"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Il existe une voie de transformation !

Nous sommes désemparés devant le comportement d'extrémistes, de djihadistes, de fanatiques actifs et radicaux dans leur idéologie. Tobie Nathan, ethnopsychiatre, a suivi plus de quatre-vingt de ces protagonistes et il en fait une description à l'encontre de nos a priori : ce sont, selon lui et dans la plupart des cas, des gens instruits, intelligents et équilibrés. Surprise ! Il ne sont ni des abrutis, ni des malades... Que se passe-t-il donc et comment les accompagner vers une évolution salutaire ?
Il se trouve que pour agir, pour poser nos actions, pour produire nos comportements, nous avons besoin d'une vision, de sens. Nous faisons les choses parce que nous avons une image claire du projet, de sa finalité, de son champ et de nous même dans ce champ. Nous avons clairement compris quelle est la raison d'être de ce projet et aussi, clairement notre propre raison d'être dans ce projet. Tout ceci relève d'un principe que j'ai déjà résumé dans l'expression "la vision guide mes pas". J'en ai plusieurs fois décrit le phénomène.
Je m'explique : si la nature a horreur du vide, la nature humaine a horreur du vide de sens (j'ai aussi déjà développé cela). Si je sais à quoi servent les choses, les outils, les démarches, les processus et les projets, alors je suis capable d'en faire quelque chose, de m'y inscrire ou pas. Que se passe-t-il avec les personnes radicalisées ? Avec Tobie Nathan, je dirais qu'ils ont trouvé dans ce nouveau champ une raison d'être, un sens qui leur manquait.
J'ajouterai que notre société post-moderne n'a à nous proposer qu'un monde de consommation, qu'une perspective de jouissance fondée sur l'usage et la propriété d'objets. Vous vous rappelez peut-être de cette petite histoire, qui relatait cette interpellation en conférence, par laquelle une personne voulait m'indiquer que les "jeunes de banlieue" étaient désocialisés. La preuve ? : Leurs vêtements et chaussures qui affichaient ostensiblement une marques (ou plusieurs) de renom. Je lui fis alors remarquer qu'on leur avait dit que s'ils les avaient, ils étaient des "gens biens", et que s'ils ne les avaient pas, ils entraient alors dans la catégorie des "ratés". Mon interlocuteur me fit remarquer ensuite qu'ils ne les avaient surement pas payées. "Personne ne le leur a demandé, lui répondis-je. On leur a seulement dit qu'il fallait qu'ils les aient... et ils les ont... ils sont surement plus socialisés que vous et moi !".
Une société qui ne propose de raison d'être que la consommation d'objets éphémères est en défaut de sens. L'illusion que le bonheur est au bout ne peut pas tenir longtemps. La frustration et la quête de nouveaux objets s'installe vite dans les têtes, et il n'en faut pas plus pour réaliser que ce monde n'a aucun sens... C'est pourtant cela que la société post-moderne nous promet. Il n'y a donc pas à s'étonner de voir les gens s'en dissocier, et se mettre, consciemment ou non, en quête de sens...
Si une idéologie, un mouvement, incarné par une "tribu", selon le terme de Michel Maffesoli, vient proposer une pensée totale, structurée autour de la raison d'être d'un projet de société, donnant aussi une place, un rôle, une raison d'être à chacun, il y a de fortes chances que certains y adhèrent. Comme l'expliquaient Serge Moscovici et Denise Jodelet, "Là où il n'y a pas de sens, il est simple d'en mettre un. Mais là où il y a déjà du sens, il est très compliqué de le déconstruire pour le remplacer..." 
Voilà pourquoi le principe de la "déradicalisation" nous parait si complexe. Comment faire sortir de leurs représentations radicales, des personnes qui nous paraissent fanatisées ? Notre vision mécaniste ne nous aide pas, car il ne s'agit nullement de faire sortir qui que ce soit de quoi que ce soit, mais de changer, de faire évoluer la conscience de leurs représentations. 
Il s'agit pour eux, dans ces conditions, de changer de valeurs, de paradigme. "L'autre" n'est donc pas "une outre pleine de radicalité", mais une personne construite sur un projet qui nous parait bien dangereux... La question est donc bien de savoir "comment s'y prendre ?"
Posons nous un instant sur le fonctionnement de notre cerveau. Nous savons que si nous l'utilisons de manière déductive et rationnelle, il n'est pas cette immense calculette qui nous a fait inventer l'ordinateur. Il fonctionne de manière symbolique et associative. Comme l'indiquait déjà dans les années soixante le psychosociologue Serge Moscovici, nous accrochons le nouveau perçu à ce que nous savons déjà, en l'y comparant (ce qui lui ressemble et ce qui n'en est pas). Nous en faisons ensuite un nouvel objet que nous nommons et qui vient alimenter notre réalité. C'est ce qu'il appelait les principes d'ancrage et d'objectisation (à ne pas confondre avec d'autres principes caricaturaux d'approches hasardeuses ou simplistes). 
Pour effectuer ces ancrages et objectisations, il faut de la pratique, du "manu agire" : il nous faut mettre les mains dans "la gadoue". 
Il n'y a pas de transformation sans comprendre, prendre et pratiquer. En effet, on ne change pas les gens en discutant seulement avec eux. Sachons que ça ne sert à rien et les repas de familles nous le rappellent tous les ans... On ne change pas les gens par la loi et la contrainte, car la question de sens n'est pas traitée et comme l'affirmait en 2003, Yvon Gataz, le père de Pierre : "Si vous mettez de la contrainte, vous produisez de la tricherie".
Il nous faut donc, pour changer, nous souvenir que nous sommes corps et esprits totalement imbriqués, que ce n'est qu'une et seule et même entité qui constitue la personne. La pédagogie passe donc par le verbe et la pratique. Elle convoque aussi les cinq sens. Puisque nous savons que le meilleur des enseignements est justement l'apprentissage, inspirons nous de son sens profond !
Il ne s'agit donc, pour changer son personnage, ni de contraindre ou punir, ni de surveiller et sermonner, mais d'accompagner dans la pratique. Partons de cet autre principe fondamental : "l'autre n'est pas une machine, ni une boite. Il est autonome et vivant". Comme disait Gandhi de l'anglais : "il n'est pas notre ennemi, mais notre partenaire"... et l'anglais y a perdu. Si nous considérons l'autre comme le partenaire de sa transformation, nous avons une chance de bouger les choses, et d'apprendre de cette pratique. Sinon, nous continuerons à nous cogner contre des murs.
Alors comment s'y prendre ? Je vais le développer exactement dans un prochain article. Il s'agit de travailler avec "la tête et les jambes", d'accompagner la personne vers une raison d'être, apportant un sens à la vie (il fera son propre chemin pour la sienne), et expérimenter des ancrages. Il nous faudra alors savoir quelles sont ses valeurs et ces représentations qui ont guidé ses pas jusqu'alors...
Pour donner une aperçu du principe de la démarche, si vous effectuez une forte pression sur un noyau d'olive posé sur a table, il s'enfuit sous le buffet et vous ne le retrouverez qu'en balayant toute la pièce. Si, comme dans le travail avec les chevaux, vous tentez de le contraindre, il résiste et s'enfuit. Si vous tentez de lui expliquer, ça peut être très très long... Si vous l'accompagnez dans la pratique en fonction de ses représentations, de ses craintes énormes, de ses sensations, alors, peu à peu, le résultat s'installe et la conjonction des comportements aussi. Nous allons y revenir très prochainement.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 13 février 2018

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