L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Ontologie ou constructivisme

Il n'y a pas d'ontologie des objets. L'idée de la chose en soi n'existe que dans nos têtes. Comme le vide, le transcendant, le bonheur, le malheur, la douleur ou la joie, tout ces éléments ne sont que représentations du réel. Rien d'autre...
Il y a bien longtemps, mon fils qui avait alors une dizaine d'années m'invitait à aller au cinéma voir un nouveau film : "Matrix". Durant le temps qui précède, il m'expliquait le sens de ce long métrage : "La réalité n'est pas vraie. Les gens ne la voient qu'à travers la matrice. Ils ne voient pas les choses mais seulement comment la matrice les montre..." Je ne comprenais pas très bien où il voulait en venir, mais le film se déroulant, je compris alors qu'il avait tout compris. Mon fils avait tout à fait saisit que le filme présentait une approche constructiviste de la réalité du monde...
Je reviens une fois de plus à la phrase forte et fondatrice d'Arthur Schopenhauer : "La réalité est un objet pour un sujet qui le regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparaît". Cette phrase est fondatrice du constructivisme et elle est bien plus puissante qu'il n'y paraît. Si l'on relit le "Que sais-je" consacré à cet auteur philosophique, aucun article, aucun paragraphe, pas une ligne ne parle de la moitié de son ouvrage majeur "Le monde comme volonté et comme représentation". Pas un mot sur les huit cent pages consacrées au monde comme représentation. Schopenhauer développe là que la réalité n'est que les représentations que l'on s'en fait, qu'il n'y a aucune réalité précédant l'objet, que l'objet n'existe que quand le sujet l'observe et l'identifie.
Alors, pourquoi cette aveuglement ? Parce que Arthur Schopenhauer a simplement raison : ceux qui ont lu ses œuvres n'y ont vu que ce qu'ils savaient déjà, que ce qui collait avec leurs représentations du monde : le monde est mû par une pulsion de vie, ledit monde est vécu comme une volonté. Comme s'ils n'avaient rien compris au constructivisme, à savoir que ce sont nos consciences qui construisent nos représentations du monde, lesquelles fondent la réalité, ils ne l'ont pas lu. Ils en ont déduit que Schopenhauer était un pessimiste. Là aussi, grossière erreur de lecture.
Oui, il n'y a de réalité que pour moi et c'est bien là la définition de la réalité : la conscience que nous avons du monde. Il n'y a là rien qui soit en rapport avec la notion de vérité. Celle-ci existerait s'il y avait une ontologie des objets du mondes. Or, celui-ci n'est que la construction d'une résultante propre aux humains. Elle se fonde sur deux variables qui nous sont propres : la culture et la nécessité (nous y revoici), c'est à dire sa propre expérimentation. Il y a bien une dialectique mais entre ces deux champs là.
Le monde est comme une tarte dont chacun esquisse l'expression du goût. Il y a d'abord une façon de couper la tarte pour la distribuer et commencer la dégustation du monde. On ne la découpe pas en lamelles parallèles mais en quartiers, huitièmes ou autres, depuis un trancher en étoile. Ça c'est la part sociale de la découpe du monde pour le comprendre et le connaître. Il y a une façon de faire et pratiquer autrement serait un "massacre" ou une hérésie.
Ensuite chacun mord dans sa part du monde, en découpe des bouchées, autant que la capacité buccale l'autorise. Alors seulement, en déconstruisant le monde, en le mâchant tout en l'arrosant de sucs salivaires, nous décomposons le monde pour qu'il devienne "goûtable". Il est vrai que tous nos sens ne captent pas plus de trois pour cent du spectre ondulatoire de la nature. Cela fait bien peu et c'est avec cela que nous disons connaître le monde...
Ensuite, retour à l'activité sociale, les convives dégustateurs de la tarte du monde échangent sur leurs ressentis : "Hum, qu'elle est bonne !" dit l'un. "Il y a comme un gout de noisette... c'est peut être la cannelle, non ?" avance une autre qui s'entend répondre "Tu trouves ? Moi, je lui trouve plutôt un goût d'amande..."
Et ainsi de suite, dans le débat, se coconstruit une représentation commune, ou du moins "partagée" dans l'échange, de ce qu'est la tarte du monde. Il s'y joue bien autre chose que la tarte elle même mais aussi la place et le rang social de chaque interlocuteur. Ces jeux de rôles rendent vraies ou erronées les sensations des uns et des autres. Je ne reviens pas sur la description de toutes les expériences effectuées autour de la théorie de l'influence,  ni sur la couleur verte du tableau rouge, ou sur les longueurs inégales de lignes égales, etc.
La réalité est donc bien une construction expérimentée et socialement partagée à partir d'une autre réalité qui précède, elle-même élaborée précédemment sur le même principe. Il n'y a donc, me semble-t-il, aucune ontologie du réel, juste une construction permanente en interaction sociale et personnelle, culturelle et nécessaire.
Ensuite, les mots existent. Ils définissent et déterminent chaque "morsure dans le monde". Il y a alors un "dedans" et un "dehors" du mot. S'il y a une définition, il y a alors une limite à la définition et au concept de cet objet, fût-il matériel ou idéel. Alors qu'y a-t-il au delà du mot ? Lacan appelait ça "le réel". C'est à dire, comme il le disait "un quelque chose à attraper". S'il y a une limite, forcément, notre esprit imagine très bien qu'il y a un "au delà du mot", et il en a besoin. Sinon, pourquoi la limite ?
Alors sur cette marge du "réel", se promènent la création, les inventions, l'humour, le mysticisme et la folie. Qu'est-ce qui les différencie ? Le partage social, leur acceptation sociale. C'est bien cette dernière qui dira s'il s'agit de la réalité... ou pas. En conséquence la part sociale dira s'il s'agit de réalités nouvelles, d'art, d'humour ou de délire. Mais nécessairement il y a quelque chose derrière la limite du mot précédent. 
Si, dans ces conditions, un nouveau "réel" devient réalité, alors il aura ses limites avec son dedans et son dehors, avec à nouveau un autre réel à identifier. On pourra voir l'humour, la recherche, la mystique, voire encore l'art ou la folie aller le tester, le fouiller... Voilà la "mécanique" de la réalité. Ce n'est que cela. Ce qui change est la manière de "mordre dedans"... Alors, bon appétit !
Jean-Marc SAURET
Le mardi 14 juillet 2020

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