Avez
vous remarqué que les gens à personnalité émergente ont une plus
grande influence, sont plus écoutés que les autres. J'ai déjà
évoqué précédemment que les gens beaux et grands ont un
humour et un esprit supérieur aux gens laids et petits. On a eu
l'habitude durant une longue période à faire confiance aux
gens qui avaient du charisme. Ils devenaient des leaders écoutés et
suivis. Aujourd'hui, leur leadership s'atténue et ce sont les gens
représentant un groupe pas sa légende, par sa propre histoire, qui
ont de l'influence. On les appelle les leaders emblématiques. Ce que
nous disent ces quelques situations est bien que ce n'est pas tant ce
que disent les gens qui influence mais bien ce qu'ils sont pour le
dire.
Il
m'est souvent arrivé en conférence, en formation ou en entretien,
de raconter l'historiette suivante. Je me lève et allume la radio et
j'entends sur ma chaîne préférée d'information continue, le
spécialiste de la maison en matière boursière indiquer que c'est
le moment d'investir dans les actions "lambda" car, vue la
conjoncture, elle vont rapidement grimper ces prochains
mois. L'affaire me semble sérieuse. Je fini de me préparer
et je pars pour le bureau. En arrivant à la bouche du métropolitain,
un personnage, apparemment fortement aviné et à l'accoutrement
particulièrement salle et décalé, m'interpelle pour me dire que
c'est le moment d'investir dans les actions "lambda" car,
vue la conjoncture, elle vont rapidement grimper ces prochains mois.
Je le regarde dubitatif. Je mets une pièce dans sa
casquette et je passe mon chemin. Arrivé au bureau, je croise mon
cher collègue Dan, réputé fouineur et découvreur de talent mais
aussi un parieur un peu risque tout. Et il me dit que c'est
le moment d'investir dans les actions "lambda" car, vue la
conjoncture, elle vont rapidement grimper ces prochains mois.
Le
message verbal est bien le même dans ces trois situations distinctes
et pourtant qui aurai-je tendance à écouter ? En terme de référence, ce que représente pour moi la personne sur ce champ singulier est déterminante quant à ma réception de son discours. Je suis conscient aujourd'hui que c'est même
primordial. Je me rends même compte qu'il y a des gens que je
n'entend même pas tant, pour moi, ils ne représentent rien sur le champ
dans lequel ils m'entretiennent... Oui, je sais, c'est une erreur profonde qui me prive d'avantages et de bénéfices certains...
Le
capitaine Cook traversa le pacifique guidé et accompagné par les
navigateurs maoris, habitants de îles qu'il
cabotait. Ceux-ci avaient déjà un sens et une connaissance de la
navigation si développé que leurs connaissances dépassaient très
largement celles du capitaine Cook. Mais ce dernier, les considérant
comme de gentils sauvages, n'imaginait pas pouvoir apprendre d'eux.
Il fallut plusieurs centaines d'années au monde "développé"
occidental pour rejoindre leur niveau de connaissances... et encore !
Combien
de fois avons nous rétorqué à quelques relations, voire même
amis, "Tu n'es pas le mieux placé pour le dire !". Et
bien sûr nous n'avons rien retenu ni rien fait de leur conseil,
fut-il juste et éclairé. Ceci vaut aussi pour soi-même, dans sa capacité
d'influence. En effet, je ne sais pas ce que je représente pour l'autre et la
certitude de mes convictions ne fait pas de moi le porteur justifié
de ce que je raconte.
J'ai
bien remarqué ce type de comportement et j'en ai tiré un modèle
d'influence. Si, sur ma réputation, je ne peux rien dans l'immédiat,
rien sur la représentation de moi chez mon interlocuteur, dans le champ
singulier de notre échange, je peux par contre donner à ma
présentation les rondeurs utiles à la réception de
mon propos par l'autre. Je le peux justement en m'en effaçant personnellement, en "me
gommant" en terme de référence. C'est ainsi que je développe deux
types d'arguments : l'un rationnel dont chacun a besoin pour décider et
choisir, développer son approche critique, et l'autre émotionnel
car je sais que le passage à l'acte se fait sur l'émotion et non
sur la raison.
Prenons
un exemple : quelle est la voiture qu'il me faudrait pour rouler dans
une grande ville encombrée, et c'est le cas de la majorité de mes
déplacements ? Une petite voiture électrique, non polluante, courte
pour la garer facilement, avec un carrosserie des ailes en
matière souple, comme du plastique. Il serait bien qu'elle soit légère pour se
faufiler dans le trafic... OK, et j’achète le SUV (Sport
Utility Vehicle) parce qu'il me valorise, le 4X4 parce
qu'il est beau de puissance symbolique, ou la Ferrari parce
qu'elle est belle et impressionnante... C'est à chaque fois l'émotionnel qui,
s'invitant dans mes décisions, emporte la partie.
Alors
sur le registre des arguments émotionnels, après avoir donné
toutes les caractéristiques techniques utiles, je vais développer
quatre éléments qui me mettront à distance et proposeront une
alternative référentielle bien meilleure. Les voici :
Il
s'agit de faire appel à ce que l'autre a de plus personnel et de
plus sensible : ses cinq sens. Je vais donc "sensorialiser"
mon propos avec des couleurs, des odeurs, des sons, des formes, des
sensations que l'autre saura attraper, convoquant ainsi sa propre
expérience sensible.
Il
s'agit aussi de parler de son sujet en effectuant des rapprochements
avec d'autres champs connus de son interlocuteurs. Il s'agit
d'inscrire le nouveau dans ce qu'il connait déjà et ce de manière
positive, c'est à dire avec une connotation agréable et ordinaire, comme le
"chez soi", les repas, les balades en forêts, les loisirs,
le sport, etc.
Les
deux autre registres ont davantage un caractère symbolique. Il
s'agit, par exemple, d'user de l'art de la parabole, ces petites
histoires dont usaient les grecs anciens et qui contextualisent ce dont on parle. Elle laisse à penser à
mon interlocuteur ce que ça va donner, ou ce que ça a donné
ailleurs. La parabole a une fonction pédagogique certaine.
Le
second est l'art de la citation. Il m'arrive souvent de dire que mon
grand-père disait ceci ou cela. Nous avons tous eu des grands
parents, que nous avons connus ou pas, mais qui ont, dans notre
imaginaire, un profil bienveillant, pour la plus part d'entre
nous. Ceci à le pouvoir de déplacer la référence, d'assouplir le
relation à l'autre en se positionnant "à côté" plutôt
que frontalement, risquant ainsi la posture d'opposition.
Alors, dans nos relations à l'autre, quel qu'il soit, proche ou
lointain, habituel ou occasionnel, hiérarchique ou pas, dans une relation d'équivalence, de dépendance ou d'autorité, la référence
que nous apportons à nos propos parle plus fort que nos mots. Elle pallie le connotations non maîtrisées de notre propre référence. C'est
bien pour cela que nous lui porterons, dans nos travaux, la
plus grande attention et, pour les autres, la plus grande indulgence, voire prudence. Cette sorte de “vadémécum” a réellement une vocation à portée universelle...
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 23 janvier 2018
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