L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

La société de l'imposture (01 12)

"Nous sommes lucides. Nous avons remplacé le dialogue par le communiqué" écrivait Albert Camus dans "La chute" en 1956. C'est du moins ce qu'il avait mis sur les lèvres d'un quidam en direction d'un étranger rencontré dans un bar d'Amsterdam. Mais que pressentait-il dans cette puissante phrase devenue célèbre. Il n'est plus là pour nous le dire. Mais elle caractérise tout à fait ce que l'on peut ressentir aujourd'hui dans ce glissement civilisationnel que nous sommes en train de vivre.

En effet, la réflexion raisonnée n'habite plus nos esprits torturés pas la frustration, la culpabilité et les rapports d'égo. Comme je le montrais précédemment, dans cette civilisation postmoderne, les opinions se substituent aux raisonnements et aux débats. La démocratie d'opinion est devenue l'apologie de l'imposture. Mais détaillons un peu, si vous le voulez bien.

Nous sommes en effet, insensiblement, en train de glisser, progressivement, vers les sociétés animales où chaque individu est une “pièce détachée” de l'espèce. C'est à ce rôle que se trouve réduit l'individu, contraint d'agir pour, et seulement pour, la finalité de l'espèce. D'où l'inutilité du débat et de la pensée. Ce n'est probablement pas tout à fait par hasard, que l'on retrouve ce trait fondamental dans l'idéologie nazie. La charge est lourde, certes, mais les “néolibéraux” ont-ils une réelle différence de pensée quand il s'agit de caractériser le peuple ? Sans doute pas.

Les Nazis, écrit Johann Chapoutot dans son ouvrage "Libres d’obéir : le management, du nazisme à aujourd’hui(Éd. Gallimard), n'aiment ni les lois, ni la bureaucratie, ni l'Etat, mais préfèrent cette liberté volontaire de participer à l'œuvre de l'espèce. Il montre pourquoi, comment et combien cette idéologie s'est installée dans la société néolibérale et en a façonné, dans un continuum, le management. L'œuvre du groupe, de l'entreprise, repose sur la liberté pour chacun de trouver et d’organiser les moyens de mise en œuvre du projet de l'engeance. La responsabilité est ainsi étalée, voire diluée, tout au long de la pyramide. Seul “l'utile” à l'œuvre de l'espèce existe. En dehors de ces éléments, pas d'existence. Il y a dans le néolibéralisme, de l'eugénisme nazi. Factuellement, il nous montre cette conception commune, dont on peut déduire que les "inutiles" sont à éliminer. Par voie de conséquence, le groupe doit en être débarrassé. L'individu disparaît ainsi derrière le "peuple" pour les uns, derrière le groupe d'entreprise pour ces autres.

Tout ce qui relève du libre arbitre, du fait de société par la raison personnelle, tout ce qui va vers le développement personnel, la liberté individuelle et la raison développée par le sujet, sont à bannir. Il n'y pas d'universalisme qui tienne. Il n'y a de valeur reconnue à l'individu que corrélée à sa productivité. C'est ainsi que le néolibéralisme peut être rapproché du nazisme (et l'histoire nous présentera la coopération réelle d'acteurs fortement impliqués). On va le retrouver ainsi, strictement à l'opposé même des lumières, cette philosophe argumentaire, que prônent pourtant et dont se vantent quelques dirigeants néolibéraux actuels. Faire cela constitue dès lors une contre vérité absolue. Cette pratique est paradoxale, sans doute, mais surtout aussi manipulatoire que ces succédanés : la novlangue, les relations publiques ou l'ingénierie sociale. Mais comme on l'entend souvent : “plus c'est gros, plus ça passe”.

Pendant ce temps, les organisations, conformément à l'objectif nazi, développent la culture de la performance et de l'utilité de ses membres. Elles broient toute initiative de réflexion humaniste ou personnelle et les gens qui les portent. Parce que la culture permet la réflexion, en trente-trois, on brûlait les livres comme on ferme aujourd'hui les librairies et les lieux de culture. Du jeune général nazi Reinhard Höhn* devenu après guerre le fondateur d'une école managériale allemande, à Walter Hallstein, universitaire nazi devenu le premier président de la commission européenne, les fils des connexions entre nazisme et néolibéralisme sont de plus en plus apparents. Combien de nazis se sont retrouvés à développer leurs talents (au coté de victimes du nazisme) pour la prospérité de l'Amérique ? ...

