La
question de l'égalité des genres soulève des passions et des
débats controversés. Déjà sur le constat, les esprits
s'échauffent et l'on ne sait plus très bien où se trouve la
sincérité et la démagogie, l'évident et le complaisant,
l'objectif et le subjectif, la place des croyances et celle des
préoccupations, etc. Les campagnes de type "#balancetonporc"
ont suscité bien de réactions contrastées.
J'ai
même vu un contre-pied discret sur la toile "#balancetonange". Pour
ce qui est des solutions, le débat devient encore plus
brouillon, voire radical, et parfois illisible.
Une chose est certaine, c'est que la discrimination, quelle qu'elle
soit, agace profondément la majorité des gens, soit parce qu'ils la
subissent, soit parce qu'elle leur paraît idiote et
violente.
L'humanisme
combat de fait tout type de discrimination et travaille à
l'installation de chacune et de chacun à une place équitable et
digne. Mais, j'y reviens, les combats que nous menons ne
participent pas tous opportunément à cette démarche, parfois même,
ils la desservent. Il arrive bien souvent, qu'en posant des
actes que l'on veut anti-discriminatoires, nous marquions encore
davantage la différence, celle justement que nous voulions voir
disparaître.
Je
pense par exemple à l'écriture dite "inclusive" celle qui
consiste à mélanger dans le même mot, le masculin et le féminin.
Mis à part que cette écriture est lourde, inesthétique et donc
difficile, elle accentue de fait, la polarisation des
genres, celle que justement notre langue a tendance à marquer.
Elle
ralentit de surcroît, la réflexion et le passage des
informations. D’un côté, pourtant, il y a le masculin et de
l'autre le féminin. Entre les deux, c'est le vide, le
no-people-land... Or, dans nos pratiques ordinaires, dans
la vie sociale de tous les jours, dans l'intime et le quotidien,
l'entre deux est peuplé de gens, de sentiments et d'identités
diverses.
Si
notre culture marque si vivement cet antagonisme, il en existe
bien d'autres dans le monde. En effet, entre le pôle
masculin et le pôle féminin, il existe toute une palette
de postures et de réalités. Disons que dans ces cas là, il y a un
continuum offrant de nombreuses facettes. En leur sein, notre
culture ne voit que "quelques hermaphrodites". C'est là un
handicap culturel qui nous est propre. Dans ces
conditions, cette écriture dite inclusive vient renforcer le
clivage masculin-féminin, et ce n'est pas le seul inconvénient.
Ainsi
donc, cette écriture dite inclusive vient renforcer le clivage
masculin-féminin, et ce n'est pas le seul. Quand nous avons fait des
lois pour la parité, outre qu'elles ont posé plus sensiblement aux
faiseurs de listes (même de très honnêtes gens) la question
de la compétence des candidats (au sens neutre) à tenir la
fonction, elles ont marqué d'une pierre blanche qu'il y a une
différence profonde et radicale entre les deux genres.
Cela
rappelle à mon souvenir les actions dites de "discrimination
positive" qui marquent “en même temps” (sic), le
fait qu'un "beur" ou un "black" seraient
bien différents du reste de la population, qu'ils seraient, en
l’occurrence, des "minorités perçues". On montre
et renouvelle l'idée que les femmes ne sont pas des hommes, qu'elles
en sont bien différentes et distinctes.
Je
rappelle qu'au dix-neuvième siècle à Paris existait une
discrimination populaire entre les grands blonds et les petits bruns,
ce qui valait pour les auvergnats qui étaient les "bougnoules"
de l'époque. La trace de cette discrimination culturelle a perduré
des années notre "vivre ensemble". Le poète et chanteur
Claude Nougaro en a d’ailleurs fait une chanson.
Le
fondement de la discrimination (quelles qu’en soient les
“victimes”) repose sur des représentations culturelles Ce
sont les mêmes qui continuent à nous “embarquer” dans nos
tentatives de déconstruction.
Plutôt
que d’atteindre cet objectif, nous amplifions le phénomène que
nous voulons voir disparaître. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes
pas capable de lâcher ces représentations et que le mode que nous
retenons habituellement pour déconstruire une réalité réputée
gênante, c'est le combat, la résistance ou le déni.
Nous
disons d’ailleurs "combattre les injustices, les
discriminations". Nous pensons rapidement la discrimination en
oppositions claniques, en oppositions tribales.
Il
me souvient cette très lointaine question ethnographique :
"Pourquoi le catharisme a-t-il pris en Occitanie et dans
nulle autre contrée que cette religions sumérienne a traversé ?"
