J'ai côtoyé les travaux du psychologue clinicien, Marchal Rosenberg, un follower du mahatma Gandhi et du Psychiatre, fils de pasteur, Carl Rogers. Il a fondé ce que nous nommons la "communication non violente", s'inspirant, entre autres, des outils de l'écoute bienveillante de Carl Rogers. C'est là un excellent processus de relations humaines souples et respectueuses de chacun, aux conséquences heureuses. Et vous savez mon aversion pour les termes négatifs, parce qu'ils portent le sens de ce que nous ne voulons pas. Ici, le positif n'est jamais qu'en creux de ce que nous refusons et le négatif en creux de ce que nous voudrions. Je n'ai donc pas pu en rester là. Ainsi, je parlerai plutôt de "communication en paix". J'ai déjà utilisé ce terme dans un précèdent article pour m'opposer là aussi au terme "négatif" de "non violence", trop porteur, voire promoteur, de la violence que le terme nie.
Mais, ce concept de "communication en paix" serait-il différent de la communication prônée par Marchal Rosenberg ? Il ne s'agit pas de plagier, critiquer ou même de concurrencer la CNV. Ses quatre piliers que donne Marchal Rosenberg sont pragmatiques, dans une démarche très pratico pratique à l'américaine : Analyse les faits (la situation) sans juger ; Analyser le sentiment ressenti devant les faits (comment ça résonne en moi) ; Comprendre le problème à l'origine de l'évènement (qu'est-ce qui a provoqué les faits ?) ; et enfin, faire une demande vers mon besoin.
Quant à moi, il s'agit seulement de continuer ma démarche sur la question de la réalité, et ce en direction de la communication interpersonnelle. En effet, je profite de cette occasion pour laisser émerger une démarche relationnelle découlant parfaitement des données de la conscience de la réalité. C'est à dire, en partant des deux principes fondamentaux que j'ai non seulement énoncé mais développé plus avant : "La vision guide mes pas" et "la réalité n'est que la conscience que j'ai du monde".
Je renvoie à l'article éponyme* où l'essentiel est décri et expliqué : ce sont mes représentations de moi et du monde, et de moi dans ce monde qui produisent ma posture générique, laquelle produit mes comportements. C'est donc ce critérium de représentations qu'il convient de travailler. Il est le fondateur de toutes mes actions, stratégies et comportements. Il m'importe alors d'être au plus clair sur les questions de fond : Qui suis-je ? Qu'est-ce que ce monde là ? Qu'ai-je à y faire ? Que puis-je y faire ? Quelle y est ma place ? Qui sont ces autres ? Quelle est la raison d'être de chacun ?... voire en commun ? Etc.
Mieux j'y répond et mieux je sais ce dont il s'agit. Alors je peux être précis et conséquent dans ma posture. Si je pense que je suis un cador aux droits les plus larges, j'aurai la posture d'un enfant de cinq ans, roi du monde. Si je considère le monde, l'univers, comme un grand tout dont tous et chacun faisons partie égale en toute interdépendance, alors j'aurai la posture d'un vieux sage modeste et lucide par nature. En effet, ma vision guide mes pas.
Si je sais, comme l'écrivait Arthur Schopenhauer, que la réalité n'est qu'un objet pour un sujet qui le regarde, que si le sujet s'en va, l'objet disparait, alors je sais que la réalité n'est que la conscience que j'ai dudit monde et rien d'autre. Tout est alors bien relativisé. Ma réalité ne vaut pas plus, mais tout autant, que celle d'un autre, c'est à dire qu'elle est à la hauteur de mon regard sur ledit monde. Il y a donc autant de réalités qu'il y a de sujets qui regardent... Pour parodier Saint-Exupéry, je dirais qu'on est l'humain d'une vision du monde, pas un humain tout court. Ca n'existe pas !
Ajoutons à cela que, comme ne l'a jamais dit St Thomas : "Je ne vois que ce que je crois !" et la question de la vérité est rangée au rayon des certitudes. Cette dimension nous occupe tout un chacun. Les communications se résument bien souvent à un "jeté-croisé" de certitudes et d'anathèmes, de jugements en quelque sorte aussi subjectifs les uns que les autres. Et pourtant, nous savons bien que les partages de visions présentent le risque d'être un enrichissement conséquent. D'où l'expression : "Du débat jaillit la lumière".
Au delà de cette prise de conscience, il s'agit ensuite de reprendre et décliner ces quatre variables de l'action consciente que sont, d'une part, les représentations et la nécessité, et d'autre part l'amour et la peur (cf. mes précédents articles).
