D'où nous vient ce terme de management, et que contient-il ? On a l'habitude de prendre l'acception anglo-saxonne pour sens commun. En effet, le mot "to manage" signifie quelque chose comme "se débrouiller". Ce sens là est bien entré dans nos organisations et pas par la petite porte. On a aussi l'habitude de chercher quelques origines dans le vieux français et les mots "manage" et "manège" viennent en surface (le manège étant celui où l'on enseigne aux chevaux la marche, le trot et le galop à la demande). Ces deux acceptions portent le sens d'ordonner, d'organiser, de rendre plus amène et propice à l'usage, un peu à la manière du terme : "ça tourne, ou ça roule", que l'expression populaire retient pour dire que cela marche bien, que ça fonctionne... comme la marche d'un manège pour enfants !
La
première fois que le mot "management" est apparu en France, c'est dans un
article de l'Evénement Illustré, en 1868, assez récemment donc. De fait,
ce mot de racine latine nous vient de l'italien où il comporte trois sens
distincts. Ceux-ci peuvent nous parler vraiment et, cerise sur le gâteau, "manegiare" est
un verbe transitif ("manegiarsi") apportant un quatrième sens des plus intéressants. Regardons cela de plus près.
Le
premier sens, en italien, est celui directement issu de la
racine latine, le "manu agire", le fait de faire à la
main, le fameux coup de main que l'on retrouve dans l'expression
"managiare la spada", qui veut dire "manier l'épée".
Il y a du savoir, du savoir faire, du tour de main, de l'agilité, de
l'expérience et de l'usage dans ce premier sens. Il est comme un
fondement du concept de management.
Le
second sens a rempli nos écoles de gestions. Il est cet art de
"conduire une affaire", d'en maîtriser les détails, les forces et les contraintes.
L'italien le prononce ainsi : "manegiare una faccenda".
L'expression porte là tout le sens de planifier, diriger, contrôler, cher à Peter Drucker, un des "papes" du management dans les années quatre-vingt et suivantes.
Le
troisième sens s'approche de ce style de management montant depuis quelques
années, que l'on nomme humaniste, avec cette connotation d'intelligence collective. Il est aussi présent dans les modes et manières de l'hollacratie, de l'entreprise libérée, voire aussi du co-working ou encore de la sociocratie. La liste n'est pas exhaustive. Bien qu'application et processus peuvent se distinguer, le fondement de la démarche est le même. L'expression italienne "manegiare un cavallo"
(conduire un cheval) l'illustre fort bien.
Comme
dans le développement des couples d'intelligence collective, il
s'agit là de développer le binôme "homme-cheval",
de manière à ce qu'il réalise ce qu'aucun des deux ne saurait
réaliser seul. C'est, par exemple, le cas du saut d'obstacle où le
cavalier ne saurait jamais réaliser seul un tel parcours, surtout
dans un temps aussi court. Le cheval, de son côté, ne
s'intéresserait pas à cette gymnastique et pourrait la prendre dans
d'autres sens et sans cadence. Le résultat serait tout aussi
improbable. Si le cheval apporte la puissance et la justesse, le
cavalier s'occupe de la cadence, de l'ordre et du sens du parcours.
Il intègre également l'optimisation des pas de sa monture entre les
obstacles. Les deux s'occupent de leur entente, chacun à sa manière.
Si
l'on transfère ce sens dans nos organisations, il devient
l'articulation du couple homme-organisation (et le mots homme est
pris à son sens générique et neutre d'être humain). C'est là
toute l'approche que Fritz Roethlisberger a développé dans les
années 60 et 70 avec ces cours à Harvard de "organisational
behavior", traduit malencontreusement en français par
"comportement organisationnel", expression peu intelligible, au sens relativement
abscons. Il s'agit là de comprendre la relation
d'interdépendance et d'inter-influence entre le comportement des
individus et celui de l'organisation, afin de faire avec, en optimisant le couple. Ce sens là est aussi celui de l'articulation entre tous les gens et toutes les parties d'une organisation : on retrouve là, cette fameuse manière de travailler ensemble en développant une intelligence collective (pour l'image, il est loisible d’affirmer que le “produit” est bien supérieur à la somme de chacun).
Et
puis il y a la cerise sur le gâteau, cerise que l'on gardera en
bouche et pas seulement pour le plaisir : ce verbe transitif, "manegiarsi",
signifie "s'évertuer à"... On pourrait alors en déduire
que le management est une science dont la mise en oeuvre est un art. Si c'est là le sens profond du management, je me demande comment nous avons autant dévié de la cible...
Jean-Marc SAURET
Lire aussi : " Le management est un art bien simple "
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