"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Un changement de paradigme

Le psychosociologue Serge Moscovici avait écrit "Les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve". Et en effet, notre culture voit deux types d'organisations dans la nature, celui de la prédation et celui des collaborations.
Le premier, sur le modèle du prédateur et de sa proie, nous raconte l'histoire des conquêtes guerrières vivant sur l'épuisement des stocks. Le second, sur le modèle du Yucca et du papillon, du requin et du poisson pilote, de l'anémone et du poisson clown, nous présente les interdépendances constructives, des modes de co-développement. Ces modes constituent des réponses (ou réactions) adaptées, des solutions intelligentes, et des richesses par l'association. Il est loisible d’y ajouter, dans ce contexte qui est le nôtre, qu’en termes de conséquence cela se traduit par zéro déchet. Ultime conséquence et, peut-être plus importante encore : il n’existe en l’espèce, pas de perdant...
Le premier est l'histoire du monde occidental où l'homme, "finalité de l’univers", se sert dans son jardin (le monde) et l'épuise. Le second est l'histoire des populations dites, par le premier, primitives : les populations de culture animiste ou chamanique. Elles ont développé une pensée systémique depuis des millénaires, parce qu'elles ont le sens de l'interdépendance des choses, le sens de la relation, de la "reliance" (comme la nomme Marcel Bolle de Bal*), et de la coexistence. Il est vrai que c'est un mode de pensée qui arrive maintenant en occident et que nous semblons découvrir comme une nouvelle intelligence.
Mais regardons encore de plus près. Effectivement, le premier mode est issu des religions du livre où un dieu, universel et unique, crée l'homme à son image, en le considérant comme l’apogée, le summum, de ce monde qui l'entoure. Ledit monde, en cette occurrence devient donc son jardin. L'homme se pense à l'image de ce dieu. Il n'a donc plus qu'à cueillir, récolter, ici et là, les fruits et les animaux "mis à son service". Il est le prédateur ultime de ce monde.
Quand un humain de ce monde voit une plante, il arrive qu'il s'exclame : "Oh ! Quel beau Triticum Aestivum !". Il est en fait devant... un brin de blé.
Il s'agit pour lui de nommer le brin de manière à ce qu'il soit dans une espèce, une famille, une catégorie. Il voit le monde en collection d'objets.
Le second type d'organisation est celui des religions chamaniques ou animistes. Ce mode religieux, ou plutôt philosophique, est le plus ancien et le plus répandu sur la planète, du Nenet de Sibérie au Yaki du Mexique, en passant par le Bushman de Namibie. Ce mode relève du principe suivant : tout ce qui existe fait partie du "nœud de nature", ainsi, tout est donc relié. Ce lien entre chaque chose se fait dans le monde invisible des esprits. D'où la nécessité de recourir au chamane qui, lui, sait aller dans ce monde spirituel ou mystique, sait communiquer avec lui et en rapporter les enseignements utiles et nécessaires. L'humain fait donc partie intégrante de ce tout de nature, de cette complexité systémique.
Quand un humain animiste voit un brin de végétation, il se dit donc plutôt : "Tiens ! Il y a de l'eau à trois ou quatre coudées là dessous", ou bien encore "Tiens, un phacochère est passé là, il y a moins d'une heure...". Le bushman de Namibie voit là davantage la relation entre les choses plutôt qu'un objet à classer. Il a culturellement une vision et conception systémique du monde.
Dans ces conditions, quelles sont alors les conséquences sociétales et organisationnelles de ces approches de la réalité ? Si, dans le premier mode, l'humain se voit comme l'aboutissement du monde, il se sert du monde, l'épuise et se comporte comme un prédateur final et ultime. Ce qui n'est pas humain est "chose". Nous avons ainsi un monde de la prédation où chacun peut être à son tour proie et prédateur, agresseur ou victime. C'est le monde de la violence brute.
Si dans le second mode, l'humain fait partie intégrante de la nature, et participe de sa complexité, il tente alors de comprendre les relations et les interdépendances. Naturellement, il intègre le système-monde pour s'y couler, s'y inscrire et, sans déranger, s'en arranger. C'est là un monde de l'intelligence et des coopérations, voire peut être celui d'une autre sagesse.
Aujourd'hui, nous arrivons à la fin mécanique de ce monde de la prédation, au moment même où les ressources s'épuisent,... quand elles ne le sont pas déjà. C’est ainsi que nous assistons à deux postures antagonistes. La première tente de nier l'épuisement des richesses et cherche, à l’infini (?), de nouvelles sources d'énergie et de consommables. La seconde tente de comprendre, de regarder autrement, fait simultanément l’hypothèse d'autres voies. Elle tente ainsi de s'adapter et de se réinscrire dans le nœud de nature, avec sa cohorte d’intelligence collective, associée à des cycles de production sans déchets (voir Gunter PAULI**).
Le constat me semble alors assez clair et il “explique” pourquoi nous rejetons l'étranger, le migrant, le différent, pourquoi nous jouons de l'exclusion et de l'anathème : il y a ce qui est de l'humain (et gare à ne pas sortir de la définition) et ce qui n'en est pas, ceux qui n'en sont pas. La définition de ce que nous sommes, de ce qu'est l'humain ("notre" humain), prend alors, dans cette cosmogonie une force dévastatrice. Nous comprenons ainsi, la mécanique des xénophobies, tout en nous donnant, en même temps, cette capacité à les défaire, à nous en débarrasser.
En changeant de paradigme, nous changeons donc aussi de définition de soi. Cette perspective se développe tous les jours, et à chaque pas. Voilà pourquoi, selon moi, être juif, musulman, chrétien ou athée, est du même ordre qu'être amateur de bière trappiste, de rugby, du silence ou d'art contemporain : voilà qui reste une affaire très personnelle, du domaine de l’intime, pour organiser et savourer sa vie.

Alors, sans attendre, un peu à l'instar de la pensée latérale d'Edward de Bono, nous avons à changer notre regard sur nous-même, mais aussi sur le monde et peut être, alors pourrons nous découvrir ou inventer la troisième voie… elle reste (encore)... ouverte !

* "Voyage au cœur des sciences humaines. La reliance", Marcel Bolle de Bal, L'Harmattan, Paris, 2000)
** "L'économie bleue" Gunter PAULI, Caillade, 2012 
- voir aussi : "Les nouveaux entrepreneurs du Développement durable", Gunter PAULI, Caillade, 2013 
(Voir aussi l'article dans Libération : http://www.liberation.fr/futurs/2012/12/16/gunter-pauli-suivre-la-sagesse-de-la-nature_868007)

Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 4 juillet 2017



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