Selon le Cahier CSA (conseil, sondage et analyse) 2014, 57% des Français pensent que ce qui nous
divise est plus fort que ce qui nous rassemble. Selon le même CSA, dans le même rapport du moment, il existerait cinq
France :
- La France amère, qui
se sent lésée et craint le déclassement social : 31% des Français
- La France libérale
traditionnelle : 25% des Français
- La France du
collectif, qui croit au modèle social multiculturaliste : 22% des Français
- La France en
parallèle, qui compte avant tout sur elle-même : 15% des Français
- La France absente,
qui n’y croit plus et n’attend rien : 7% des Français
Nous sommes donc vraiment dans une période fractale et
multiculturelle de type Post-Moderne... Et si nous regardons les résultats du
premier tour des présidentielles de 2017, nous voyons que 22,23% se sont
abstenus de voter (ils n'y croient plus ou se détournent des modes de
gouvernances), qu'arrivent en tête les deux mouvements bousculant les habitudes
(18,19% des inscrits pour un mouvement hors des partis traditionnels, et 16,14%
pour une extrême droite anti-système), puis 15,16% pour une droite libérale et
conservatrice traditionnelle, 14,84% des inscrits s'expriment pour une refonte
radicale de la république, et 8,45% représentant 7 tendances disparates et
dispersées.
Sans vouloir faire parler abusivement des chiffres qui
disent tout ce que nous voulons sous la torture, nous voyons l'éclatement des
comportements, la disparité profonde des points de vue, du désengagement au
désintérêt, en passant par des envies de chamboule-tout. Peu de personnes
s'inscrivent encore dans les mouvements traditionnels et encore moins dans ceux
traditionalistes que, du coup, l'on entend davantage.
Ceci me fait penser à deux choses :
la première est que nous pensons encore que le chiffre épuise la réalité.
Ceci fait le commerce et la force des sociétés de sondages. Mais nous avons
compris que la réalité ne serait pas là toute entière. Ces catégories sont-elles
pertinentes ? Sont-elles suffisantes à décrire la population ? ... pour décrire
toutes ses tendances ? Nous avons compris que les réalités sont multiples, les
pensées aléatoires et mouvantes, incertaines et "zappables". Les
dernières évaluations prédictives au Royaume Uni et aux Etats Unis nous ont
montré à quel points les "variables" habituelles ne sont plus adaptées aux réalités actuelles.
La seconde est que la société est bien post-moderne, consumériste,
émotionnelle et tribales, comme l'indique le sociologue Michel Maffesoli.
Il s'agit d'une société fractale, composite, pleine de tribus disparates,
ballottée dans des perspectives de jouissances immédiates, alimentées par des promesses de
bonheur et d'héroïsation de chacun par l'objet de consommation. Nous
sommes donc bien en pleine post-modernité.
Les sociétés humaines ne sont plus nationales où l'illusion républicaine
d'une seule langue ne sait plus effectuer le rassemblement. Elles sont de fait sur deux
axes : le local et le mondial (alors que seul le second horizon est porté en référence). Elles sont en même temps et de manière incompatibles dans l'ici et le maintenant post-moderne et le global-total de la modernité. Voilà pourquoi les schémas et modèles
traditionnels ne saisissent plus la réalité de nos organisations. Cette double notion leur échappe.
J'écrivais à ce propos en 2003 (Des postiers et des centres de tri, un
management complexe, L'Harmattan) que les agents des services
postaux avaient une vision binaire : ils considéraient leur établissement d’une part et La Poste en général d’autre
part. Entre les deux, tout n'était qu'un "no mens land", un vide, un
inaperçu. Je constate aujourd'hui que cette représentation se généralise à
l'ensemble des grandes organisations, qu’elles soient en réseau ou pyramidales.
Elle se généralise à toutes nos populations qui débattent d’argument depuis des
aperçus locaux et globaux. Sans la prise en compte de cette nouvelle particularité, ils ne peuvent pas se comprendre. Et ces catégories
traversent les barrières, les frontières tant physiques que morales. Mais peut-être
que je m'égare, après tout... ou peut-être pas !
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 18 juillet 2017
Comme tu le dis si bien, les chiffres n'épuisent pas la réalité. Je donne souvent l'exemple imaginaire de ce citoyen romain qui, en l'an 40 ou 50 après Jésus-Christ, se serait intéressé à cette sous-secte juive: le christianisme. Qu'aurait-il prédit ? Sûrement pas que, quelques siècles plus tard, elle imposerait sa religion comme religion officielle de l'Empire. Ce qu'il y a d'effrayant mais aussi de plein d'espoir dans l'avenir, c'est la surprise. La partition entre le local et le mondial est "constatable" mais nous laisse aux prises avec les grands pouvoirs organisés: les multinationales, le complexe militaro-industriel américain, et surtout la finance des Goldman Sachs et Cie, dont le patron disait il y a quelques années (pour justifier ses gages et ceux de ses collaborateurs): "Nous faisons de le travail de Dieu". L'échelon de l'Etat, du pays, pour peu qu'il s'assument me paraît être le seul rempart contre ces pouvoirs-là.
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