Parce qu'en Occitanie, elle a rencontré une problématique
sociologique originale. Cette population était historiquement
constituée du maillage de populations matriarcales installées
(Alamans, Visigoth et Ostrogoth) avec un nouvel occupant culturel,
les romains patriarcaux. Les deux populations étaient construites
sur la même répartition des fonctions : les femmes s'occupant de
l'intérieur, du cocon, du doux, de la procréation et de l'équilibre
social, alors que les hommes s'occupaient de la recherche de
richesses et de moyens, de la sécurité et de la guerre.
Aux
premières étaient dévolus : la maison, le quotidien, la
nourriture et le constant ; aux autres, d’être en charge du
dehors, des armes et de l'incertitude.
Ce
qui opposait ces deux types de culture résidait dans le fait de
savoir qui avait le pouvoir : était-ce la guerre ou le domanial ?
Les gérants de l'intérieur ou ceux de l'extérieur ? Les femmes ou bien les hommes ?
La
religions cathare apportait une réponse radicale et définitive.
Comme dans toutes religions chamaniques, il y avait deux mondes
superposés : celui des esprits créé par dieu et celui
physique et matériel. Celui où l'on souffre, où l'on a faim
et soif, et qui a été conçu par les puissances du mal
pour “embêter dieu”...
Ainsi,
le monde qui "comptait", était bien celui
de l'esprit, celui où il fallait revenir. La différence
femme-homme était une différence physique. Ce qui ressortissait
au monde du mal, devenait donc négligeable…
De ce
fait les femmes avaient droit de vote et de discours. Certaines
devenaient des "parfaits", soit des "parfaites",
ces ascètes-sages, érudits et conseillers des grands de ce monde.
Des femmes ont donc pris des fonctions importantes, comme la
direction du monastère de Carcassonne peuplé d'un millier de
personnes. On dit aussi que certains nobles occitans n'ont pas
voulu recevoir les inquisiteurs venus d'Espagne parce que, tout
simplement, ils refusaient de s'adresser à leurs épouses...
C'est
donc par la culture et ses représentations que la discrimination
se résout, au sens propre du terme, c'est à dire que la
différence se dissout dans la culture. Puisqu'il en est
ainsi, proposons, pour commencer, quelque chose de simple et de
concret. Partons de la problématique de base : "Comment aider
notre culture à sortir de ce clivage culturel femme-homme ?".
Il
se trouve que notre langue ne possède pas de mot pour dire à la
fois la femme et l'homme. Nous avons quelques expressions, comme
"l’être humain", quelques mots désignant une partie du
“tout”, comme la "personne", mais rien qui fasse
concept fondamental. Alors je vous en propose un.
Prenons
les deux mots qui s'opposent et se complètent : Homme et Femme.
Gardons pour notre nouveau mots et concept ce qu'ils ont en commun, à
savoir "...emme". Ajoutons lui pour débuter la première
lettre de l'un et la seconde de l'autre et regardons ce que cela
donne.
Nous
avons deux possibilités : "fomme" ou "hemme".
D'un point de vue esthétique et sémantique, le premier ne
représente pas un grand intérêt. Mais le second, si nous le
prononçons à l'instar du mot "femme", prend une couleur
tout à fait intéressante et se prononce comme ce concept qui
désigne ce que nous aurions chacun au fond de nous-même, cette part
de puissance de vie, un peu de la façon dont le pensaient
les grecs.
Dès
lors, nous pourrions désigner en même temps la femme et l'homme par
ce mots chargé de sens, l'hemme. Notre culture s'en
trouverait enrichie d'une dimension nouvelle qui efface la différence
que nous renforçons involontairement dans nos lois et nos combats.
C'est
ainsi par l'effacement de la différence que l'égalité se forge
d'abord dans nos têtes et dès lors, mécaniquement, dans les faits.
Car l'arrêt de la discrimination réclame une modification dans
le comportement de chacun. Et puis, pour renforcer le
propos, considérons que si, dans notre langue, le
masculin devient neutre, voire est aussi le neutre... alors, l'évolution
culturelle peut commencer? Les conséquences heureuses
viendront de surcroît. Tout comme le combat… qui cessa faute de combattants.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 13 mars 2018
Publié le mardi 13 mars 2018
P.S. Il y a quelques années, j'ai enregistré une chansons que j'avais écrite autour de ce concept : "Et si l'hemme était un projet"
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