc "l'incrédible", le dicible et l’indicible, etc. 
Cette dualité structurelle porte toute la logique de notre approche du monde, de nous même dans le monde : tout concept porte en creux de lui-même tout ce qu'il n'en est pas, comme un réel "à attraper", comme un possible (j'ai déjà développé précédemment ce concept de réalité cher aux constructivistes et mis en lumière à Palo Alto). Nous avons donc l'habitude de penser sous la forme d'une dialectique.
Ainsi, le siècle des lumières a-t-il vu se développer cette dialectique qui nous a conduit à l'esprit scientifique : le monde me résiste et je lui constate (ou construit) alors des lois, des règles, structurelles et de fonctionnement. Puis dans un va et vient entre l'expérimentation et ces fameuses lois que ma culture trouve au monde et au réel, je fais bouger ces dernières, les fait évoluer, les affine, leur considère des exceptions, c'est à dire les situe dans un cadre, dans un contexte. Et voilà que je viens d'introduire là un troisième champ dans cette dialectique, en l'espèce, l'environnement. Mais quel est-il vraiment ?
Nous avons déjà vu que l'évolution sociétale et technologique, est venue bousculer cette dialectique en limitant, en effaçant les aspérités du monde dans notre rapport à lui. Je m'explique. Le monde me résiste (si je passe par la fenêtre, je tombe, inéluctablement) et je passe mon temps à trouver des solutions. Elles constituent autant de contournements, ou de réponses, au moins des explications à cette résistance du monde. C'est en se cognant à ce mur là que nos intelligences viennent apporter leur secours. 
Or, le développement technologique a mis les résistances du monde dans l’inconséquent, dans "l'effacé", le moins visible. Ainsi, je me déplace dans ce monde de plus en plus vite et de plus en plus confortablement. La résistance du monde s'en trouve ainsi amoindrie, notamment par le développement des capacités de nos véhicules et des routes. Je vais de Lille à Perpignan dans un certain confort. Le voyage en avions est encore plus confortable dans "l'inrésistance" du monde. Ceci libère une place pour l'affectif et l’émotionnel. Nous entrons donc dans une "trialectique" de la réalité : la résistance du monde, la construction sociale de la réalité et le champ de nos émotions, désirs, envie, plus que comme simples marqueur de la réalité, mais comme pôles réels de sa construction (cf. Palo Alto).
Ce n'est pas le consumérisme et le développement technologique qui l'ont créé. Ils l'on seulement révélé. La dimension existait bel et bien avant cette "découverte".
Mais, dans l'action, dans la mise en œuvre de ces connaissances, ou consciences acquises dans cette "trialectique", se construit un nouveau champ intervenant dans la connaissance du monde. Elle n'est pas un retour vers l'expérimentation, comme je l'ai longtemps pensé, mais s'avère comme un véritable pôle de notre conscience du monde. En effet, l'action que nous conduisons dans la création, dans la réalisation, dans la mise en œuvre, met d'autres variables en jeux, et ces variables nous touchent profondément. 
Je pense une fois de plus aux travaux de Mialhy Csikszentmihalyi à propos de ce qu'est le bonheur. Il décrit le "flow" dans lequel nous évoluons en la matière. En l'espèce, nous sommes en passe de réaliser une œuvre qui nous réalise en conjonction avec les compétences maximales que nous sommes justement là en train d'augmenter, de développer... 
Ce "flow", nous dit il, touche la dimension de la sensation, de l'incorporation de la réalité. Il se produit à ce moment-là la "convocation" d'une quatrième dimension : celle de la sensation corporelle, de son investissement dans le développement de la connaissance. 
Nous sommes donc maintenant en présence d'un véritable "quadrialectique" de la réalité. La connaissance, la conscience du réel, se joue entre ces quatre pôles : la résistance du monde, la construction sociale des lois qui le structurent et l'expliquent, l'émotion qui plonge dans le souvenir pour investir des vestiges personnels (enjeux, désirs, préoccupations) de nos réalités, et enfin les sensations qui investissent une autre mémoire venue, elle, peut être du fond de nos os et de nos muscles, de nos cellules même. Voilà les quatre variables de cette trialectique de la réalité.
Notre culture occidentale a pris l'habitude de les mettre dans les tiroirs du somatique, ou du traumatique. Nos muscles et nos os, quant à eux, se souviennent. Alors des douleurs et blocages (ou inversement des détentes de l'ordre des délices physiques) surgissent et s'invitent dans la "conversation".
Très justement, Albert Einstein écrivait que "Toute connaissance passe par l'expérience. Tout le reste n'est qu'information".
Quand je regarde le mode de vivre de l'humain actuel, je vois que les quatre dimensions sont bel et bien là. Aussi, cette démarche "quadrialectique" nous est bien utile pour "nous comprendre" et ainsi aller plus loin. Qu'est-ce qui nous fait agir, bouger, choisir, décider ?
Il me souvient de cette question simple que l'on pose aux enfants : "Que veux-tu faire plus tard ?" et l'enfant répond : "Je veux faire pompier, majorette, policier, infirmière, docteur, institutrice, etc" . Ils s'agit bien, dans la réponse, non pas d'une oeuvre à accomplir, mais d'un métier, d'une profession. On peut la résumer à un rôle social dans une représentation culturelle singulière. 
