Un
ancien président du groupe La Poste disait à l'un de ses fidèles
collaborateurs : "Si tu ne fais pas ce que je te demande, tu
fais une faute. Mais si tu sais quelque chose que je ne
sais pas, tu fais une faute aussi !". L'histoire m'a été
rapportée par ledit collaborateur. Cette phrase m'est restée
profondément ancrée dans la mémoire et j'ai de nombreuses fois
raconté cette historiette lors des formations en management que je
donnais. Ce que m'indique cette parabole : c’est que nous
avons le devoir de dire à nos “patrons” ce que l'on
sait et qu'ils devraient savoir, autant d’éléments qu’ils ne
peuvent voir de leur place. Nous avons un devoir, celui de leur
apporter toutes les informations, mais aussi analyses,
observations, compréhensions propres à notre champ, et
à notre domaine.
Pourquoi
ne le faisons nous pas ? Parce que d'une part nous craignons
d'importuner quelqu'un qui doit (ou devrait) déjà le
savoir, et d'autre part, peut être avons-nous, nous même, peur
de le fâcher, de l’irriter... et d'en subir ensuite le
courroux.
Mais
nous savons
que les patrons sont aussi en permanence contraints par trois
pressions. La première est cette impérieuse nécessité de
réussir, celle du boxeur ou du combattant. Il vit également la
solitude du coureur de fond, mais encore le phénomène de page
blanche de l’écrivain. Alors
qui lui dira qu'il est en danger ou en train de se tromper ? Nous
avons, depuis nos différentes positions, l'utilité et l'obligation
de communiquer ce que nous savons.
S'il en va ainsi avec les gens de puissance et de pouvoir, il en va de même avec ceux que
l'on aime. Que craignons nous ? D'être le dindon de la farce, le
perdant de la situation ? Dans ces conditions, nous nous
taisons avec toutes sortes d’alibis, ou de “bonnes
raisons” : "Il doit bien le savoir", "Ce n'est
pas à moi de le lui dire", "Je ne suis pas payé pour
prendre ce risque", etc.
Ensuite,
le patron, le “puissant”, fait ce qu'il veut
de l’information. Les décisions en conséquence lui
appartiennent.
Nous
sommes nous posé la question
de savoir ce qu'il se passerait si je ne donnais pas mon
analyse ? Peut être une catastrophe pour l'entreprise ou
l'organisation. Peut être seulement un accident ou un incident.
Voire peut être rien... C'est aussi cela qui devrait diriger notre
libre expression. Elle a donc
une véritable utilité.
Mais
à quoi l'utilisons nous, en fait ? Juste à donner une opinion, un
jugement, se moquer de l'un ou médire sur l'autre. Tout ça pour
satisfaire un ego ou obtenir quelques gains matériels.
Alors,
pouvons nous nous poser
cette autre question : pourquoi disons nous tout ce que nous avons à
dire, et pourquoi l'avons nous à dire ? Quelle est notre
finalité ? Que visons nous ? Quelle est la raison d'être de notre
libre expression ? Il n'y a pas mille raisons, il y a juste
deux catégories d'objectifs : ceux tournés vers notre intérêt
personnel, comme augmenter son confort, sa sécurité, ses avantages
matériels, être reconnus, faire partie de "la bande",
être heureux, etc... Et puis il y a ceux tournés vers un intérêt
collectif, via peut être quelques croyances, principes et
idéologies. On
parlera alors pour qu'advienne un monde meilleur, quel qu’il soit,
quelle qu'en soit la forme ou la raison.
Je repense alors aux
trois passoires de Socrate* et aux accords toltèques. Pour les
premières, il s'agit de savoir si la chose à dire est vérifiée,
si elle apporte un bénéfice heureux (si elle est dite pour de
bonnes intentions), et si cela servira à son interlocuteur : en
d'autres termes, si elle lui sera utile.
Et
voilà ce que proposent les quatre accords toltèques : Que
votre parole soit impeccable ; Quoi qu'il arrive, n'en
faites pas une affaire personnelle ; Ne faites pas de
suppositions ; et faites toujours de votre mieux.
Nous parlons pour une relation et c'est elle qui fait que le contenu du propos est accueilli, bien ou mal ou pas du tout. La qualité de la relation fait le lien parfait. Ainsi, nous allons
pouvoir imaginer que notre libre expression aura toujours un
belle utilité, un intérêt pour que vienne, peut être, un monde
meilleur. Je repense alors à ce que Rabelais indiquait sur le
fronton de l’abbaye de Thélème : "Aime et fais ce que
voudras".
Pourquoi
cette pensée volontairement positive ? Parce que la vie nous
renvoie en permanence que les paroles négatives sont celles
qui créent des tensions et des catastrophes et qui
reviennent, de surcroît, en boomerang, à la face de
qui les a prononcées. Nous savons comment les guerres commencent.
Mais nous ne savons toujours pas comment les finir. Il me revient
cette illustration du phénomène dans la bande dessinée des
Goscinny et Uderzo : Astérix, "la zizanie"... Tout un
“programme” !
Jean-Marc SAURET
Le mardi 8 janvier 2019
P.S. : Il y a toujours plus à craindre des sous-fifres qui courtisent les puissants par intérêts personnels, que des puissants eux-même qui ont besoin de notre parole, de notre regard, de notre action...
P.S. : Il y a toujours plus à craindre des sous-fifres qui courtisent les puissants par intérêts personnels, que des puissants eux-même qui ont besoin de notre parole, de notre regard, de notre action...
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