De
quoi s'agit-il dans ce titre ? Non, bien sûr, il ne s'agit pas de
hold-up ni de malfaisance, mais bien d’effectuer un travail d'ouverture sur soi. D'ailleurs, le mot travail est surement trop fort. Il
n'y a là ni douleur, ni effort surhumain. Il y a juste un
changement de regard qui donnera un changement de posture, laquelle posture sera fructueuse. Alors
qu'y a-t-il derrière ce sigle "CACE"? Il y a juste
quatre mots simples : Curiosité, Attention, Contemplation,
Expérimentation. Mais, qu'est-ce que cela signifie ? Et bien nous allons développer un peu...
"Curiosité".
Si vous pensez que vous en savez assez, que votre connaissance est
amplement suffisante pour vivre dans votre environnement, pour gérer
toutes vos situations, vous venez de vous couper un bras, ou une
jambe. Pourquoi ? Parce que nous n'avons jamais fini d'apprendre ! Parce que tout bouge en permanence. Parce qu'il y a mille et une solution à chaque problématique que
l'on rencontre ! Parce 90% des innovations dans les entreprises
viennent des collaborateurs qui ont les pieds et les mains dans
l'action quotidienne et qu'ils ont un cœur et un esprit pour
penser ce dans quoi ils sont, ce qu'ils sont en train de vivre... Parce que depuis des millénaires
nous apprenons principalement des autres ! Parce que le reste de
notre apprentissage vient majoritairement d'événements qui nous
bousculent, qui nous interpellent, qui modifient notre regard !
La
curiosité est donc une qualité première et fondamentale pour notre
développement. Elle nous invite à une certaine humilité : nous ne
sommes pas des dieux omnipotents, comme nous l'avons peut être cru vers l'age
de cinq ans. Nous sommes des marcheurs de chemins de traverse. Nous
nous confrontons aux surprises du mondes, à ses montagnes de murs, à
ses crevasses de vides, à ses vents et forces qui nous
emportent et nous bousculent. Ce qui a fait que nous avons traversé
des siècles et des siècles d'histoire, occupant toujours d'avantage
de lieux improbables comme les déserts de sables et de glaces, comme aucun autre animal n'a su le faire à ce jour,
c'est parce que nous nous adaptons, modestement, obstinément, aux
résistances du monde, parce que nous avons appris de nos
confrontations, de nos échecs opportuns, de nos succès limités,
parce que nous avons été curieux de ce qui nous enveloppait,
de ce que nous vivions, de ce à quoi nous nous confrontions...
Le
second mot est "Attention". Il ne suffit pas en effet
d'être curieux pour connaître, mais aussi nous est-il indispensable
de développer une attention aiguë aux signaux faibles, au
moindre élément du parcours, à la plus petite résistance,
oubliant vite le principe de Paretto qui nous enferme dans l'illusion
d'une efficacité. Ce ne sont pas les 20% de causes responsables de
80% des effets qui font le résultat, mais bien la conjonction, la
convergence, et la succession de toutes les causes, aussi modestes soient-elles. Alors
nous leur prêterons toute notre attention, et nous prêterons aussi
toute notre attention aux manières de faire de nos congénères, de
nos amis, collaborateurs, patrons, adversaires, concurrents, voisins, comme de tout "êtres humains" tout simplement. Depuis
nos histoires de vie, depuis nos parcours chaotiques, depuis nos expériences
curieuses, nous avons, chacune et chacun, trouvé, expérimenté,
nombre de solutions et de non solutions... comme chacun des autres
que nous côtoyons. Parce qu'est là l'intelligence collective,
ce produit de la rencontre de sommes d'intelligences individuelles.
Alors nous leur prêterons cette attention curieuse essentielle.
Il y a là un creuset considérable de connaissances à
développer.
Le
troisième mot est "Contemplation". Mais que vient faire
cette expression quasi mystique dans le développement de la
connaissance ? Nous savons que nous ne voyons que ce que nous savons,
que tout le reste, la plupart du temps, sauf accident, nous échappe. Alors à quoi nous sert la curiosité et l'attention, si
nous n'en faisons aucun ancrage dans nos représentations, dans nos principes, dans nos théories
? Voilà, nous touchons là du doigt l'importance de cette
contemplation si décriée, si rejetée, par ce qu'elle aurait des
accents mystiques ou bisounours. Il s'agit en effet de faire taire,
en nous, nos a priori, nos "déjà connus" ou "déjà
sus", pour faire la place à cette intelligence opportune,
jusqu'alors inconnue, ou mal appréhendée. Il s'agit aussi, de
laisser faire notre intelligence symbolique, afin qu'elle "accroche",
qu'elle "attache" ces éléments nouveaux à ce que nous
savons déjà. Ceci se fait par association, par ressemblance, par
distinction, par comparaison, etc. C'est ce que la psychosociologie
des représentations sociale nomme l'ancrage (Cf. Denise Jodelet et
Serge Moscovici, 1985).
L'art
de la contemplation nous conduit à intégrer, ingérer, préciser,
distinguer, les éléments nouveaux de notre environnement. Vous vous
souvenez certainement de cette historiette que j'ai relaté dans des
articles précédents, sur la manière dont, enfant, j'ai "médité"
la manière d'éviter l'opposition de mon camarade René en matière
de rugby. C'est bien de cela dont il s'agit : rassembler tous
les éléments de mes acquis, avec les sensations qui leurs sont
associées, pour construire une appropriation nouvelle. Elle
deviendra une vision exacte d'un possible nouveau qu'il ne me restera
plus qu'à mettre en action.
Et
il y a ce quatrième mot "Expérimentation". Oui, nous n'en
resterons pas là, à regarder curieusement les solutions diverses.
Elle ne deviendrons connaissance qu'à compter du moment où nous les
expérimenterons nous-même. Alors seulement, elle prendront la
valeur de la connaissance. Jusque là, elle ne sont que des
indications, des hypothèses, des voies de recherche, des principes... Souvenons
nous une fois encore de notre apprentissage du vélo (peu d'entre
nous ont échappé à cette expérience). Toutes les explications du
monde n'ont pas fait l'acquisition de cette nouvelle compétence.
Il nous a fallu passer par l'expérimentation et là, seulement là,
notre corps entier a "compris", soit pris en lui-même,
le "savoir faire du vélo".
Comme
je l'ai déjà évoqué, j'ai appris la taille de pierre
avec la chasse, le ciseau, le poinçon et le maillet. J'ai eu
l'information sur la fonction et la capacité de chaque outils. Mais
ce n'est qu'à force de leur utilisation, de l'usage (à son vrai sens du terme), que j'ai ressenti et compris
dans mon corps, la précision de l'angle de la chasse, la précision de la force du coup de millet, etc... Sans ce long exercice d'expérimentation,
je serais resté dans l'observation de la théorie sur un matériaux
que je ne "connaissais" pas. Parce que nous sommes
totalement et indissociablement corps et esprit, l'acquisition
théorique passe par les sensations.
Alors
voilà, après avoir effectué votre "CACE", il ne vous
reste plus qu'à savourer le bien acquis et à partir vers de
nouvelles aventures, les quatre mots dans la sacoche ou sous le bras...
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 9 janvier 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos contributions enrichissent le débat.