En effet, à la question sur l'action, nous avons répondu par l'être. C'est à dire que les deux premières variables sont là bien propres à l'élaboration de notre être : le faire et l'être que l'on reliera, le premier à l'expérimentation et le second à la socialisation.
Mais à regarder simplement le monde qui bouge devant nous (surtout dans la post-modernité consumériste), nous comprenons vite que l'avoir est à considérer comme un pôle réellement efficient. Nous le rapprocherons simplement du pôle de l’imaginaire, celui du désir, de l'enjeux. Ainsi, parce que nous faisons, sur l'avoir, une distinction utile entre la possession et l'usage (nous l'avons déjà évoqué dans quelques précédents articles), une distinction apparaît. 
Il y a les objets qui me valorisent à mes yeux, qui sont susceptibles de m'apporter la jouissance par le simple fait de les posséder (la belle montre, le beau vêtement, robe ou habit, la belle voiture, la belle maison, la belle carte de visite, etc.). 
Par ailleurs il y a les objets d'usage de tous ordres dont "les avoir à moi ou pas" importe peu pourvu que l'on puisse en avoir l'usage, le simple usage. Le partage communautaire repose sur ce dernier élément. 
On pourra alors épiloguer sur les ressorts du "communisme" dont le projet est de donner l’accès d'usage à tout un chacun à tous les objets, versus ceux du libéralisme qui met l'accent sur la jouissance à posséder les objets. Bien que ce débat soit juste, il n'est véritablement pas au cœur du sujet du jours.
Dans l'action, la question de la sensation est, nous le savons pragmatiquement, très prégnante. Il me souvient de cette phrase du docteur Gérard Fitoussi, spécialiste praticien de l'hypnose ericsonienne : "Je peux vous parler des heures du vélo et de comment en faire, mais un jour il faudra bien monter dessus !" 
Alors, seules, les sensations vont jouer un rôle prépondérant dans l'apprentissage, dans le développement des connaissances, dans la conduite de sa propre vie.
Résumons : quatre pôles s'invitent systématiquement dans la réalité de nos êtres : le faire, l'être, l'avoir et la sensation. Ainsi dans la pensée de son projet de vie (auquel participe la part professionnelle), il y a ces questions que je devrais me poser : "Qu'est-ce que je veux faire ? Qu'est-ce que je veux être ? Qu'est-ce que je veux avoir et qu'est-ce que je veux ressentir ?"
On peut aussi imaginer un rapport de causalité entre les différents objets de ces questions. Par exemple que le faire est dépendant de l'être, le tuteur majeur de la personne. Nous ne ferions alors que ce que nous sommes (ou en fonction de ce que nous sommes). On peut aussi imaginer que la sensation et l'émotion sont dépendantes de l'action conduite, et que c'est bien l'action qui les produit. On peut encore concevoir que l'imaginaire est liée à l'être qui le produit. 
Toutes ces interdépendances relèvent d'une priorisation d'une des variables dans la considération de ce que nous sommes. Elles relèveraient aussi de la priorisation d'un des objets de chaque variable (l'action, l'identité, l'objet et le sentiment, la sensation). Cette mise en conséquence efface les autres questions comme si le plaisir de l'objet, le gain et la propriété étaient "naturels" ou fondamentaux dans notre état d'être au monde. Il n'en est rien. 
Il s'agit là simplement d'un a priori, d'un parti pris. Chaque question nous invite à poser clairement nos enjeux, nos priorités et ainsi notre alignement avec notre raison d'être.
Nous comprenons bien là que chaque question, si elle devenait exclusive, nous conduirait à des postures radicalement opposées, et donc aussi différentes que distinctes. Dans ces conditions, je propose qu'on se les pose à chaque carrefour de sa vie, voire chaque jour, de manière à rester alignés et clairs avec notre raison d'être personnelle. 
Ainsi, chaque manager, à chaque projet, à chaque tournant dans le projet (c'est à dire, chaque matin avant de commencer quoi que ce soit), pourra se poser ces quatre questions fondamentales. 
De même, chacun, interrogeant l'autre, avant de partager (de co-construire, de l'accueillir dans son projet, de l'associer ou de s'associer), pourra user de ces quatre questions. Il les formulera d'abord pour lui-même, sans oublier de les partager avec l'autre (dans un temps simultané ou consécutif, au choix...). Il n’hésitera pas à développer une conversation qui mettra ces points là sur "le tapis" du jeu relationnel, soit sur le devant de la scène. 
Le socle ainsi éclairé et raffermi, nous voilà à même de faciliter bien des choses, et  en situation, de permettre un développement plus sûr. La clarification de ces quatre variables de la "quadrialectique" de nos réalités favorisera l'harmonie (organisationnelle et relationnelle) et notre route sera belle, tranquille et ombragée. Il s'agit bien en cette occurrence, non pas de juger l'autre, mais de mieux comprendre comment il se positionne, d'où il parle et d'où agit. Voilà qui nous aide à répondre une fois encore à l'invitation de Socrate : "Connais toi toi-même" !
Jean-Marc SAURET
Le mardi 10 juillet 2018


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