"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Comment les organisations se retaylorisent

Dans cet environnement que l'on peut qualifier de post-moderne, les organisations, entreprises, institutions, ont une forte propension à se retayloriser : en l’espèce, à tenter de tout mettre sous contrôle, à "procédurer", à "normaliser" leurs activités, à "rationnaliser", comme ils disent. L’observateur lambda, le consultant, ou le sociologue, constatent que ce raidissement génère des tensions. Certains managers (ou encore des consultants) tentent l’explication de telles démarches, en mettant en avant deux types d’hypothèses : la crise et la réduction des moyens associés, ou le  rétrécissement des marchés. Mais on est loin du compte,  et nous ne trouvons pas en l’occurrence, la condition sine qua non de cette démarche à forte pression. Il apparaît à la réflexion que l’évolution culturelle post moderne agit en interne et en externe avec des effets manifestes, associés à des résultats bien éloignés des buts visés par les décideurs
Influence interne
Dans un environnement toujours plus complexe et plus difficile, la capacité d’innovation de l'organisation est devenue une sorte de bouée de sauvetage. Dans nombre d’organisations, on constate corrélativement une innovation interne désespérément en panne. Elle se trouve stoppée, dans la mesure où elle dépend d’abord de représentations collectives plaçant l’acteur en capacité d’autonomie. Hors de cela, point de salut. L’innovation ne peut être issue de techniques et de procédures comme les représentations sociales de la culture bureaucratique l’imaginent.
Comme le disait si justement Michel CROZIER, cette société là est bloquée. Elle a évacué “l’acteur sujet”, comme dirait Jacques LACAN, "le tuant pour mieux l’utiliser". On pourrait leur prêter alors, non sans un certain humour noir et désespéré,... sinon désespérant, l’archaïque adage que l’on attribuait au Général CUSTER à propos des amérindiens : « Un bon employé est un employé mort ! ».
C’est ainsi que me revient ce témoignage d’un directeur des PTT dans les années 80. Il déclarait : « Cette institution est mortifère et pourtant ce sont les postiers qui l’ont faite ». Il renvoyait là, d’une part, à l’histoire de cette administration. Les outils et les méthodes de travail ont en effet, tous été créés par les postiers eux même. Il faisait d’autre part et simultanément référence à la gestion managériale bureaucratique. Pour mémoire, ce type de gestion ne considère que des fonctions et des procédures. Elle exclut, de fait les acteurs, déshumanisant ainsi le système.
Il n’est pas inutile de rappeler que le développement bureaucratique colle à la culture française.
Or, les acteurs post modernes et alter consommateurs n’y trouvent pas leur place. Le post moderne dans son agitation rapide, son zapping chronique, sa gesticulation identitaire et son besoin immédiat de réponses, se trouve très à l’étroit dans ces territoires clos. Il décide émotionnellement sur de l’information massive, et non sur l’observation et l’analyse. Ici, le goût tient lieu de réflexion. Son immédiateté nerveuse, son désir de reconnaissance instantanée, en font un "picoreur" versatile et inconséquent. L’ultra consommation dans laquelle il s’inscrit en fait un “dépendant-perdant du système de société.
L’alter-consommateur, ou « alternant culturel », autonome, engagé et responsable par essence, ne trouve pas d’articulation dans un système très fortement "procéduré". L'absence de latitude et la rigidité organisationnelle, tuant la créativité et l'autonomie des acteurs, le mettent d'entrée hors jeu. Créateur d’une culture naissante, il se relie dans des entre soi multiples et tribaux - les réseaux -.
Son pragmatisme, lié à un engagement déterminé par son sens de la conséquence, l’amène à “faire”, lfocalisé sur “l’oeuvre à construire”. Comme si leur devise était « Faire est efficient. Ce que tu veux, tu le fais. Do It Yourself ! ».
S’il fallait caricaturer les représentations sociales de ces populations, nous dirions que le moderne pense le monde unique et vérifiable. Le post-moderne, quant à lui, le pense incertain. Il le voit comme fait de collections d’objets et de biens en mouvement. L’alternant culturel le pense comme une pluralité, une complexité dans un champ à apprendre, à comprendre et à agir.
Pour les premiers la réalité est une vérité universelle, unique, et univoque. Pour les deuxièmes, la réalité est floue et incertaine, elle représente une opinion. Pour les troisièmes, les réalités dépendent des approches et engagements personnels. Pour ceux-ci, il y a autant de vérité que de personnes, et elles sont donc toutes réputées vraies.
Alternants culturels ultra-actifs et post modernes, constituent autant de groupes générationnels. On retrouve aussi chez les post modernes ceux que l'on nomme les générations « Y », zappeuses et hédonistes.
