Il me semble qu'aujourd'hui, dans nos organisations, nous avons l’impérieuse
nécessité de sortir de la gestion économique de
l’emploi. Pourquoi ? Ses conséquences sont trop coûteuses dans les inefficiences qu'elle engendre.
J’entendais dernièrement le
député Jean-Louis Borloo faire la démonstration que des décisions de réduction
de coûts d’aide à certains emplois, comme sur les heures supplémentaires ou les
services à la personne, avaient déconstruit des dynamiques et donc fragilisé ces
marchés dépendants. Cette intervention fait revenir à ma mémoire un ensemble de comportements managériaux de même type qui ont eu dans les
organisations des effets tout à fait dommageables.
Bien sur, chacun comprend
la démarche d’économie entreprise par ces décideurs. Mon père, fils et petit
fils d’aveyronnais pur sucre dont la réputation de bons gestionnaires n’est
pas à faire, me disait dès mon plus jeune âge : « Ne dépense jamais
un sous de travers ! » et il le prouvait par l’exemple. Il n’allait
pas au bistro et n’achetait que le nécessaire (pas seulement l’indispensable)
en s’inquiétant de l’avoir au meilleur prix. Jusque là, rien d’exceptionnel…
Et cependant, il se
montrait être, avec sa famille, ses amis et nombre de gens qui le
sollicitaient, particulièrement généreux. Paradoxe ? Non, pas du tout.
L’argent étant un moyen, il était donc important de l’utiliser à bon escient.
Ce qui était visé dans l’usage était donc l’efficience et non l’économie pour
l’économie. Il y a donc une différence essentielle entre l’avarice et l’esprit
aveyronnais.
Ce que donc m’indiquait mon
père, dans mon enfance, était de penser d'abord à l'oeuvre finale et, pour cela, de garder les sous pour ces choses qui en avaient besoin (Il me disait aussi qu'économiser nous rendait plus riches).
C’était là, la révélation d’une mécanique ordinaire. Et on ne pourra pas faire
reproche aux aveyronnais de n’avoir pas su faire fructifier leurs affaires à
force de, comme ils disent, « travail, droiture et rigueur ».
Or, c’est cette « rigueur »
qu’il m’intéresse de regarder à l’aune de l’intervention radiophonique de
notre député du Nord. Nous comprenons aisément qu’une gestion des coûts drastique, de type réduction systématique au moindre prix, a des effets pervers
plus destructeur encore (voire « destructueur ») que l’état
dispendieux qui l’aurait précédé.
Nous voyons une fois de
plus ici que la vision gestionnaire de type bureaucratique n’est pas adaptée à
la réalité économique et que l’approche globale du management en mode projet
permet une meilleure efficience.
L’approche gestionnaire
bureaucratique, comme l’avait fait Taylor, divise le travail en tâches successives.
C’est donc dans la gestion de chaque tâche que le diable va nicher sa turpitude
économique. Chaque tâche est étudiée séparément, individuellement et la recherche
du moindre chiffre. La démarche va être développée de manière systématique, pas à pas. Chaque élément, réduit à son moindre coût, est de fait impliqué dans l'ensemble. Sa qualité a une résonance sur l'ensemble. Résultat : des défauts de constructions fragiles, des éléments inadaptés, et des incompatibilités apparaissent. In fine, il conviendra de
faire les ajustements indispensables pour que l’édifice tienne debout. C'est là que tout peut, dès lors, coûter bien plus cher…
Dans une approche de
management en mode projet la vision globale structure les prises de décisions. Les conséquences des choix sont a priori regardées, évaluées, pesées et jugées. Dès
lors, la réduction du coût rentrera dans le cadre de l’accomplissement de l’œuvre, de la résonance à l'ensemble et, comme le disait mon père, aucun sous n’est dépensé de travers, seulement plus
justement.
Il en va de même dans la
vie des organisations. Pour répondre à un souci bureaucratique, l’analyse de
coût de chaque poste de travail est développée individuellement avec, parfois,
la mise en place de barèmes et de quotas. Ceci adresse à chaque collaborateur le message que ce qu'il fait est moins important que ce qu'il coûte. (Tiens, tiens ?...)
On voit ainsi les plus anciens collaborateurs, donc coûteux mais propriétaires de l’intelligence pratique de leur secteur, sortis de l’entreprise. Comme disait l’auteur et ethnologue malien, Amadou Hampâté Bâ, « Un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Virez les anciens et vous perdez l’intelligence du champ. Et cette intelligence là. bien visible sur le terrain, est un savoir qui ne tombe pas avec les diplômes. Il est issu de la pratique professionnelle. D'autres exemples pourraient être ainsi donnés autour de l’adaptabilité, l’engagement, l'anticipation, l’articulation entre collaborateurs, l’intelligence collective, etc.
On voit ainsi les plus anciens collaborateurs, donc coûteux mais propriétaires de l’intelligence pratique de leur secteur, sortis de l’entreprise. Comme disait l’auteur et ethnologue malien, Amadou Hampâté Bâ, « Un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Virez les anciens et vous perdez l’intelligence du champ. Et cette intelligence là. bien visible sur le terrain, est un savoir qui ne tombe pas avec les diplômes. Il est issu de la pratique professionnelle. D'autres exemples pourraient être ainsi donnés autour de l’adaptabilité, l’engagement, l'anticipation, l’articulation entre collaborateurs, l’intelligence collective, etc.
De plus, comme le disait le
futurologue Alvin Toffler dans les années quatre vingt, « une entreprise
qui se restructure est une entreprise qui s’ampute ». En effet, comme on
le connaît dans la dynamique des organisations, le seul changement d’un acteur,
non seulement prive d’une compétence particulière et de l’intelligence qui va
avec, mais aussi modifie la dynamique collective. Par ailleurs, quand une
organisation « enlève » un certain nombre de ses collaborateurs, elle
envoie un signal fort à tous qu’ils sont « virables » et les gens
le comprennent vite… Pensez vous qu’en suite ils vous donneront le meilleur d’eux même ?
Ainsi, la moindre démarche qui priorisera la gestion des coûts de l'emploi détournera les employés de leur finalité essentielle, de leur raison d'être : faire avec talent. Cette gestion développe des comportements individuels repérés où, comme l'indiquait Coluche, les employés ont le regard plutôt rivé sur la pendule.
Ce reproche gestionnaire avait déjà été fait dans les années trente à l'endroit des tayloriens par Elton Mayo, promoteur du management humaniste.Nombre de patrons oublient aussi que, comme le dit Jean-François Zobrist, Administrateur de FAVI, ce ne sont pas eux qui paient leurs ouvriers mais l'inverse.
Ainsi, la moindre démarche qui priorisera la gestion des coûts de l'emploi détournera les employés de leur finalité essentielle, de leur raison d'être : faire avec talent. Cette gestion développe des comportements individuels repérés où, comme l'indiquait Coluche, les employés ont le regard plutôt rivé sur la pendule.
Ce reproche gestionnaire avait déjà été fait dans les années trente à l'endroit des tayloriens par Elton Mayo, promoteur du management humaniste.Nombre de patrons oublient aussi que, comme le dit Jean-François Zobrist, Administrateur de FAVI, ce ne sont pas eux qui paient leurs ouvriers mais l'inverse.
Alors, devons nous
développer une animation globale de l’intelligence de l’organisation ou pouvons
nous continuer à faire une gestion économique des emplois ? Je crois que
la messe est dite…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos contributions enrichissent le débat.