Gérard
Filoche a été exclu du parti socialiste pour avoir édité sur le
réseau social Tweeter une image accompagnée de moins de cent
quarante caractères. La raison prononcée de son exclusion est
"incompatibilité avec la philosophie du parti". C'est à
dire qu'un affichage instantané de quelques mots fait plus de sens
que quarante ans de discours, d'écrits et d'actions militantes, voire de combats. Je ne
viens certes pas faire l'avocat de Gérard Filoche, je viens juste
montrer comment et sur quoi un parti prend actuellement ses décisions
et pourquoi ça passe socialement sans accrocs. Je veux juste attirer
l'attention sur le fait que ce mode de décision n'est pas propre à
ce parti et qu'il fait le mode de vie et de pensée de toute une
grande part de notre société : la décision se fait sur l'écume
des choses. Nous sommes en pleine dictature des apparences. Le
pouvoir est à l'éphémère...
Dans
la présentation que j'ai déjà développée sur l'évolution
sociétale* en trois vagues
historiques, actuellement coexistantes et incompatibles (les
modernes, les post-moderne et les alternants culturels), Gérard
Filoche est un moderne. Le socle de sa pensée, et donc de sa posture
(voir l'article "La vision guide mes pas**"),
est fondée sur la rationalité, l'individu, la verticalité
organisationnelle et la construction du futur.
Or,
le collectif qui le juge, la société qui l'enveloppe dans son air
du temps, sont post-modernes, à savoir que leur posture est fondée
sur l'émotionnel, la tribu, la "liance" et la "reliance"
(cf. Marcel Bolle de Bal), et enfin "l'ici et le maintenant".
Nous sommes passés, et je l'ai déjà présenté, d'une société de
la construction dans un environnement rationnel de progrès (c'est la
posture qu'illustre Gérard Filoche) à une société hédoniste,
comme en a développé l'étude et la description le sociologue et
philosophe Michel Maffesoli.
Voilà
pourquoi Gérard Filoche ne peut pas comprendre ce qui lui arrive et
proclame que c'est autre chose qui est jugé sur lui, et que le tweet
n'est qu'un prétexte. Mais pour l'environnement sociétal, c'est le
symbolique, le sens induit ou seulement compris d'un seul tweet qui
fait symptôme, et donc qui fait sens. Pour ces gens là (ce public),
c'est inacceptable. Leur imaginaire est frappé d'un sens en
contre-sens et donc l'accusé devient un exclu de fait. C'est bien l'écume
des choses qui prend le pouvoir.
Est-ce
que ce cas est un cas isolé ? Probablement pas. Il est seulement
emblématique de ce que sont nos rapports sociaux actuellement. C'est
bien cela et seulement cela que je juge (pas l'ex-militant PS, il est
un tout autre sujet). C'est aussi ce que je donnais à voir dans mon
précédant article autour du phénomène "Balance ton
porc", consécutif à l'affaire Weinstein.
C'est
aussi ce à quoi nous avons assisté lors de "l'affaire
Léonarda", expulsée au Kosovo. C'est aussi ce qui s'est invité
dans les primaires socialistes et de la droite, et aussi dans
toute la course à la présidence du printemps 2017. C'est aussi ce
sur quoi surfe le mouvement des "fémènes". La liste n'est
pas exhaustive, loin de là, car c'est là notre air du temps post-moderne...
L'apparent
que révèle un élément fait plus de sens que l'histoire profonde
dont l'analyse historique et sociologique est oubliée, inexistante,
passée à la trappe. Serions-nous devenus une société idiote,
émotionnelle, adolescente ? Très certainement... C'est ce moment
post-moderne qui nous enveloppe. "Dieu merci", la route ne
s’arrête pas là et le mouvement d'alternance culturelle se
développe. Nous approchons inexorablement d'un moment de bascule vers un changement sociétal profond.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 28 novembre 2017
* voir les articles sur "Les nouveaux liens sociaux"
** voir l'article "La vision guide mes pas"
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