L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Atteindre la paix sociétale (27 02)

La question de la paix sociétale occupe bien des échanges de personnes et des réponses partisanes nous viennent aux oreilles. Certains évoquent la protection nationale ou locale des arrivants "d'ailleurs", des influences extérieures. “Ailleurs”, “l'autre”, “l'étranger” deviennent les maîtres mots.  Je comprends cette réaction ordinaire qui suppose que le mal vient toujours de l'extérieur. Ceci est une pensée courte mais ordinaire. Ainsi donc voilà que se développe la tendance à se replier sur soi et à vouloir se protéger activement de la pluie, celle qui mouille et refroidit, à moins qu'elle ne fertilise. Mais regardons de plus près.

Je repense à cette légende urbaine qui raconte et répète que des mygales ont été trouvées dans des yuccas. Il se trouve que la symbolique qui sous-tend ce type de récit est simple à comprendre : la yucca est une plante venue de l'étranger et la mygale représente la mort venue de loin, du moins la menace que représente sa présence fortuite. La mort est ainsi introduite insidieusement de l'étranger. Il s'agit là d'un classique des peurs populaires. Ainsi, la réaction est le replie sur soi, sur l'entre-soi, voire "l'extrême soi". Elle est une réaction justifiée plus par la culture que par l'analyse de réalités profondes.

Bien sûr, les gens qui entendent ces informations et qui y sont sensibles, donneront toutes les explications et justifications plus logiques et convaincantes les unes que les autres. Mais cela reste un fantasme indigène. Je repense aux récits de crocodiles présents dans les égouts de grandes villes, comme New-York, Londres ou même Paris même. Nous sommes "sous" le même type de fantasme portant la même symbolique. Ce seraient des touristes, ou des travailleurs immigrés, qui auraient ramené, voire vendu à des personnes, des bébés crocodiles. Lesdites personnes, voyant grandir leur animal, s'en seraient débarrassées en les jetant dans les toilettes. Le début de la légende remonte à 1935. Ici aussi, la mort, la maladie, le danger, viennent de l'extérieur. Dès lors les gens ont la logique tendance à se replier sur eux même pour s'effacer à la menace.

Par ailleurs, selon le criminologue Alain Bauer, expert reconnu en sécurité, la violence n'a jamais été aussi forte depuis la fin de la monarchie. "L'insécurité explose en France du fait de l'incapacité de l'Etat à protéger les citoyens, à intervenir dans un temps raisonnable à sanctionner les coupables. Les violences hier extraordinaires sont devenues ordinaires et permanentes aujourd'hui. Parce que la justice est factuellement beaucoup plus lente que laxiste, les comportements d'autodéfense explosent tant dans la population citoyenne, que dans la délinquante. On la retrouve même dans la police elle-même." Cette réalité - et c'est le sociologue qui parle - vient renforcer et entretenir un climat d'insécurité bien en dessous du niveau de la violence réelle. Dans ces conditions, il semble que seul un "mieux de justice" est susceptible de ramener la paix.

A partir de ce constat, des courants politiques, dits populistes ou particulièrement à droite, trouvent dans ce constat un "pain béni". Ils diffusent un discours, un récit, alimentant la même "pensée courte". Selon celle-ci, la menace à notre tranquillité prospère, viendrait de l'étranger. Un adversaire est ainsi désigné alors que la responsabilité semble être celle d'un Etat effondré et instrumentalisé. Ainsi, bien des sous-récits viennent justifier l'importance de se replier sur soi, de refuser les étrangers dans a mesure où abondance de maladies et de violences seraient leur lot. 

Mais faut-il toujours craindre de l'extérieur ? Faut-il en avoir peur pour survivre ? Et si c'était là un frein à notre paix sociale ? "L'enfer, c'est les autres!" écrivait Jean-Paul Sartre. Il s'agit d'un drame intérieur qui nous fait toujours trouver la cause de nos maux en dehors de nous-même. Socialement, il en va de même, surtout si les acteurs se congratulent à le penser, se renforçant mutuellement. Si l'on regarde à l'intérieur de notre société, les avis divergent sur les causes de notre déchéance ressentie, de nos difficultés, de nos souffrances. Et cela pourrait simplement venir de chacun de nous, de nos pensées, de nos postures et je le pense sincèrement.

