Il
me souvient un événement ordinaire mais très indicateur sur nos réalités, quelque
chose que j'ai vécu enfant. A l'école, nous jouions au rugby dans
la cours, le sport régional "universel et absolu". René
était l'un des plus doués d'entre nous. Vif, il se jouait de nos
défenses et déjouait nos attaques. Mon problème était donc
"comment passer René ?". Je retournais le phénomène dans ma tête
et me mis par hasard à visualiser les situations de jeux. Seul, méditant
dans le calme de l'étude, les devoirs finis, je vivais mentalement
ces moments où René m'attrapait alors que je tentais d'aller à
l'essai.
Je
le voyais arrivant de biais, de face ou de l'autre côté. Je voyais
son geste, comment il me regardait, comment il jetait ses bras,
avançant son épaule... et là, méditant l'instant, je vis qu'en
lui mettant la main sur le visage, il ne pouvait plus me "trouver", et donc m'attraper. Il ne pouvait alors que me "manquer". Je répétais donc la
situation mentalement, des fois et des fois, jusqu'à ce que la
cloche sonne annonçant le début de la récréation. Pliant livres
et cahiers, nous nous jetions dans la cour, et dans le local aux
ballons afin de récupérer les vrais ballons, bien ovales. Il fallait surtout ne pas
risquer de se retrouver avec le "tout rond" dont personne
ne voulait. Il n'était pas pratique et obligeait à jouer comme en
handisport sans les mains... un jeux de gamins pour apprendre à
marcher ou courir.
La
situation que j'avais "rêvée" se présenta. J'avais le ballon dans les mains
et René se profila dans mon horizon. Dès qu'il fut à la distance
imaginée, mon bras gauche partit d'un trait couvrir son visage. René
me manqua et je marquais l'essai. Je répétais alors plusieurs
fois l'opération, de façon toujours fructueuse. Les copains trouvaient ça
génial. Je venais de réinventer le "raffut" dont
l'application sur le visage fut bientôt interdite.
Depuis,
quand quelque chose ne me va pas, que je n'arrive pas à réaliser,
soit, comme tout un chacun, j'intellectualise, je reviens sur les
fondamentaux, je révise mes procédures et ça ne marche pas à tous
les coups, soit je médite le phénomène, l'événement, je le rêve et
le réalise dans l'imaginaire, et là, j'avoue que ça marche bien
mieux.
Si
la vision guide mes pas, comme nous l'avons plusieurs foi approché,
la construction de la vision se fait dans nos représentations. La
meilleure manière de construire ou travailler une représentation
n'est pas le calcul ou la raison. Ladite raison sert plutôt à prouver ou
démontrer, mais ne fait pas la vision complète, ne la rend pas opérative. Entrer
dans la représentation pour la déconstruire et la reconstruire
entièrement permet de considérer et de prendre en compte tous les paramètres de
la situation : les sensations, les émotions, les distances
ressenties, les mouvements avec leurs vitesses perçues, visualisées au ralenti, les perceptions internes et externes, les concomitances, etc. Seule
la mise en situation le permet. Nous savons que, dans les formations par exemple, comme dans un jeu de préparation, les mises en situation ne sont jamais le réel. C'est là la limite des jeux
de rôles où chacun sait qu'il est dans un jeux. Chacun se regarde
jouer plus qu'il ne joue. Alors, la méditation constitue un
sérieux recours dans la recherche et le développement de solutions.
Qu'il
s'agisse d'une situation sportive, relationnelle ou réactionnelle,
la méditation est le seul exercice qui permette une approche globale
et totale de l'événement. En cela, elle est une panacée à
nos ratés.
Nous savons aussi que nombre
de nos rituels sociaux sont d'ailleurs des marqueurs émotionnels.
Ils installent, dans nos représentations, des repères ressentis que
la raison comprend mais n'explique pas. "L'expérience, me
disait un éducateur sportif, ne se transmet pas. Il nous faut se la
faire, se la vivre." C'est là toute la fonction des rites de
passages (bizutages, compétitions, initiations, intronisations,
adoubement, etc.) qui donnent à vivre un événement émotionnel qui
marquera l'entrée dans un autrement. Il donnera à l'impétrant les
sensations de son avènement. Rien dès lors ne sera jamais plus
comme avant. Il aura appris quelque chose que les mots ne disent pas.
Eh bien, la méditation, dans l'apprentissage, le développement et la
modification, joue cette fonction globale et totale
d'expérimentation, parce que c'est bien là, dans l'imaginaire que
les représentations se construisent avec les sensations topiques comme marqueurs.
Ainsi,
méditer ce que l'on a à faire nous permet très efficacement de le
réussir. Je vois bien des applications de cette méthode. C'est ce
que fait, par exemple, le coaching cognitif, accompagnant l'impétrant
à "s'y voir" et s'y exercer. Je vous laisse imaginer toutes les extensions et
applications de cette pratique... Allez ! On commence tout de suite ?
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