"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Puisque la culture donne forme à l'action !

Ce qui fait que nous bougeons, posons des actes, prenons des décisions, acceptons des objectifs, vient de notre manière de voir le monde et de nous voir dans le monde. Dans "voir le monde", il s’agit de répondre à la question de son sens, de son orientation, de son fonctionnement, de sa dynamique. Cette vision comprend aussi la place que nous avons dans ce monde, la place que nous nous y trouvons ou que nous nous donnons, notre positionnement, notre raison d’être, notre devenir : pourquoi sommes nous là et qu'y faisons nous ?
Par cela, nous savons ce qui nous est possible et permis, (ou pas), en termes de capacité et d'autorisation. C'est à dire en matière de compétence mais encore de rapport à la loi, à la règle, et aussi, en aval, ce que nous en faisons : transgresser ou obéir. Nous avons d'une part la sensation de nos compétences et de l'autre celle de notre adhésion à la règle, voire notre contribution à ladite règle. De la culture grecque ancienne, de la philosophie aristotélicienne, nous avons gardé, entre autres, le concept de "vision cosmogonique". Nous avons ordinairement besoin de cette vision pour nous situer, vivre et agir. Bref, elle nous structure.
D’où nous vient donc cette vision particulièrement porteuse de sens ? Nombre de psychologues, psychosociologues et sociologues s’accordent à dire qu'il s’agit d’une double action, conjointe et interactive, de la culture sociétale et de l’expérience personnelle. On pourrait le qualifier de “creuset de convergence”. En d'autres termes, je lie ce qui m'arrive (l'expérience) à l'aune de ce que je sais de la vie et de la réalité (ma culture). En retour, le vécu de cette expérience vient amender ma conscience culturelle, l'augmenter, la préciser. Parce qu'il y a du personnel et du tribal là dedans, et si nous  y ajoutons la part de l'imaginaire, nous comprenons alors que de ce "frottement" vient la grande diversité culturelle, de pensée, d’art et de création.
Il est vrai que, par les rencontres intergroupes et les "diasporisations", il y a moult points communs entre les cultures. A titre d’exemple et pour illustrer le propos on peut citer le bassin méditerranéen et sa philosophie que nous évoquions plus haut. Il rassemble bien d'autres cultures et se différencie des mondes saxons ou germains dont la mythologie reste spécifique. Rappelons nous que les mythes sont des mises en histoires des conceptions du mondes, de nos croyances. Il en est toujours ainsi dans notre monde moderne.
Autre exemple éclairant, ce sont les sociologies du livre (Judaïsme, christianisme, et islam), qui pensent le monde comme une création unique au service de son chef d’œuvre, disons même sa finalité : l’humain. Dès lors, celui-ci se pense “au centre du monde” (sinon “le” centre du monde, “voit” ledit monde en collection d’objets à son service. Dans ces conditions, il le consomme. Bref, le monde est son jardin et l'occidental s’y retrouve en position limite de “chasseur-cueilleur”, quand ce n’est pas plutôt en simple “consommateur-bricoleur”. Il met à sa main l'accès à ces « richesses » comme il le dit si bien. C'est bien là toute la posture occidentale.
Ce n’est pas le cas des Nenetts de Sibérie, ni des indiens Yaki du Mexique ou des bushmen de Namibie. Ces populations « du grand tout », animistes et chamaniques, que le monde occidental qualifie de primitives puisqu'elles ne pensent pas comme lui et ne témoignent pas du même niveau de développement technologique, ont en fait une longueur d'avance au regard même de nos conceptions du progrès... En effet, ceux-ci, inscrits dans une culture chamanique (concevant deux mondes physiques et spirituels superposés), pensent le monde en système complexe. Ils pensent et agissent depuis des millénaires, avec l'approche systémique que nous découvrons à peine. Pour ceux-ci, tout se situe en cette occurrence, dans des interdépendances et des interrelations. Bref, avec l’effet "papillon” à tous les étages...
Quand l’occidental (philosophie du livre) pense le monde en collections d’objets, le "chamaniste" pense le monde en système de relations. Pour le premier, c’est l’objet qui est important, dans son essence. Pour le second, c’est le jeu des relations, des utilités et des interactions qui détermine l’objet. Celui-ci n’est alors qu'une collection d’états et c’est l’état qui devient essentiel. Par exemple, quand l’occidental regarde un Dryupteris Filix-max de la famille des Polypodiacées (une fougère, quoi...), le bushman voit qu'un phacochère est passé dans les dix minutes ou qu'il y a de l'eau en dessous, à moins de trois ou quatre mètres. La différence est notoire...