Puisque nous ne pensons qu'à l'aune de nos représentations (expérientielles et culturelles), l'important dans une rencontre conversationnelle sera d'appréhender, de comprendre, les représentations de l'autre (comment il voit les choses et se voit-il là dedans) et lui donner à voir les siennes propres. Comme le disait le psychosociologue Rodolphe Ghiglione, "Dans la conversation, il se 'transacte' des références". D'où me parle-t-il ? D'où m'entend-elle ? Donc, ma première préoccupation est de comprendre ses préoccupations dans ses représentations, et en même temps d'être très clair sur les miennes propres, en étant tout à fait conscient de leur singularité. L'indispensable empathie et la nécessaire bienveillance ne sont pas choses simples sans un certain "lâcher prise".
La seconde préoccupation sera aussi d'entendre les "nécessités" (ou préoccupations conscientes ou pas) de l'interlocuteur et de donner à voir les miennes propres. Ainsi, nous mettrons sur la table les "nécessités" de chacun sans aucun jugement. Car, au delà de sa propre finalité qui fait notre raison d'être, que ces "nécessités" soient réelles, imaginaires, de l'ordre du désir ou du fantasme, importe peu, voire même pas du tout.
"Parce que l'autre est un autre moi-même", voici la transition toute faite pour passer à la variable d'amour. Au sens d'appétit, de gourmandise et de bien être, en retour celui-ci est simplement bienveillant, attentif et donc sans jugement aucun. Et ce parce que, d'une part, l'amour est la condition de la rencontre, et d'autre par parce que le langage du cœur est un "démêlant" relationnel. Croiser quelqu'un n'est pas le rencontrer. Poser nos cœurs sur la table effondre toutes les barrières.
C'est ce qui se passe quand nous demandons pardon, quand nous avouons notre émotion devant un fait, un événement, un spectacle, quand nous avouons notre affection, quand nous baissons la garde. C'est ce que l'écologue Jean-Marie Pelt appelle la paradoxale puissance de la faiblesse**... Et c'est là une variable fondamentale : c'est bien aimer qui me pousse à choisir tel met plutôt qu'un autre, à aller vers telle personne plutôt qu'une autre, à aborder tel sujet plutôt qu'un autre, et qui parfois donne la force de se surpasser.
Rien ne m'oblige à aimer "pour de bon" le personnage qui se présente à moi mais comme être humain, il est un "autre moi-même". Et il m'est très utile pour moi-même, pour la qualité de notre relation, sincère et directe, de "m'aimer" comme "j'aime" mon interlocuteur, comme j'apprécie d'être avec lui dans cette conversation. Et ceci est rare et n'a rien à voir avec l'orgueil. Il s'agit là de considération neutre, pas d'un marchandage avec soi-même. En effet, ceci aussi dépend de nos représentations et de nos "nécessités". La relation n'est pas un combat, mais une co-construction. L'autre n'est pas adversaire, encore moins ennemi, mais un partenaire. Pourrions-nous imaginer la conversation comme une valse ou un tango ?...
Rien ne saurait stopper, même ralentir ou enrayer l'une de ces trois variables, fusse la peur elle même, cette quatrième variable Elle est la plus puissante des barrières à tout, le dynamiteur de tout projet ou intention pour une bonne ou mauvaise œuvre. Là, la question des représentations nous permet de déconstruire ce qui nous fait peur ou pas, comment et pourquoi. Mais il y a des peurs inconscientes, irraisonnées, comme celle du vide ou des araignées. Reste alors "le lâcher prise"*** et de laisser venir.
Soyons à notre tour efficace et pragmatique. Plutôt que de répondre à une procédure factuelle, je préfère remonter à la source, à ce qui fait la posture : la compréhension de la réalité. Toutes ces recommandations seront servies alors d'elles mêmes. C'est bien parce que la posture est la conséquence de représentations, de visions de soi, de l'autre et du monde, que beaucoup de mon travail consistera à développer une certaine conscience qui produira les représentations qui porteront les bonnes postures sans que je me contraigne, me force ou m'oblige, voire à suivre check-list et recommandations... En effet, ceci pourrait être source de frustration avant même que d'atteindre un hypothétique résultat tangible et encourageant. C'est là une "mécanique" ordinaire et fluide.
C'est bien cette question de posture qui est essentielle. Ainsi c'est la question de la conscience de ce qui est, avant toute spécificité locale ou temporelle. Avant de connaitre, de rencontrer des faits, l'autre est un autre moi-même, ma vision guide mes pas et la réalité n'est que ma conscience du monde, qu'elle soit personnelle et culturelle.
Il en va de même pour mon interlocuteur qui, de fait, n'est pas un adversaire mais le partenaire dans la conversation. Je ne considère ni son rang, ni ses compétences, physiques ou morales, ni sa fortune ou ses moyens. C'est ce que l'on considère parfois, mais à tort, comme un admirable culot, alors qu'il ne s'agit que d'égalité naturelle en toute bienveillance.