Pourtant, le travail, outil de réalisation de soi, comme le décrivait par exemple Herbert Marcuse dans "L'homme unidimensionnel", ne peut exister en tant que tel, dans une organisation néolibérale. En effet, ici, seul l'état de la production compte, et l'idée d'une démocratie en entreprise devient totalement incongrue. Les organisations où l'on se préoccupe d'organisation du travail plutôt que de développement des organisations, constituent un premier signe d'alerte. Et quand on parle de ressources humaines, nous ne nous situons pas très loin de l'expression "matériau humain" utilisée par le même Reinhard Höhn. (On préférera "Dynamiques humaines" qu'utilisent nombre de managers québécois.)

Mais revenons à l'essentiel. Avant de parler d'une société de l'imposture, regardons ce qui constitue la posture de l'imposteur. Il s'agit en tout premier lieu de comprendre d'abord son objectif, puis ensuite, sa stratégie. 

  • Celui-ci cherche d'abord à obtenir par la relation ce qu'il ne pourrait pas normalement obtenir, ou alors,... très difficilement. 
  • L'imposteur est, pour cela, celui qui sait parfaitement s'adapter à l'attente, à la demande de l'autre, à l'objet du désir de l'autre. Il en tire alors profit pour atteindre son objectif de pouvoir ou de possession.
Alors qu'attendent les gens pour ainsi prêter le flanc à l'imposteur et comment toute une société, une collectivité humaine, peut succomber à l'escroquerie ? Car, ce n'est pas ce que font les gens qui importe, mais ce qu'ils sont dans “ce qu'ils font”. Sont-ils trop avides, trop espérant, particulièrement curieux, ou alors trop aveuglé par leurs attentes pour accueillir l'offre de l'imposteur comme une réponse ? De quel ordre sont ces attentes, alors ? Apparemment, il s'agit de tout ce qui donne de l'importance, de la valeur, du remarquable, dans les critères culturels ou historiques du moment. S'il s'agit d'une société de l'honneur comme cela a été décrit par Philippe d'Iribarne, alors tout ce qui ressemblera à "l'honorification" de l'acteur, pourra effacer tous les détails indiquant une incohérence. L'aspiration d'intérêt efface tous les détails qui ne convergeraient pas dans l'affirmation de la valeur.

Il en va ainsi aussi en ce qui concerne le courage, le "bling-bling", le pouvoir ou la richesse, même si nous touchons plus aux symboles qu'aux vrais éléments de réalité. Le symbole est parfois plus fort que le tangible dans l'imaginaire des acteurs. Rêver est plus puissant qu'avoir. C'est là toute la force du fantasme. Faire rêver, plus que donner, est dans la panoplie de l'imposteur.

Anthropologie, ethnologie et sociologie nous apprennent que les sociétés sont pilotées par ce qui les dominent : ici la religion, ailleurs les chiffres, là-bas les valeurs humaines. L'argument reste encore vrai pour les processus vitaux influant sur les territoires, la technologie, l'organisation sociétale, etc.

Mais, nous voici parvenus dans la société des impostures, car ce qui compte n'est pas le contenu de l'objet ni son utilité ou sa finalité, mais la marque, son lieu de publication, le nom de son auteur, bref : la référence ! Celle-ci dépasse la raison d'être. C'est là une société de la marchandise, ou du spectacle, ce qui revient au même. Ce ne sont pas là des erreurs du système, mais justement ce qui le fait fonctionner.

On s'attache à la valeur de mesure de l'impact sur les effets d'opinion que produit le produit. Ce qui en fixe le prix est l'équivalent notoriété, pas sa capacité de réponse à une nécessité, ni même son coût de production. La vérité ne s'installe pas dans la qualité de l'apport mais dans la productivité de réactions. Plus un produit (quel qu'il soit) fait "le buzz", plus il est "banquable". On ne regarde plus ce qu'il y a dans le produit mais ce qui est inscrit sur l'étiquette, car c'est elle qui fait la valeur. Mieux vaut avoir froid dans un manteau de marque "Z" que bien chaud dans celui de marque "A",... ou sans marque, ce qui est pire.

Ce n'est donc pas ce qu'est l'objet, qui est en cause, mais ce que l'on peut dire sur lui. C'est à ce point détourné que cela revient à dire que si on ne peut pas mesurer la capacité respiratoire de quelqu'un,... c'est qu'il ne respire pas. Si l'essai clinique n'est pas "randomisé", il n'est pas un essai valable. Si le nombre de followers de l'image d'une personne sur un réseau social est inférieure à trois mille, elle n'existe pas. Si une vidéo récolte moins d'un millier de vues, c'est que la vidéo est mauvaise. Ainsi, seule la réputation fait la valeur de l'objet et même la personne est "objectisée".