Chaque groupe social donc, dans chacun de ses membres, se pense dans une cosmogonie qui lui sert de socle, de  référence, d’école de pensée, de critérium. Si le monde est un système de prédateurs avec ses loups et ses victimes, chacun saura se situer dedans, soit comme loup et quel loup !... soit comme victime et quelle victime, rebelle ou soumise, dans ses diverses postures "évitantes" ou agressives, etc.
Si je pense le monde en synergie des essences, comme un jardin où chaque élément contribue à la beauté et aux parfums, je saurai où et comment je m’inscris. Ceci constitue la base, le fondement, la référence, le critérium à se penser dans le groupe, l'entreprise, le club, l'institution. Nous venons de le voir.
Si je pense le monde comme un système d’interdépendances où chaque élément vit de la contribution et de la relation, voire du partage avec les autres, je me penserai en potentialités, en devoirs et relations. Si je pense le monde comme une mécanique, mes comportements seront bien différents que si je le pensais comme une dynamique du vivant. Ainsi, si j'avais le loisir d'agir dessus, je me positionnerais soit en horloger (gestion mécanique), soit en jardinier (accompagnement du vivant)...
Ce qui fonde les comportements et les objectifs a non seulement partie liée à cette cosmogonie commune mais dépend aussi de ce que j’en fais, et comment je m’y inscris : dedans ou dehors, en opposition ou en coopération, en rebelle ou en fidèle, en profiteur ou en contributeur, en parasite ou en cultivateur, en prédateur ou en coopérateur... Et nous retrouvons là nos deux types de cosmogonie que l'on peut aussi rencontrer au sein même de chacune des cultures.
Aujourd'hui, la culture commerciale et bancaire s’invite dans notre quotidien. Le marché se substitue à la démocratie. Le développement devient plus économique,... que personnel. La richesse s'avère davantage monétaire,... qu'intérieure. La valeur, dans ces conditions, se trouve plutôt financière... qu'éthique ou morale. Ainsi, de nouvelles valeurs, ou contre-valeurs, viennent nous influencer, voire même nous réorienter.
La journaliste Elodie Emery écrivait en octobre 2012 dans Marianne : « Triste miroir ultralibéral renvoyé à l'ensemble de la société : aujourd'hui, un individu inactif, qui n'est plus "performant", physiquement ou intellectuellement, a le sentiment qu'il ne lui reste plus qu'à mourir... ».
Alors ! Si nous voulons changer les choses, il nous faudra repenser le monde, impulser de nouvelles représentations de ce qu'est la personne, le groupe, l'entreprise, le projet, la finalité, le système, l'institution, le monde… Prenons le temps d'y penser, seul et en groupe, en ateliers. Savons nous que repenser se fait simplement dans la conversation ? Elle est, selon l’académicien François Cheng, l’outil suprême de la construction et du développement.
C’est bien en creux de ces représentations que transparaissent les valeurs de sens qui structurent l'ensemble. Ainsi, les questions simples, qui sont toujours au centre, sont bien "Qu'est-ce qu'on fait là ?" et "C’est pour quoi faire ?". Ce sont justement celles du questionnement spirituel. Quel monde voulons nous pour nous-même et pour ceux qu'on aime ?...
On n'y répondra pas par quelques boutades courtes. On ne saura y répondre qu'en redisant ou reconstruisant nos cosmogonies, en conversant à l’abri des bruits du monde. Mais alors, pourquoi parlons nous si peu dans nos organisations aux réunions interminables de présentations top down ? Vive la conversation de fond ! Et si, et pourquoi pas ?... refaire le monde autour d’un café redevenait un acte révolutionnaire ? ...pourvu qu'il soit suivi d'effets. Et il le sera forcément puisque nos représentations, et donc nos préoccupations, auront changé.
Alors, pour terminer sur un sourire, après ces constats somme toute assez terre à terre, nous nous souvenons de cette vieille expression, définitivement pessimiste : “Un cautère sur une jambe de bois”... parce que tout ce que nous ferions sans aller à cet essentiel de reconstruction cosmogonique serait définitivement de cet ordre. C’est la raison pour laquelle, il vaut décidément mieux “penser le changement que changer le pansement”... Il est forcément toujours temps.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 22 mai 2018



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