Je
suis revenu sur un article publié le 25 février dernier dans "Le
Monde". Il indiquait qu'il n'y
a plus de chevaux sauvages sur terre. Les derniers “soupçonnés”
d’ailleurs, étaient les chevaux de Przewalski,
qui possédaient des gènes de domestication depuis près de
cinq mille ans. Le cheval de Botaï qui en est
issu, serait le premier à posséder ces gènes là. Dans
ces conditions, je me pose la question de savoir si les gènes
font la façon d'être au monde, et si “tout” est
vraiment génétique ?
Joël
de Rosnay apporte une réponse sur ce point dans
son ouvrage "La symphonie du vivant " (mars 2018).
Il reprend le concept d’épigénétique, et précise que l’on
serait, ici, en présence d'un processus par lequel l'usage
et la pratique influent sur la fonctionnalité des gènes.
Ici,
le "faire" agit sur la matière. Les gènes n'apparaissent
alors que comme des supports de potentialités que l'usage rendrait
actif, effectif ou pas.
J’entends
le propos comme le “retour à la raison” d'un
courant de pensée "tout génétique". Celui ci, ne
pouvant se passer de ses "trouvailles" passées, se tord
le cou pour justifier de ladite génétique.
Elle
ne serait plus, en fait qu'un potentiel. Dans ces conditions, ce
seraient donc l'usage, les pratiques, l'apprentissage, bref "la
culture", qui en constitueraient le “moteur”.
L'usage serait donc bien la raison de nos évolutions, voire de nos
"déterminations". Nombre de psychosociologues le savaient
et le disait déjà haut et fort.
Alors,
je ne suis pas contrit d'apprendre qu'il n'y a plus de
chevaux possédant le marquage génétique de leur état sauvage. Du
coup, je me pose bien d'autres questions… qui ouvrent de nouveaux
champs !
Est-ce
que le salariat, dont Gandhi disait qu'il était l’apanage des
esclaves, aurait des fondements génétiques,... et
l'entrepreneuriat (c'est comme cela que l'on dénomme le désir
d'autonomie s'opposant au salariat) un autre ?
Est-ce
que l'autonomie et la liberté sont des postures portées par des
éléments génétiques
? Et si, comme l'a développé la psychosociologie (avec l'école des
représentations sociales), seules les représentations de
soi et du monde, engendraient des postures efficientes. On
pourrait alors en inférer que c’est bien
l'intériorisation de représentations sociales qui
construirait lesdites postures. A partir de là il
devient loisible de penser que le seul fait de transformer son
critérium de valeurs et de représentations pourrait suffire à
modifier nos attitudes, postures et comportements... Ce ne
sont d’ailleurs là que des réponses propres
à l'école des représentations sociales… celles là
mêmes qui reviennent à la surface avec les nouvelles
propositions de l'épigénétique.
Mais
poussons le bouchon juste un peu plus loin : et si nos
peurs et nos espoirs, nos conceptions des possibles et des
impossibles, trouvaient leurs sièges dans nos représentations du
monde ? ... Et si celles-ci avaient un
socle “seulement” culturel ? ...
Et
si la culture ressortissait uniquement à nos "consciences
du réel” ? (c’est ce qui constitue, justement,
les fondements de la psychosociologie) !
Voilà
qui serait bien susceptible de mettre à bas le vieux
clivage de l'inné et de l’acquis, l'opposition ancienne entre
nature et culture. Voilà qui pourrait permettre l’émergence
d’un nouveau débat de fond entre conscience et matière.
Quand
je me pose la question de savoir si la liberté est génétique ou
culturelle, c'est de ce débat clivant dont il s'agit. La conception
cosmogonique qu'il y a derrière est bien l'une de ces deux là.
On
retrouve ici aussi le débat sur la dynamique des organisations :
sont-elles mécaniques (cf. le taylorisme) ou organiques (cf.
l'humanisme). Ce sont bien nos conceptions du réel qui déterminent
nos adhésions à tel ou tel autre côté du
débat. Le psychanalyste Marie-Jean Sauret posait dans un de ses
premiers grands ouvrages ("Croire", Privat 1989), que
le fait même d'être inscrits dans le langage, nous installait
dans une pratique de croyance, parce que les mots rendaient présent
le "réel", autrement dit "ce qui n'est pas là"
.
Les mots, dans la double articulation du langage (cf. Benveniste),
nous mettent dans cette posture de croyance puisque nous traitons,
en l’espèce, des représentations des choses comme d'objets
réels.
Ainsi, que
nous soyons convaincus de la prédominance de la structure matérielle
ou de la construction culturelle et psychologique sur de la dynamique
du vivant, ce n'est pas le réel qui s'impose à
nous,... mais bien notre croyance dans l'un ou l'autre
principe. Kant écrivait que c'était nous même qui prescrivions à
la nature ses lois. Moscovici écrivait que les lois de la nature
sont celles que la culture lui trouve. Alain Touraine reprenait ce
principe dans son "agir communicationnel".
Au
delà, Levi-Strauss témoigne dans ses carnets de voyage, de
ces comportements humains qui ont tendance à voir dans les
événements, et comportements d'autres, leurs propres schémas
de pensée.
Alors,
non pas en terme de conclusion, mais en forme d’amorce,
pour de prochains débats, la liberté dépendrait bien
de la décision de chacun et de chacune, assortie au fait d'y
croire ou pas.
C’est
bien cette décision qui va “modifier la composition
de la matière”, et cela ne me gène pas le moins du monde.
Que cette modification soit la trace du changement de comportement,
ne me dérange pas non plus. Que je sois co-responsable de ma liberté
de faire ou ne pas faire, me convient tout à
fait. Que je partage cette responsabilité avec la "socialité"
dans laquelle je m'inscris, me paraît tout à fait
pertinent. Effectivement, je prend la liberté de dire, et
donc de le dire.
Le
point de départ, ce sont bien mes convictions propres.
Et je saurai les justifier, les assumer et les
porter, dans quelque débat que ce soit. Et je crois
bien, en cette occurrence, que c'est essentiellement de
cela dont il s'agit, à propos de ma liberté.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 17 avril 2018
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