Alors, dans ce contexte, comment construire un citoyen dans une comparaison avec le marché. C'est impossible ! Ce contexte ne peut que produire des consommateurs. Il ne s'agit pas de lui permettre de se construire ou lui transmettre une capacité à répondre aux problématiques, mais à le "diplômer", c'est-à-dire à le rendre vendable. Il s'agit pour le "citoyen-consommateur" de s'inscrire dans le marché, dans l'employabilité, et non dans le développement des capacités créatrices et de compréhension. Le modèle du citoyen-consommateur est le caméléon, c'est-à-dire celui qui a besoin d'un environnement pour s'y perdre. Il est le rapport de l'objet sur son fond, une mise en valeur "esthétique". Mais il ne bouscule rien, ne comprend rien, ne résout rien. L'acteur se comporte comme un pilote qui regarde les chiffres des compteurs et ne regarde plus la route... On s'interroge sur les effets sociaux, et non sur les conséquences des comportements.

La finalité de l'Etat n'est plus de réaliser du service public mais de conformer ses services et institutions. Mais de les conformer à quoi ? Aux règles du commerce, justement. Ainsi la technique, la technologie ne servent plus à développer et expliquer des compétences, voire les démontrer, mais à établir des normes. A partir de là, il va s'agir de mettre aux normes, pour ensuite, fabriquer et diffuser l'image "normale" de l'objet. La personne humaine n'échappe pas à ce processus. Ainsi la technologie devient l'instrument de l'aliénation sociale. Elle implique la mise en soumission des peuples à des normes dont on ne comprend ni la finalité ni la raison d'être, encore moins l'utilité,... sinon celle de rendre vendable. C'est justement là que se niche la valeur commerciale. La technique ne demande pas de penser, ni de réfléchir. Elle demande d'appliquer. Ainsi, les nazis répondaient lors de leurs procès : "Je n'ai fait qu'appliquer ce que j'avais à faire !" Voilà une standardisation des acteurs. C'est la société des robots.

Il y a prolétarisation de l'ouvrier quand son savoir est remplacé par la notice d'utilisation de la machine. Alors on nourrit les ouvriers qui servent les machines. Et le moins cher sera le mieux puisque son savoir est désormais inutile. La technologie s'est substituée à l'intelligence, à la raison, à la conscience. N'est-ce pas là le projet du transhumanisme ? D'ailleurs un être qui serait appareillé de telles caractéristiques de conscience, de raison et d'intelligence, serait bien dangereux...

"La norme est porteuse de prétention de pouvoir" nous indiquait déjà Michel Foucault. Si Goebbels s'est inspiré de "Propaganda" d'Edward Benays, c'est parce que les deux idéologies, nazie et néolibérale sont sensiblement superposables. La société n'existe pas. Il y a les personnes élites, et la foule du peuple. Mais cela ne peut pas marcher réellement, sans le consentement volontaire des victimes... Il faut les fondre dans l'objet déshumanisé du concept de consommateur. Le mépris des gens du peuple n'est pas d'aujourd'hui, mais il est bien propre à ces deux idéologies convergentes.

Regardons notre actualité récente. En changeant les normes de la santé, on augmente le nombre de malades, et le marché de la santé avec. Par exemple, en cessant de compter les morts et les malades, mais en comptant les "cas" possiblement contaminés, on augmente le nombre de "supposés malades", voire "maladisables", et en même temps on augmente le marché des vaccins. En normant les comportements sociaux, les chiffres se mêlent au droit, lequel les institutionnalise. Alors la messe est dite. Le calcul, comme le droit, se substituent à la pensée. La rationalité se soumet à la logique économique régie par le droit et les chiffres, d'où les normes.

D'où aussi la nécessité de soumettre les gens avec leur consentement volontaire. Ceci se construit avec les normes auxquelles les gens se comparent, s'auto-jugent et s'évaluent dans la culpabilité et la dévalorisation. C'est là le moteur de la soumission volontaire. Le politique, totalement absent, laisse le totalitarisme mécaniste s'installer. Contrairement à ce que disent les discours, ce n'est pas la science qui dirige et commande, mais simplement un certain usage des chiffres. Comme me disait une collègue, médecin du travail : "Les chiffres avouent tout ce que l'on veut sous la torture !"

