"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Les complotistes sont les hérétiques du néolibéralisme (11 04)

Nous sommes dans une période de décadence, de disparition de la civilisation moderne, pervertie en postmodernité, un néolibéralisme qui se condamne et se dévore lui-même. Dans les derniers soubresauts de la décadence, les violences s'institutionnalisent. Le néolibéralisme tente ses derniers barouds d'honneur avec une volonté de détruire tout ce qui s'oppose à sa pérennité. Nous retournons en arrière, d'un capitalisme de désir et permissif vers un capitalisme  radical et autoritaire, de production et de structure. Le discours de vérité sur lequel il s'est installé devient le dogme, le sacré de ce nouveau rassemblement, un "relegarer" opportun et de persistance, une véritable religion. Tous ceux qui ne sont pas dans l'exécution ni le portage de la doxa sont "anathémisés", relégués dans les marges de la société ainsi (re)constituée. Ils sont donc traités comme les hérétiques de la "vérité-vraie".

Ainsi sont apparus les termes de complotistes, de conspirationnistes, car il faut bien que, dans la logique de cette doxa, cette réaction relève d'un processus de guerre, de déconstruction, "d'invention de la réalité" comme le nommait Paul Watzlawick. On ne saurait tolérer de débat sur la "vérité". Forcément l'hérétique relève d'une démarche quasi démoniaque d'attaque du vrai, de prise de pouvoir, d'imposition d'une autre doxa qui se voudrait tout aussi fondamentale que l'officielle. Il y a là le camp du bien et celui du mal et la guerre est sainte, évidente. Pour réaffirmer la vérité, on invente le fast-cheking et les numéros verts de dénonciation. On réinstalle une démonologie. Le système tient debout... mais jusqu'à quand ?

Parce que le système néolibéral est en perdition, ses prédicateurs se révèlent dogmatiques et totalitaires. Il est vrai que la perte des certitudes n'est pas vivable ni admissible. Ceci représente un effondrement total aux conséquences profondes. Ce sont les références et les repères qui se dissolvent dans une anomie sociétale. Souvenez-vous que je montrais comment le néolibéralisme est un féodalisme. Comment continuer à vivre dans ces conditions ? Bien entendu, je ne défends pas cette posture. Je la constate, mais aussi j'en comprends les tenants et aboutissants.

On peut constater que chaque période de l'histoire s'est développée autour d'une doxa absolue et totalitaire. Dans chacune, une élite "bien pensante" s'est érigée en garante de la vérité et a instauré les moyens de garantir la pérennité du système. Le système pérennise et s'auto protège quand les individus transgressent et innovent. Selon la doxa, les déviants, ceux qui posaient les questions inopportunes ou avançaient des hypothèses marginales étaient jugés influencés par le mal. Leur sort dépendait alors de la construction des croyances du moment. Ici ils étaient démoniaques et il fallait les brûler pour qu'ils ne puissent revenir lors du jugement dernier. Ailleurs, ils étaient traités comme des fous. Ils étaient alors internés et maltraités jusqu'à ils abandonnent leur hérésie, ou qu'ils deviennent réellement fous.

Forcément le déviant, dans ces conditions, bien loin d'être apprécié comme innovateur, ne peut être considéré "normal". Il est, de facto, "hors la société". Il est considéré se condamner lui-même par des agissements hors de la doxa, des comportements "adoxatiques". Les acteurs du système, de toute bonne foi, n'ont plus qu'à appliquer le processus de défense que la doxa propose, voire impose. Aujourd'hui, on suspend ! Dans ce monde de l'image et de la communication, la mort médiatique est aussi la solution et l'algorithme parfois son outil. On assassine aussi médiatiquement par la rumeur : quand il y a encore peu d'années, l'étiquette indélébile d'antisémitisme valait la mort sociale, aujourd'hui, celle d'extrême droite ou de complotisme est la bonne ficèle.

Donc, ce n'est pas mon propos d'affirmer que lesdits complotistes d'aujourd'hui ont perçu la réalité, ou pas, avec acuité et avant les autres, qu'ils ont débusqué, ou pas, les lièvres (quoi que nombre d'études émergeantes semblent le dire aujourd'hui). Ce n'est pas le sujet.  Il s'agit là de donner à voir que la gestion de la dissidence à la doxa dominante ne change pas avec le temps, qu'elle se répète et qu'elle a les mêmes conséquences. La doxa dominante s'installe comme une religion avec ses propres dogmes. Si les célébrants de cette doxa invoquent la science comme l'évangile nouvelle, leur propos est plus scientiste que scientifique, car ils relatent jusqu'à l'interprétation les énoncées qui confortent leurs croyances comme l'ont fait les inquisiteurs. A toutes les périodes, l'interprétation est la règle, et on pourrait y ajouter la manipulation, le mensonge de bonne foie et la dissimulation.

Mais souvenons nous que les minorités condamnées ont chaque fois pris l'outil de leur dénigrement pour le retourner et en faire un bouclier identitaire, et même une fierté. Au début du dix-neuvième siècle, les républicains, dont on disait qu'ils n'étaient pas plus nombreux ni plus influant que ces membres de la secte des "mariannistes" fondée par un certain Chaminade à Bordeaux, ont retourné l'image et ont fait de cette "Marianne" leur symbole et leur égérie. 

De même, les protestants, à la révocation de l'Édit de Nantes, ont été privés de toutes charges et de l'accès à la décorations royale suprême, l'ordre du Saint Esprit créé par Louis treize. Ils ont alors décrété que le Saint Esprit était davantage leur apanage que celui du catholicisme et, copiant la médaille royale, ils ont créé la croix du Saint Esprit, dite "croix huguenote", pour se représenter et se reconnaître entre eux. Elle est toujours en vigueur.

Aujourd'hui, on assiste à l'affichage d'une fierté identitaire sous le nom de complotiste, en affirmant que, si tous ceux qui ont été accusés de complotisme parce qu'ils posaient les "bonnes questions" et les hypothèses qui se sont révélées vraies par la suite, étaient dans "le vrai". Alors être complotiste est posséder l'identité de ceux qui n'ont pas cédé ni à la peur ni aux "sirènes de la médiocrité et du mensonge". Ils se reconnaissent comme étant "ceux qui, par loyauté et sincérité, ont toujours dit haut et fort ce qu'il en était réellement". Pour ce groupe social, être complotiste c'est être lucide, résistant, et avoir raison contre l'adversité et avant les autres.

Aujourd'hui on brûle symboliquement mais socialement les hérétiques en les suspendant et leur cousant sur leur portrait social l'insigne de l'infamie. Et ce afin que leurs propos ne soient plus crédibles, pas même audibles. Alors on tente de les bâillonner. On leur supprime la possibilité de parole. On les anonymise.

Il faudra juste faire attention que le retournement de situation pourraient en faire une "minorité active", de celles qui transforment la société, comme l'a identifié le psychosociologue Serge Moscovici dans "Psychologie des minorités actives" (Puf - 1979). Plus la répression est forte, plus la réaction est puissante. Et la rue nous en parle de temps en temps...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 11 avril 2023

Lire aussi  " Particularités et conséquences de la postmodernité "

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