"Il faut juste se souvenir, dit Alain Bauer, que ce qui se raconte sur les migrants africains, sahéliens et arabes, est le même contenu que ce que les journaux publiaient dans les années vingt sur les polonais catholiques, les italiens catholiques et les espagnols tout autant catholiques..." L'ignorance de l'autre, de sa culture et de son histoire, nous le fait craindre bien maladroitement. Nous ne verrions plus alors que sa caricature, et le ridicule devient lui aussi ordinaire. "Ce ne serait pas la religion des acteurs de violence qui serait à leur origine, mais la jeunesse fébrile de leurs auteurs" ajoutait Alain Bauer.

Dans une société néolibérale sans éthique, le modèle de comportement pour une population sans père ni repère est incarné dans l'objectif "d'en profiter" au maximum. Dès lors l'intérêt pour l'intelligence de l'analyse s'étiole. Les pensées courtes dominent. L'urgence devient la norme. L'efficacité immédiate ne souffre pas d'attente. Tout frein au profit, considéré comme un droit fondamental, est vécu comme une violence, une de plus...

Si l'on analyse de manière plus approfondie la situation des déséquilibres sociaux, notamment en France, on s'apercevra qu'il s'agit davantage d'une politique conduite par une minorité dirigeante et fortunée. C'est la même qui produit l'appauvrissement et l'insécurité des gens aux moyens modestes. Or, l'insécurité tend à pérenniser la culture de la peur, celle qui construit un repliement sur soi. L'objectif réel d'une telle politique, dit-on, est la mise sous tutelle des gens, de provoquer une obéissance bien alignée. La peur est un moyen redoutable. Des chercheurs ont compris que le premier facteur de vieillissement et de développement de maladie est un psychisme négatif. Nous y reviendrons.

Il est aussi vrai que la minorité gouvernante a son propre monde, avec sa culture élitiste ségrégationniste et séparatiste. Elle a ses propres écoles depuis le collège (et même bien avant), des écoles privées de pauvres et souvent de logique républicaine. Cette politique ne souhaite surtout pas de pluralisme mais plutôt une seule culture, de préférence catholique romaine, celle de la "vraie religion" et des "élus". "Restons entre gens civilisés !" semble en être la devise.

On y apprend donc l'entre soi et la méfiance des autres, surtout des plus pauvres qui seront "forcément moins intelligents". Être d'une autre culture, serait en manquer. On se gausse, on détourne le regard, on se protège de l'extérieur. On retrouve toujours ici la même culture néolibérale de l'entre soi, de la méfiance vis à vis de l'extérieur. Ces gens là ont peur et recherchent l'appartenance à ce monde de l'élite. Ils s'y fondent, s'y mêlent, s'y assimilent jusqu'à la compromission. D'ailleurs c'est l'arme ordinaire de "la lutte des places" comme le développait le sociologue Vincent de Gaulejac. Cette posture est contagieuse et, par essence, a vocation à se propager dans toute la population. Cependant, les pauvres, eux, souffrent plus qu'ils n'ont peur : certains se sont accommodés quand d'autres développent l'art de la muleta, celui de l'évitement, de l'esquive.

On comprend assez facilement que favoriser l'immigration de gens plus pauvres encore aura une tendance certaine à faire baisser encore davantage les salaires Autre effet induit, on va ici générer de la rancœur, des jalousies et en conséquence ralentir les solidarités, augmenter l'individualisme néolibéral et plus loin forcer à la soumission. L'appauvrissement de la population qui engendre souffrances et insécurités est davantage le résultat de politiques de dirigeants fortunés et coalisés par leurs intérêts communs d'enrichissement continue que par une menace venue de l'extérieur. A vrai dire, pauvres et français moyens ne sont pas "des leurs", mais sont plutôt leur extérieur et matérialisent menace et danger !

Par ailleurs, on s'aperçois de surcroît que les populations pauvres, sans héritage ni fortune, exclues des revenus et autres plus-values, ont tendance à s'organiser sans les gouvernants, et ce avec efficience et intelligence. Ainsi, à Bogota, par exemple, en prévision de sècheresses annoncées, les plus riches s'étaient approprié les accès à l'eau potable abandonnant les plus pauvres à se débrouiller avec le peu qui leur restait. Ceux-ci se sont organisés localement, entre eux, et quand la sècheresse est arrivée, les riches n'avaient plus d'eau tandis que les plus pauvres en avaient toujours. Pourquoi ? Les pauvres s'étaient solidairement organisés.

