"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

La fin des bandes de copains ? Mais pas que... (08 06)

Mon épouse me faisait très justement remarquer que les bandes de copains qui nous animaient il y a encore une trentaine d'années, n'existaient plus. Le "faire ensemble", agir en commun, partager l'action et les opinions avec ferveur dans le débat, avaient disparu au profit d'un individualisme forcené, solitaire, inactif, consommateur et impuissant. J'acquiesçais, me remémorant ces balades et pique-niques, repas, bals, rallyes pédestres, brocantes, que nous organisions entre nous, juste pour que vive le quartier où nous habitions, le lieu de vie par excellence.

Me revenait alors ce savoir sociologique qui précisait que les lieux de notre vie, comme celui de notre naissance, sont plus porteurs de liens identitaires que la culture ou la langue qui nous habillent. Il y a une interaction constitutive de l'identité entre la personne et le lieu où elle vit, aux conséquences tant positives que négatives, et ce dans ou hors du groupe. Nous sommes ici dans un lieu d'une émulation accueillante ou de rejet xénophobe de l'étranger. Selon les territoires, on peut entendre les qualificatifs de "gabach", de "gadjo", de "pinzuto", de "barbare", de "métèques", etc... 

Là, se nouent des histoires fondatrices, des marqueurs de sa propre vie sociale et de sa façon d'être au monde depuis "son local". Cet étranger que l'on nomme comme "non-nous" est un marqueur, un repère, une borne. C'est bien pour cela que nous le nommons. Il fait partie de notre monde comme un "au delà de la frontière"...

Les réseaux sociaux qui prétendent rassembler les gens, de fait, les isolent encore davantage dans les postures requises de consommateurs. Les voilà réduits au rôle de solitaires désœuvrés, c'est-à-dire "sans œuvre", animés par des pulsions et des "fabrications de consentements" enracinées dans une illusion manipulatrice.

Nous savons, et l'histoire ne cesse de nous le rappeler (la grande comme les petites), que le triptyque qui anime la vie des gens et des groupes est celui de l'amour, l'argent et le pouvoir. En est-il de même pour lesdites bandes de copains ? Oui, en effet mais pas dans le développement que nous attendrions. A l'intérieur du groupe, l'amour et les plaisirs sont très efficaces pour le lien social. En revanche pour se protéger d'évènements extérieurs, l'argent et le pouvoir, dès lors qu'ils sont partagés, voire acceptablement redistribués, s'avèrent particulièrement efficaces. Hors de ces conditions, nous assistons à l'émergence d'un délitement. Serait-ce alors la fin des bandes de copains ? En effet, sans le ciment de la solidarité, le groupe disparaît.

C'est bien là la particularité des bandes de copains : ce sont des ilots de paix, de joie et d'aventures dans un extérieur dont ils sont les rois indépendants. Leurs règles et cultures internes leurs sont propres et donc constituent des marqueurs identitaires. Ces groupes vivent dans le monde qu'ils ont apprivoisé en affection solidaire, soit par l'argent soit par son refus, soit par le pouvoir soit par sa distanciation. Ainsi ces bandes de copains se distinguaient-elles par une similitude de membres issues de classes sociales identiques ou particulièrement proches, voire sécantes. Le sécant devenait donc la preuve par l'exception de son essentiel, de son fondamental. Ces bandes auraient pu trouver leurs catégories dans les principes de groupes politiques anarchistes, légalistes, nationalistes xénophobes ou bourgeoises conservatrices, etc.

Le repli individualiste est une production du néolibéralisme dans une postmodernité consommatrice. Celui-ci nous refuse en effet la place de "personne" au profit de celle de "consommateur". Dès lors, plus personne ne prend le temps ni le recul pour comprendre ce qui se passe et c'est alors que "tout passe" : le gouvernement passe ainsi du comptage des malades et des décédés à celui des cas et continue de fermer des lits d'hôpitaux. Lesdits cas porteurs sains à 95% deviennent des malades contagieux et sont médiatiquement traités comme tels et personne n'en fait la remarque. La peur se substitue à la raison, et, dans la solitude, personne n'est là pour apporter un débat lucide.

Les groupes dits "modernes" ont donc disparu au profit de "groupes postmodernes". Nous sommes passés de groupes autonomes et souverains à des groupes de jouisseurs, comme le sont les tribus de consommateurs. Mais l'émergence d'un monde d'après, constitué d'alternants culturels, bouscule la physionomie de ces groupes locaux (je renvoie aux articles où j'ai développé ces distinctions).