Ainsi toutes nos postures en découlent. Comme "je ne juge pas" parce que tout jugement dépend d'une conception du monde, de valeurs qui sont culturelles ou qui nous sont propres, c'est à dire "discutables", alors j'ai une chance de rencontrer véritablement l'autre et pas son personnage, de lui donner à voir la personne que je suis et pas un quelconque personnage social ou fictif...
Bien sûr, il existe bien des sagesses qui, comme dans la pensée grecque, m'invitent à des comportements équilibrés, tempérés, modérés et "pacifiants". Je pense notemment aux quatre accords toltèques. Je les traduits ainsi, pour faire court, comme je me les suis appropriés : Que votre parole soit impeccable, Quoi qu'il arrive ce n'est pas vous, N'en faites pas toute une fable, Faites de votre mieux toujours.
Il me semble que toutes ces approches parlent à une partie de l'être et il est bon qu'elles coexistent car elles me semblent toutes convergentes. Elles se renforcent l'une l'autre pour dire la même chose de manières diverses.
Mais, me direz-vous, il y a aussi des "êtres de croyance", pour lesquels celle-ci transcende les lois et la science. Débattre avec ce type de personne s'avère parfois plus que difficile, dit-on. Doit-on les combattre ou les raisonner ? Ni l'un ni l'autre. Ce sont là deux actions issues de jugements, d'une posture haute où l'autre n'aurait pas bien compris, où j'aurais comme un "devoir" de le ramener à la raison. Et de quel droit serais-je en position méta ? Parce que je le crois, parce que je crois que ma science est supérieure à sa croyance, parce que je crois qu'il n'y a qu'une seule loi, celle de la science...
Tiens donc, je me rends compte aveuglément qu'il n'y a pas tellement de différence entre la posture du croyant et celle du scientiste : les deux sont dans un système de croyance et, comme je l'ai déjà écrit, pour le scientiste, si la nature ne rentre pas dans les lois que la science lui trouve, alors elle a tord et on l'y rentrera de force. C'est là un sujet qui traverse l'œuvre de Rupert Sheldrake, notamment dans son ouvrage "Réenchanter la science".
Nous sommes des êtres humains, rare animal a être conscient de lui-même. Par cela, nous sommes capables de réfléchir sur nous même, donc de réduire le gap des représentations, des écarts d'intérêts et d'enjeux, de nature même desdits enjeux, dans un rapport réciproque d'égalité parfaite, quoi qu'il en soit. C'est là tout l'intérêt de cette posture en conscience.
Nous avons chez nous un chat et un petit chien. C'est peu dire qu'ils ne se comprennent pas. Ils se tolèrent maintenant après plusieurs mois de craintes, de fuites et d'observation. De notre distance, nous comprenons ce qui ne va pas entre eux : le chat aime sa bien calme quiétude et considère toutes gesticulations du jeune chiot comme une agression, tandis que le jeune chien ne pense qu'à jouer et vient en permanence provoquer le chat pour cela. C'est si simple, vu d'un peu plus haut...
Mais sommes nous capables d'une telle prise de hauteur quand les sentiments d'orgueil (dits de fierté), de cupidité (dits de propriété), de jalousie (dit de manque ou d'équité), nous occupent ? Nous sommes alors, comme le chat, sous la peur d'être agressé dans le confort de nos certitudes... Ainsi, communiquons, partageons, cocréons et par cela, coconstruisons quelque chose qui nous restera en commun, comme un bien commun, qui restera bien plus que cette passerelle entre nous : un précieux, un sacré sur lequel le vivre ensemble se bâti. Pour ce faire, ouvrons les postures et tout se passera bien !
S'il fallait résumer la communication en paix, je la condenserais dans quelques mots. Je choisirais même juste sept phrases indicatives qui touchent la conscience par l'imaginaire.
- La réalité n'est que la conscience que j'ai du monde.
- Tout est fugace et impermanent.
- La vérité est une illusion, tout comme l'horizon qui recule quand j'avance mais est toujours là pour donner une perspective.
- Il n'y a pas de nécessité absolument nécessaire : ce ne sont pas les choses qui m'animent ou me gênent mais le regard que je leur porte.
- Aimer ou pas, est le moteur de tout.
- L'opposé de l'amour n'est pas la haine mais la peur, la tueuse de tout, cette absence de "lâcher prise".
- Lâcher prise dans un temps et un espace libre de toute contrainte, voilà la panacée.
- Communiquer, c'est simplement créer du commun.
**Jean-Marie
PELT, La raison du plus faible, Fayard, Paris, 2009
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RépondreSupprimer"communication non violente" en "communication en paix"!?
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