Acteurs autonomes et indépendant d'un côté, acteurs autocentrés et versatiles de l'autre, ils apparaissent insaisissables pour nos organisations. Parce que d'une autre logique, 'ils échappent aux managers lambdas, ils apparaissent aussi comme ingérables. Ils affolent les managers, et participent ainsi, formellement et involontairement, à la réalisation dans les organisations de ce climat d’incertitude interne. C’est justement ce type de comportement que les managers tentent compulsivement de réduire par la rigueur gestionnaire.
Influence externe
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte : le caractère fortement volatile des marchés, par exemple, associé à des projets particulièrement court-termistes. On peut y ajouter les modes de production en perpétuelles adaptations, ou l’évolution technologique en accélération permanente. Par ailleurs, l’ultra disponibilité de masses d'informations rendent l’environnement glauque, incertain, voire menaçant. La réaction ordinaire dans les cultures gestionnaires consiste à mettre ce monde sous contrôle. Serge Moscovici disait que la tendance universelle des humains est d’abord de rendre le monde prédictible. Par la complexité de nos regards, il ne l'est plus. Ce ne sont effectivement pas les choses qui nous gènent mais le regard que nous leur portons...
Les acteurs des nouvelles générations se caractérisent donc par des postures d’autonomie personnelle. Or, les systèmes tayloriens, dans leur souci de maîtrise, comme notamment dans l’approche scientifique du travail, tentent de rationaliser les processus et les démarches sous la sacro-sainte pensée unique : “l'erreur est humaine et le contrôle est sa solution”. Dans une culture de dictature du chiffre sur fond de financement et de ratios de rendement, seul le résultat chiffré prime !
Mais quelle en est la portée ? Car il s'agit alors de prendre le pouvoir sur les individus, de canaliser leurs occupations, de contraindre leurs actions et réduire leurs latitudes décisionnelles. Pour ceux-ci, l'erreur est bien toujours humaine. Elle est réduite par tout ce qui se compte et se contrôle. Cruelle erreur, tueuse de solutions !
Ces deux postures sont totalement incompatibles. Et cette autonomie structurelle des nouveaux acteurs fait peur aux bureaucrates, et ce d’autant plus qu'elle échappe à “leur maîtrise”. Elle ajoute de cette manière de l’incertitude.
C’est dans ces conditions que les décideurs redoublent de contrôle, multipliant ainsi les gestions “calibrées” et les mises sous tutelle. Plus ils rigidifient leur gestion, plus les nouvelles générations zappent et leur échappent. C’est ce que l’on pourrait nommer le “phénomène du noyau d’olive”. Plus on le presse, et plus il glisse vite et loin,... en disparaissant sous le buffet... Or, ce ne sont pas seulement les jeunes générations qui se comportent ainsi, mais, dans l’évolution sociétale, ce sont toutes les populations qui se colorent de ce "vert-bleu-gris".
Effets
Nous voilà bien en présence d’un monde douloureux, et qui n’a jamais été aussi psychologiquement et socialement violent. Il se caractérise aussi par le développement de ces enfermements, résistances, fuites, besoins de reconnaissance, etc. Dès lors, les guerres de territoire sont ouvertes. La lutte des places succède à la lutte des classes comme l'indiquait Vincent de Gauléjac. Les surcharges de travail s’accentuent. Les fonctionnaires sur-travaillent comme jamais. L’agitation est un mode d’existence post-moderne. Cela croise les stratégies de guerres de territoires et les luttes d'apparence : être là après 20h.
Il y a le clan des adoubés et celui des exclus, dont le pourtour change très vite. Les territoires clos ont des accents de prés-carrés. A l’instar des trous noirs dans l’univers, ils ne laissent rien sortir, pas même la lumière. La suspicion que des activités internes vous échappent appelle le surdéveloppement du contrôle. L’art de le déjouer devient dans ces conditions un sport national. A l’inverse des anglo-saxons, les français se courbent devant l’autorité mais enfreignent les lois. D'où des ambiances délétères dans les organisations bureaucratiques.
Effet de cercle vicieux, l’évitement justifie que l'on rajoute encore du contrôle. Trous noirs et polices font que, aux quatre coins de l’organisation, la même action, le même chantier se trouve traité plusieurs fois isolément. L’organisation surchauffe, s’épuise, produit moins et moins bien. Le système se bloque.
Comment arrêter le cycle infernal, en sortir et enfin changer ? La réponse est dans le lâcher prise et la confiance, dans un abondement délibéré vers un management humaniste. Et si nous replacions l’humain au centre de la dynamique ?... Or, ce n’est là qu'une posture… et justement pas de celles qui se décrète, de prime abord…
Reste ensuite à “travailler” dans le domaine du “lâcher prise”... Voilà qui n’est assurément pas le moindre des paradoxes...

Jean-Marc SAURET
le 30 octobre 2018

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