La différence fondamentale qu'il y a entre les postmodernes néolibéraux et les alternants culturels, ces gens du temps d'après, réside dans les qualités mêmes de ces populations. Les premières sont consommatrices et en concurrence permanente d'intérêts, mais aussi en conflits d'ego. Simultanément, les alternants culturels sont dans la coopération, la contribution et la co-construction. Si les premiers sont polarisés par l'avoir, les seconds sont centrés sur l'œuvre. Voilà pourquoi les premiers n'ont pas d'avenir et les seconds sont correctement armés pour durer et se perpétuer.

Les armes du néolibéralisme, qui a pris son envol et son temps de pouvoir en postmodernité, sont toutes celles sans foi ni loi fondées sur l'affrontement, qui peut passer pour un "aperçu" du succès (alors qu'il n'en est peut-être qu'un artefact). Ainsi le mensonge et la manipulation, comme l'a théorisé Lippmann et l'a mis en œuvre Benays, se trouvent au cœur de ce processus de combat de domination.

Mais quand nous parlons de mensonge, de quoi parle-t-on ? Je vois trois types de mensonges. Le mensonge simple qui consiste, par exemple dans le discours promotionnel ou argumentaire, à user de citations tronquées ou inventées. Censées apporter une référence vers la "vérité" des éléments, elles travestissent, déguisent, voire trahissent la réalité. 

Je vois aussi le mensonge que d'aucuns nomment "par sélection" : il consiste à ne retenir que les éléments et arguments qui vont dans le sens de ses propres intérêts, et de la thèse censée les servir. Par cela, il s'agit d'occulter ce qui est contraire. Je pense à tout ce discours durant ladite pandémie. Parler du soin - et des produits qui soignent - disparaissait derrière les menaces et les condamnations, comme si seul le vaccin bien lucratif devait être "la solution" ...

Je vois encore ce mensonge par rhétorique qui consiste, dans la présentation d'une analyse susceptible de révéler le réel, à confondre volontairement un certain nombre d'arguments, à savoir corrélations et causalités, et là le multicausal avec le monocausal, mais aussi "l'opinion" construite dans l'émotion et les croyances, d'avec le "point de vue" relevant d'une rationalité causale, etc.

Les alternants culturels apparaissent donc aujourd'hui comme les seuls capables de construire ce temps d'après auquel ils appartiennent déjà. Ils se révèlent comme les seuls "porteurs" de ce monde meilleur qu'ils réalisent déjà, et "qu'ils sont déjà", comme le proposait Gandhi. Ils jouent alors involontairement mais très activement le rôle de "constituants" du nouveau monde.

Ce sont ces mêmes "constituants" qui pensent jusqu'à la reconstruction de notre constitution. Ce sont bien eux qui ont ce regard actif et engagé sur la vie quotidienne, sur la vie citoyenne, sur la vie collective. Ils ont ce sens du réseau, du collectif à partager, de la coresponsabilité et des interdépendances des savoirs et des points de vue, des connaissances et des pratiques. Ils ont conscience que le "peuple" est le terreau où se construit et se réalise l'avenir. Ils savent que la seule approbation dont ils ont besoin est la leur.

Pour illustrer leur posture, il me revient cette petite histoire que rapportait un anthropologue. Il a proposé un jeu aux enfants d'une tribu africaine dite "primitive". Pour cela, il a placé un panier de délicieux fruits près d'un tronc d'arbre et leur a dit : "Le premier qui atteint l'arbre aura le panier de fruits !". Quand il leur a donné le signal de départ, il a été surpris de les voir marcher ensemble, main dans la main, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'arbre où ils ont partagé les fruits.

Quand il leur a demandé pourquoi ils avaient fait cela, alors que l'un d'eux pouvait obtenir le panier pour lui seul. Ils ont répondu avec étonnement : " Ubuntu ", ce qui dans leur culture signifie : " Je suis, parce que nous sommes ". Autrement dit, le fond de leur culture leur disait "comment l'un de nous peut-il être heureux alors que les autres sont misérables ?" Cette population dite primitive connaît le secret du vivre ensemble. Il se fonde dans la coopération et non dans la concurrence et la compétition, fondements de notre société néolibérale dite "civilisée". Ils n'affichent pas sur les frontons de leurs habitations "Liberté, Egalité, Fraternité" mais ils ont la fraternité dans leurs veines...

Alors, dans ce temps d'après que nous avons à construire, peut-être n'y aura-t-il toujours pas de bande de copains mais au moins verrons-nous l'assemblée de compétences, de savoirs et d'engagements responsables. Et si nous redevenions des humains solidaires ?