La société de la norme (du contrôle) réalise ainsi ce qu'elle prédit. Mais, comme le disait en 2003, Yvon Gattaz alors président du CNPF, devant un parterre de managers : "Mettez du contrôle et vous augmenterez le nombre de tricheurs. Mettez de la confiance et vous aurez de l'efficience”. On peut facilement en déduire que la vision de "Gaulois réfractaires", celle que notre président projetait sur le peuple dont il a pris la responsabilité, était une "prophétie réalisante". Si le peuple ne l'était pas, il l'est devenu grâce à lui (cf. mes précédents articles sur ce phénomène développé par Paul Watzlawick).

Dès lors, la société prise dans une politique néolibérale, passe de la citoyenneté à la bande, ou tribu, de consommateurs. Le lien social se confond avec les similitudes de consommations, la finalité humaine ou personnelle avec les goûts et les couleurs. Les valeurs se réduisent aux notions de distribution, de vente et de revente, la notion de richesse à celle de la spéculation. Alors, vivre c'est mourir. La liberté est un esclavage. Le bonheur fait le malheur. La pauvreté est une richesse. Ou pire encore, l'escroquerie est un bon marché.

Il me souvient cette prudence de Jaurès : "Nous n'allons pas sortir de l'humanité pour rentrer dans le socialisme !". Eh bien si, et même pire encore, car tout ce qui fait l'humanité est réduit à la productivité et se dissout dans le chiffre. Voilà sous nos yeux l'imposture de la société qui nous reste.

Que faire ? Que dire ? Comment recréer une société humaine ? Nous savons qu'il n'y a pas de création sans transgression des normes. Ce qui nous enferme ne peut pas perdurer, ni nous résister. La norme est le verrou de notre libre arbitre, de notre souveraineté. La catachrèse révolutionnaire est la transgression, exactement celle du sens d'un mot pour faire rentrer dans la réalité un concept nouveau. 

On nous a collé "complotisme" sur toute résistance à la pensée unique, à la soumission nazie ou néolibérale. Eh bien, comme l'ont fait les républicains, qui ont adopté "Marianne" comme égérie, utilisons le même procédé. Marianne était pourtant l'insulte méprisante utilisée par les royalistes. Dans ces conditions, je prendrais bien "complotiste" comme nom de résistance. Si penser autrement que le néolibéralisme nous contraint, si résister à sa prison sans humain ni humanité c'est être complotiste, alors j'en suis un et je le revendique. Faisons de l'insulte une fierté. Et l'adversaire n'a plus de prise sur nous. Il n'y a pas plus de complot que d'alternative. Cela nous préserve de tout amalgame...

C'est aussi ce qu'ont fait les protestants à la révocation de l'édit de Nantes qui les privait de toute charge et de tout honneur, de toute reconnaissance de l'État, comme de l'ordre du Saint Esprit, la légion d'honneur de l'époque. Ils ont déclaré que le saint esprit c'était eux, et ils ont détourné l'emblème, devenu depuis le signe de reconnaissance des parpaillots. Réalisons que la valeur d'humain est dans la résistance à tous les fatalismes économiques et biologiques. Et si c'est ça être complotiste, j'en suis assurément un.

Penser est l'acte de libération par excellence. Un chanteur clamait : "Vous n'aurez pas ma liberté de penser" et il avait bien raison, car c'est bien la seule chose qui ne se confisque pas. Dans une société esclavagiste, on ne peut pas réduire l'esclave à ne plus penser,... mais on peut l'amener à penser que justement penser est une perte de temps, ouvrant sur la souffrances de frustrations, sur des vides angoissants. C'est ce à quoi s'est attachée l'industrie des relations publiques : procéder à la distribution de pensées courtes qui évitent la pensée, et donc la liberté.

Il ne peut y avoir de démocratie sans liberté de penser, sans liberté de savoir, sans liberté d'opinion et d'expression. La démocratie est un concept controversé dès le 18e siècle. Dans un entretien littéraire, le chercheur et professeur québécois en science politique, Francis Dupuis-Déri, raconte** que :

"La lecture de textes du XVIIe siècle (discours, manifestes, journaux, lettres personnelles, etc.) avait fait comprendre que ceux que l'on nomme les «pères fondateurs» des soi-disant «démocraties» modernes, en particulier aux États-Unis et en France, étaient ouvertement antidémocrates, c'est-à-dire qu'ils ne se réclamaient pas de la démocratie, et qu'ils utilisaient le mot «démocratie» comme un repoussoir, un épouvantail. Les «démocrates», ce sont les «autres», les irresponsables qui prônent le chaos, la tyrannie des pauvres, etc. Mais vers 1830-1850, l'élite politique va s'approprier le label «démocrate» à des fins électorales, constatant que ce label attire des suffrages des classes populaires. En un temps très court, tous les candidats vont prétendre être pour la démocratie (un phénomène d'ailleurs discuté par les journaux de l'époque). Mais ce que désigne le mot a changé en deux générations : les pères fondateurs entendaient par «démocratie» un régime où le peuple se gouverne directement, par des assemblées populaires et délibératives. Ors maintenant, le terme désigne le régime électoral. Exit, donc, la «démocratie directe», et vive la «démocratie représentative»."

