L'engagement en action pour le management des entreprises
nécessite de mettre les mains dans le cambouis. Cela me rappelle le jour de ma
soutenance de ma thèse sur le management dans les centres de tri de la poste.
L'étude portait sur la période de commencement du processus de privatisation
(dès le début des années quatre-vingt-dix). Monique Hirschhorn, ma
directrice de recherche, me demandait si je souhaitais continuer une carrière
universitaire et aller vers l'habilitation à la recherche. Je lui avais répondu
que je ne le souhaitais pas et que je voulais revenir vers les entreprises,
travailler avec elles à l'amélioration de leur management. Je
m'intéressais alors à développer la conscience des managers sur ce que sont
fondamentalement les entreprises et les organisations. Je souhaitais, en cette
occurrence, les accompagner à mieux "se repenser" dans un
environnement mouvant et décisif.
Venant du terrain de l'entreprise, je voulais y revenir. Déjà, des
convictions de pragmatisme et d'humanisme occupaient toute ma démarche
professionnelle. Pour rester conforme à ma pratique de coaching, je voudrais définir ce métier, comme étant
susceptible de « donner à voir » ! C’est ce cap
qui permet à chaque acteur, à chaque dirigeant, mais aussi à
chaque collaborateur, de comprendre et
d’intégrer que leur présence et leur action dans les
organisations, s’avèrent déterminants. Il n'y a pas à
être obéissant. Cela ne sert à rien. Il vaut mieux comprendre ce qui se passe
dans l'organisation et dans son environnement, d'y voir clair et d'agir pour
l'objet que l'on poursuit. Le mien reste l'efficience des organisations :
"Economisez vos gestes ! Ouvrez grand vos yeux et vos oreilles ! Ratissez
large les éléments de votre réalité ! Alors, seulement, foncez !"
Si la démarche fondamentale est celle de l’acuité de son
regard, afin de mieux savoir quelle est sa raison d'être, la seconde est bien
de se positionner. C'est à ces conditions que l'on peut déterminer la place que
l'on choisit, que l'on décide pour soi afin d'atteindre les objectifs de sa
raison d'être.
Comme l'indiquait un journaliste littéraire, à propos de son
propre métier, "Pour détourner un avion, il faut monter dedans". Il
faut s'engager au cœur de la problématique et prendre sa part, toute sa
part, mais rien que sa propre part. Nous avons une partition à jouer pour
réaliser notre œuvre. Pour cela, il est nécessaire de descendre dans la fosse,
prendre son instrument et faire sa part du mieux que l'on croit, du mieux que
l'on peut, du mieux que l'on sait. C'est la foi du colibri (une fable dont j'ai
déjà parlé)...
J'ai rencontré des consultants qui faisaient ce métier pour la
position sociale que le métier représente ou pour les revenus que la fonction
pouvait procurer. Ils ne sont pas trop nombreux, certes. Mais que vendent-ils ?
L'approbation qu'attend le client. Rien de plus !... Ce type de posture se
retrouve dans bien des métiers, dans bien des fonctions. Le pire qui puisse
détourner son action pour la "cathédrale", est de succomber à
l'illusion du pouvoir, à l'illusion des richesses, à l'illusion de la facilité,
à l'illusion de notoriété, de notabilité. Toutes ces chimères le sont parce
qu'elles évitent la raison d'être et son objet.
Un jour, un collègue me dit : "Avec les diplômes que tu as,
tu aurais pu bien mieux gagner ta vie !" Il avait certainement raison.
Mais quelle est la finalité ? Gagner beaucoup d'argent ou accomplir sa raison
d'être ? C'est à dire accomplir le travail pour la mission que l'on s'est
donnée, pour l'objectif auquel on croit ?... Si faire de l'argent est notre
raison d'être là, je renverrai à la réponse du célèbre Coluche :
"Faire du cinéma ou bien voleur rapporte davantage !" Oui, il
s'entend bien que l'escroquerie est bien plus rémunératrice que toutes les
autres réalisations. C'est là l'objet du monde de la pègre et des
mafias de tous ordres. Alors, choisissons son établi, son tablier de
travail, sa place dans l'atelier de la vie. Nous le faisons toujours
en fonction de la finalité que l'on s'est choisie et définie, parce que
ceci est important pour nous. Nous voyons ainsi et aussi que la finalité
"parle" à notre place. Elle dit ce que nous sommes. C'est transparent
et indéfectible.
Le juge de paix que nous nous accorderons est le fait de savoir si
nous sommes fiers, honnêtement fiers, de la finalité que nous avons
choisie pour diriger nos vies professionnelles. Le sociologue
"posturologue" observe que cette posture que choisissent les acteurs
parle plus fort que tous leurs discours sur leur objet et sur eux-mêmes. C'est
là une indication sur l'engagement des acteurs et sur leur positionnement.
Sont-ils bien dans l'avion dont ils souhaitent réorienter le parcours ? En dehors,
il y a les journalistes, les bookmakers, les commentateurs, les indifférents,
les curieux et beaucoup de ceux qui souhaitent voir
l'avion atterrir au terme prévu parce que c'est prévu. C'est tout...
Ce sont là des conformistes qui veulent laisser le monde en l'état parce que,
connu, il semble plus sûr.
Aujourd'hui, je suis devenu une sorte de "grand père"
qui indique à "ses petits" ce qu'il y a devant leurs yeux, sous leurs
nez et leurs mains. Mon action conduit à une sorte d'épiphanie. L'enfant
bénéficiaire regarde devant lui et le grand parent lui "affûte le
regard", lui donne à voir ce qu'il y a là sous ses yeux et qu'il ne voit
pas, qu'il ne distingue pas. Il le lui révèle. Il s'agit de dégager l'objet
singulier de son fond, indiquer ses contours, faire pressentir son sens, sa
présence, son utilité, etc. Pour le bénéficiaire, il s'agit peut-être seulement
de faire le miroir, de réinterroger longuement jusqu'à l’accouchement, jusqu'à
la révélation. Mais pour le grand père, il s'agit de raconter le monde, le
mythe, les choses, juste en donnant à voir, à inviter à regarder les bords du
voile... Et donc, pour "orienter" le regard, il faut être dans
l'avion. Allez, ... on décolle ?
Jean-Marc SAURET
publié le mardi 14 mars 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos contributions enrichissent le débat.