Jean-Marc SAURET

Le mardi 8 juin 2021

Lire aussi  "Comme un poisson dans l'eau"

4 commentaires:

  1. La difficulté de répondre à cet article c'est de ne pas perdre de vue c'est que la participation soit utile. Ensuite il est évident que la réponse sera le fruit de son expérience et de son vécu, qui ne sont pas des exemples mais des particularismes. Quand on me demande d'où je suis la réponse est délicate. Car derrière la question que veut savoir l'interrogateur. Où je suis né, où est ce que j'habite ? Je suis toujours gêné de répondre. Car si je suis bien né à Paris, je n'y suis resté que ma jeune enfance pour rejoindre le 93 pour y passer mon adolescence. Ensuite à 17 ans cela a été le grand large, et donc plus de véritables racines. Elles furent remplacées par l'esprit d'équipage. A terre ou en mer ce sont ces liens très forts entre membres d'un même bâteau et entre les épouses restées à terre. Puis un séjour en Polynésie, des séjours en Afrique, m'ont permis sans doute de percevoir le monde d'une façon différente du consommateur classique. Mes nombreux enfants dont certains ont vécu sous les tropiques, ont gardé cet esprit soit par transmission, cela c'est pour flatter les parents que nous sommes, soit par un apport extérieur comme les scouts ou l'école. En tout cas ils participent à des groupes dont le but ou le ciment n'est pas commercial. Maintenant je reviens à l'une des idées de la participation du citoyen à son avenir au sein de la cité. La démocratie participative est réclamée par de nombreux groupes, et même pour certains un changement de Constitution. Je ne suis opposé ni à l'un ni à l'autre par principe. Cependant ces changements ne pourront se faire que si le citoyen est véritablement éclairé. Comme au sein des associations, la bonne volonté, l'envie ne suffisent plus. Les personnes se doivent d'être formées. Il me paraît donc nécessaire en parallèle des rencontres, blogs, cercles qui échangent sur diverses problématiques, se mettent en place une véritable éducation sur les sujets évoqués par ces diverses instances. L'évolution me semble-t-il devra s'appuyer sur cette fondation, l'éducation à la citoyenneté.

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  2. Vouloir éduquer les gens me semble relever aussi d'un certain désir de domination : "je les éduque parce qu'ils ne savent pas et moi je sais !" Il y a le fait que nous ne savons que ce que nous supposons avoir vécu. Chacun a son expérience et c'est du partage seulement que nait un changement, un autrement. Le débat, la conversation, le partage nourrissent tous ceux qui y participent et nous sommes toujours le "con" d'un autre... Titiller pour éduquer me semble très ambitieux, voire beaucoup trop. Se confronter pour apprendre réciproquement, me semble plus raisonnable.

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  3. Bonjour Jean-Marc,
    J'ai une lecture différente des réseaux sociaux :

    La beauté intérieure se révèle sur les chats ...

    Autrefois, pour trouver un compagnon de vie, les femmes devaient être "belles" (c'était nettement moins vrai pour les hommes qui ont pour la plupart des civilisation été dispensés de maquillage).

    Et la communauté n'avait cure de leur beauté intérieure... La beauté remplaçait l'esprit, la culture, l'intelligence, la fortune même... Moult légendes de bergères épousées par des princes charmant en font état.

    Mais ça c'était avant !
    Aujourd'hui il y a internet.

    Ma grand mère avait coutume de dire "Marie toi à ta porte avec gens de ta sorte" : ni trop loin ni trop différent.

    Grâce aux forums on peut trouver à discuter avec gens de sa sorte. On a alors rapidement une assez bonne connaissance de la "beauté intérieure" du contact.
    L'avatar dissimulant le plus souvent tout signe extérieur de beauté physique.

    Si les choses doivent aller plus loin, les contraintes logistiques et morales sont rapidement résolues ou au contraire rapidement un frein...

    Et voilà comment internet va renouveller le mariage d'amour et l'appairage des âmes-sœurs quand on ne lui donnait guère d'autre propriété que le porno et l'invective...

    Face au changement, n'ayez pas peur : la vie trouve toujours son chemin !

    Cdlt,
    FJD

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  4. Bonjour, François-Joseph Deminière,
    Votre propos relève d'opinions arbitraires, émotionnelles peut être, pas d'un point de vues basés sur des faits et des études. Les éléments que vous avancez ne sont pas exacts. Ils mélanges opinions et faits personnels. Ils mériteraient une longue correction.
    Bien à vous
    Jean-Marc

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