Francis Dupuis-Déri utilise dans son ouvrage "La peur du peuple" (Ed. Lux / Humanité, 2016), les concepts, empruntés à la psychologie, d'agoraphobie et d'agoraphilie pour désigner cette horreur de la démocratie populaire et a contrario son engouement. Je préfère utiliser les concepts de "plébophobie" pour la propension à empêcher la démocratie directe avec les plus modestes, et de "plébophilie" pour la propension à activer cette dernière. Car il s'agit bien en l'espèce d'exprimer son horreur ou son amour de la plèbe, le peuple des sans grades, des sans-dents, de ceux qui ne sont rien, mais qui revendiquent, bref : les gilets jaunes. Alors on fait semblant de ne pas comprendre ce qu'ils disent, on les traite de confus, de désorganisés, de "mélangés", comme une sorte de "métèques politiques".

Il nous faut juste observer que, s'il y a une multitude de personnes, avec chacune sa vision de la réalité, s'il y a des groupes sociaux qui font culture et lien social, il n'y a qu'une seule humanité. Et de cette humanité, aucun groupe ne peut s'extraire. De la même façon, aucune minorité, ne peut en être exclue, ni se prévaloir d'une quelconque domination, ni même de quelques droits supplémentaires.

C'est au prix de ce travail là, à cette prise de conscience là, à cette posture développée, que nous sortirons de la société d'imposture qui nous maintient aujourd'hui en enfantillage, en débilité, en esclavage, démembrés de notre souveraineté.

Jean-Marc SAURET

Le mardi 1er décembre 2020

*  Reinhard Höhn, ancien juriste, devenu général SS, est l’un des penseurs les plus influents du management moderne. En 1956, il crée une école de commerce sur le modèle américain de la Harvard Business School à Bad Harzburg, en Basse-Saxe. L’école forme 700 000 cadres de 2 500 entreprises, comme BMW, Bayer, Opel, Colgate ou Ford, ainsi que l’élite politique de la jeune RFA qui s’appuie sur les écrits de Reinhard Höhn pour créer la Bundeswehr, la nouvelle armée citoyenne allemande, en 1955. Son modèle a inspiré des milliers d'entreprises. Le passé nazi de Höhn le rattrape dans les années 1970 sous la pression des mouvements étudiants antifascistes et avec l’arrivée au pouvoir des socialistes. En 1972, l’armée allemande rompt son contrat avec l’école de Bad Harzburg. Entre 1956 et 1995, Reinhard Höhn aura publié une quarantaine d’ouvrages. Certains se sont vendus à des centaines de milliers d’exemplaires comme son best-seller, Le Pain quotidien du management. Qualifié de  “Manager de génie”, “d'enseignant de talent”, “d'infatigable scientifique”, à sa mort en 2000, la presse allemande salue la mémoire de Reinhard Höhn : l’ancien général SS devenu l’un des plus grands cerveaux du management moderne. 
Lire aussi : "Libres d'obéir : le management, du nazisme, à la RFA". Johann ChapoutotGallimard-essais, 2020

** Entretien avec Francis Dupuis-Déri : https://revuelespritlibre.org/la-peur-du-peuple-0



Un cadeau de mon ami Thierry Groussin : Un clin d’oeil en pj, le verbatim d’une conversation télévisée de Ch. de Gaulle et M. Droit après les évènements de mai-68. 



1 commentaire:

  1. Tu vises juste: l'’imposture est au coeur de nos sociétés et de ce que nous vivons.
    Ton article est une voiture-bélier ! Mais cela suffira-t-il à ébranler « la bêtise au front de taureau » ?
    Les imposteurs ont plus d’un tour dans leur sac. On va voir comment ils vont vacciner le troupeau sans rendre le vaccin « obligatoire ». Je redoute plus que tout cette phase de leur projet.
    Enfin: « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. »
    Je vais partager ton article sur Twitter et Facebook.
    Thierry.
    http://indisciplineintellectuelle.blogspirit.com/

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