Mon ami Thierry Groussin, me racontait
cette parabole. Il était en voyage sur l'Altiplano,
dans la Cordillère des Andes, et
le bus dans lequel il voyageait tomba en panne. Tous les passagers descendirent
pour pousser le bus et donc lui aussi avec les trois occidentaux du voyage. Lui
et ces derniers ne purent pas pousser bien loin, avec l'altitude extrême, la
tête leur tournait tellement que les voyageurs locaux les remirent dans le bus
et continuèrent à pousser jusqu'à ce que le bus redémarre.
Il faut donc connaître les contraintes locales,
les cultures et histoires du
cru, en être un habitué, pour
pouvoir participer au changement. Bien des managers l'oublient très vite... Pour agir juste, il faut “être du monde” que l'on veut changer.
Vous ne ferez rien sans les gens du coin. L'erreur est de penser que
bouleverser les habitudes provoque le changement. Oui, très certainement, même vers les précipices. Les
grands "changeurs" sont souvent des joueurs de flûte : à Hamelin, on s’en souvient encore !
S’ils amènent bien les rats à la rivière,
ils y amènent aussi tout ce qui est indispensable aux gens du cru.
Combien
de dirigeants sont-ils arrivés dans une nouvelle organisation, une nouvelle
entreprise, une nouvelle société, avec la ferme et bonne intention d'y tout
changer ? Combien y sont-ils arrivés ? Combien se sont retrouvés, peu après au milieu de
leurs ruines et ont fui le navire, fiers de leur "travail
bien fait"... On pense aisément à ce président américain, peut être le
premier surpris d'avoir été élu, qui se pensait comme un grand négociateur ! Pour cela, il pensait
aussi bousculer les lois de son prédécesseur, parce qu'il l'avait
promis lors de sa campagne. Il essuie revers sur revers par méconnaissance des arcanes de ce pouvoir-là.
Et comme il ne connaît pas non plus la
culture des chambres dirigeantes, des modes de faire et des préoccupations de
ses membres, on peut s’attendre au pire ! De
fait,s’il n'était
pas de la culture, il n’était pas non plus de ce monde. Il n'a donc
pas changé grand-chose, peu mis à sa main, voire même à
sa botte, comme il l'espérait. Il n'avait, a priori, pas
pris en compte le
fait que
ces élus repasseraient devant les urnes l'année suivante, et que leurs intérêts
était d'abord d'être réélus.
Il
faut donc bien connaître les arcanes de la culture
locale, connaître les jeux d’intérêts et
les conditions particulières du lieu, de la tribu, s’approprier également, les trucs et astuces
locaux, les modes de faire ancestraux : ceux qui,
justement, permettent d'aller au
bout du chemin, de vaincre les difficultés. La culture locale perpétue les
solutions que l'histoire a forgé pragmatiquement. Mais ce n'est pas
tout.
Il
me souvient de ce jeune professeur vendéen arrivé dans un collège du sud-ouest
avec toute sa pédagogie ouverte et sa bonne volonté. Il comprit très vite que s'il ne
participait pas aux parties de
rugby avec les élèves et les autres
professeurs, et s'il n'y montrait pas sa
valeur et son engagement, tout ce qu'il proposerait ensuite,
serait vain. De la même façon, rien de ce
qu'il poserait sur la table, ne serait recevable, simple question de
crédibilité. Il faut ainsi disposer des références nécessaires. Si un
individu aviné, à l'aspect clochardisé,
vous donne quelques indications sur l'investissement actuel en bourse,
l'écouterez-vous ? Comment allez-vous accueillir son propos ? A contrario, si un quidam
bourgeoisement apprêté vous tient les mêmes propos, vous tenterez d'obtenir un
peu plus de garanties que celles de son bel aspect. "Etes-vous
dans les affaires ?" lui demanderez-vous pour vous assurer du crédit
à son discours. "...Et, professionnellement, vous faites quoi ?"...
En
d’autres termes, si vous n'avez pas la connaissance ordinaire locale, si vous
ne possédez pas les éléments de culture idoines, si vous ne disposez pas des références adéquates, alors vous ne pourrez
exciper du crédit
indispensable pour vous faire entendre.
Vous n'existerez donc pas vraiment dans ce
"pays-là". Peut-être, au mieux, vous prendra-t-on en compassion.
Peut-être, au pire, vous jettera-t-on dehors. Et si vous insistez, vous
apprendrez par vous-même que vous n'êtes pas le plus fort… Ce sera peut être là une véritable “leçon de choses” !
Jean-Marc SAURET
publié le mardi 30 mai 2017
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