On sait que les trois phases de l'agacement sont d'abord l'expression de la colère avec des cris et des reproches dans les manifestations d'insatisfactions et de reproches. La deuxième est la construction à part d'un autre monde solidaire mais détaché des sources du désarroi. La troisième phase est le renversement de la table avec la mort du roi. Nous sommes déjà en phase deux !

Cependant, j'entends bien souvent les plus pauvres comme les plus moyens, se plaindre de l'individualisme trop largement répandu dans la population (Pourtant, c'est déjà là une prise de conscience). La pollution culturelle marche, en effet, sur des causes communes comme la peur. Les libertaires sembleraient avoir perdu leur âme dans le libéralisme. Et si l'étymologie présente la même source, les idéologies se détachent très nettement. On connait bien les néolibéraux, mais je n'ai pas encore rencontré de "neo-libertaires"... Il y a en effet, sans doute, quelques anachronismes.

Par ailleurs, il me semble que l'intelligence est davantage dans l'observation et l'analyse que dans les "pensées courtes" et les a priori. Peut être avons nous davantage intérêt à développer nos intelligences collectives qu'à rivaliser individuellement dans le mode "chacun contre tous". Ni ce mode ni ce monde ne sont les nôtres. Ces éléments sont plutôt l'apanage de la pensée néolibérale. Celle-ci à eu tendance à transformer tout citoyen en consommateur, l'inscrivant dans cette posture individualiste du "chacun contre tous", une posture de dominant qui ferme derrière soi les accès à l'ascension sociale. 

Propager cette culture était-ce pour intégrer les pauvres dans leur logique sociétale ? ... ou plutôt pour éviter que ces gens-là pensent ensemble, revalorisant et pratiquant ces valeurs humaines de base que sont la conscience de l'interdépendance et l'indispensable solidarité ? "Un peuple uni récolte la victoire !" dit un slogan latino. Je crois qu'il est juste et les pauvres l'ont compris. Certains commencent à l'intégrer... Un nanti aura plus de mal à entrer en humanisme qu'un chameau à passer par le chas d'une aiguille. Je dois avoir lu ça quelque part, ou presque... Nous citions Sartre,  tout à l'heure et son “enfer”… Corrélativement, je pense à Camus qui  tenait un discours humaniste à propos de “l'Etranger”, justement.

Il va nous falloir maintenant simplement savoir, ou nous souvenir, que c'est ce que nous avons à l'intérieur de nous-même qui façonne notre extérieur. L'univers est le reflet de nos propres pensées. Je ne vois que ce que je crois, que ce qui m'occupe et me préoccupe. Je suis dirigé par mes seules envies et mes seuls intérêts. Il n'y a pas plus de réalité que mon seul regard porté sur le monde et polarisé par mes désirs. Changer le monde est d'abord changer mon regard, me changer moi-même, lâcher mes certitudes, mes convictions et regarder sans juger, juste pour voir et comprendre. Ce nécessaire revirement par un “pas de côté” m'apparaît aussi urgent qu'indispensable.

Alors, si le malheur ne vient pas forcément de l'extérieur, peut être avons nous quelque intérêt à développer la solidarité jusqu'à une certaine fraternité universelle. On va retrouve ici un certain humanisme simple qui consiste justement à "aimer les gens et le travail bien fait". Et dès lors tout se déroule simplement et efficacement. Le monde, du moins le notre, n'en sera que meilleur. Et comme Gandhi nous y invitait : "Soyons le monde que nous voulons". Construisons alors, et dès à présent ce monde meilleur, plein de bienveillance compassionnelle. Il est à portée de nos mains, de nos âmes et de nos cœurs.

Il se trouve que, si les pauvres sont capables de cette intelligence créatrice (dès lors que la menace est bien identifiée et que donc la solidarité est là), l'arrivée d'autres pauvres sur nos territoires pourrait être une belle opportunité de réflexions créatrices nouvelles et plus puissantes...  Arrêtez-moi, si je rêve ! J'entends déjà dire que ce monde-là n'arrivera jamais ! Les gens sont trop individualistes et manquent trop d'envie et de convictions ! Pourtant je me souviens de ce propos de Louise Michel à propos de la commune de Paris : "Cinq minutes avant, cela paraissait totalement improbable, et cinq minutes après c'était totalement évident ..." C'est fou ce que les valeurs néolibérales tombent rapidement avec le développement de la conscience... et ça peut aller très vite, avec joie, paix et même amour !

Jean-Marc SAURET
Le mardi 27 février 2024

Lire aussi : " Darwinisme ou communalisme ? " 


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