"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

L’excellence du doute critique

Il n'est pas habituel de rencontrer en France des patrons, des enseignants, des chercheurs et des consultants, affichant ce qu'ils sont comme une fière qualité. Ceux qui le font sont jugés a priori comme inintelligents, voire prétentieux et arrogants. La posture qualitative appréciée est celle du recul, de la discrétion, de la prise de distance, celle, de fait, du doute critique : "Je sais et je suis perçu comme sachant, mais je pourrais ne plus savoir demain et même me tromper actuellement". Cette modestie n'est pas qu'un affichage et ceux qui pratiquent ainsi cette posture, cette "façon d'être", pourraient être appréciés comme "intelligents, proche et à l'écoute". Je crois que cette véritable modestie résulte d'un doute réaliste et critique.
Et pourtant, la caricature, dont sont communément affublés les français à l'étranger, est empreinte d'arrogance, d'orgueil aveugle et de prétention. Celle-ci n'a cependant rien à voir avec la posture de doute critique reconnue dans leur culture.
Alors que "nous n'existons que de l'autre" (expression lacanienne), nous lui résistons avec force. Le jugement de l'autre est perçu, en France, comme une critique parfois dure, sinon impitoyable, et il convient de s'en protéger, en sauvegardant l'image que l'on se fait de soi-même. Cette image est souvent doublée d'un mélange de honte et d'orgueil encadrant un réalisme précaire, à la limite douteux, confinant à cet auto-bashing bien "franchouillard". La résistance est conflictuelle, tant avec l'autre qu'avec soi même. Elle porte sur l'image que l'on se fait de soi, en la rapportant au principe de réalité...
En effet, notre culture fait l’apologie du doute critique, s'en flatte, jusqu'à l’excès, qui peut aller jusqu'au dénigrement de l'autre et de soi-même. Cependant, le doute critique devrait nous permettre cette prise de distance nécessaire, sur les événements et phénomènes sociétaux. Souvent, la forme des nouvelles emporte le fond et elles se transforment alors en escroquerie paradoxale. Prenons un exemple dans la vie ordinaire de nos organisations. 
Nous parlons fortement des risques psychosociaux et nos DRH disent y être très attentifs. Mais de quoi s'agit-il exactement ? D'abord ce sujet nous est présenté comme "un risque", et nous savons ce que ce terme signifie dans la vie de nos entreprises : il s'agit de quelque chose d'extérieur à l'entreprise ou de quelque chose qui est inhérent au système (organisationnel, financier, technique, etc.). Un peu comme s'il s'agissait d'un pendant normal et ordinaire auquel nous devrions logiquement nous attendre.
Nous avons bien entendu : "normal et ordinaire"... De la souffrance, je n'ai jamais compris qu'il s'agissait d'une chose normale et ordinaire, à par dans mon corps quand l'effort est intense. Il s'agit bien plutôt d'une conséquence d'un événement ou d'un fait. Or cette dimension-là a disparu du concept de "Risques psychosociaux".
Ensuite, on entend affirmer que cette contrepartie normale et ordinaire d'un système est "psychosociale", c'est à dire qu'elle relève d'un champ scientifique indépendant des personnes qui vivent l'événement. L'organisation ne peut donc en être tenue pour responsable. C'est dans ces conditions que, paradoxalement, "on" porte comme sens sous-jacent ce jugement. En l'espèce, la personne concernée par cette contrepartie n'est, de fait, pas dans le champ social normal. En d'autres termes, si ceci lui arrive, il faudra regarder du coté de la pathologie, de l'anormal, du singulier. L'expression même indique que ce phénomène "normal et ordinaire" touche des personnes à la caractéristique suffisamment particulière pour qu'elles en soient quelque part co-responsables : la victime n'est pas tout le monde. Elle présente un profil dédié...
Voilà donc que nous nous construisons des certitudes auto-protectrices. Il est un fait que ceci arrange ceux qui ne sont pas "atteints". C'est ainsi que la singularité du profil de victime les exclut  ainsi "mécaniquement" de la cible. Les voilà protégés et ceux-là propageront la notion comme une bonne nouvelle : il faut être singulier pour être victime de risques psychosociaux. Nouveau paradoxe, l’argument vaut même (et surtout ?), si psychologues et sociologues clament haut et fort que tout le monde peut en être victime. Le sens de l'expression dit tout le contraire. Voilà, comment un terme à la forme apparemment anodine se révèle être porteur de toute une approche déjà jugée : un “préjugé” propre au stéréotype. Il s'agit donc bien là d'une indication aussi contradictoire que paradoxale. Nous manquons là d'autonomie et de libre arbitre. Mais les systèmes sociaux sont ainsi...
Au delà de l'exemple, regardons plus loin. Le marché se présente comme une quête éternelle d'éternité qui consiste à nous maintenir dans l'angoisse et l'incertitude. La cause  en est relativement simple : elle peut se résumer en une injonction perpétuelle de croissance, ou de croissance perpétuelle, comprise dans sa logique et culture sociétale A l'appui de cette cause, il y a cette injonction conjointe de dépassement de soi et, notemment, de consommation. Le capitalisme perpétue ainsi le mythe de l'abondance. Il est une tentative de retour au paradis terrestre pendant que la vie réelle est ailleurs... 
Keynes proposait que l'économie reste "à l'arrière", laissant ainsi la place aux artistes, aux créateurs. Nous l'avons oublié, peut-être même jamais entendu (car nous n'entendons que ce qui nous convient). Descartes avait intégré l'intuition comme un moteur fondamental de la connaissance et érigé le doute critique en méthode suprême. Peut-être avons nous confondu ?... Pour notre bien être réel, il nous faudra retrouver l'excellence du doute critique. Notre survie est probablement à ce prix... 


Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 19 décembre 2017

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