Après ce parcours à travers les variables qui font la dynamique des organisations, et les concepts qui en permettent l'intelligence, nous sommes au moment d'aborder le comment agir de manière efficace et pragmatique sur le management des personnes et des projets. Voici deux approches pour la progression de son management : l'accompagnement interne et le développement systémique.
12 - Les logiques
d'accompagnements internes (militants ou consultants)
Depuis quelques dizaines
d’années, les grandes organisations développent un consulting interne. Dans un
premier temps il s’agissait essentiellement d’une démarche économique, c’est à
dire d’internaliser un coùt constant. La démarche de recherche de développement
d’une organisation toujours plus efficiente est devenue une activité continue.
Par la suite, au vu des avantages et inconvénients du consulting interne
et du conseil externe, il est apparu intéressant de joindre les deux approches
aux les domaines ou situations complexes. En effet, les consultants internes
apportaient une connaissance précise de la culture de l’organisation, de sa
dynamique informelle, tandis que les consultants externes apportaient la
garantie d’une distance d’avec le pouvoir interne et des éléments de benchmark
utiles à la réflexion de recherche d’opportunité, utiles à l’innovation.
La conjonction de jeux de
pouvoirs internes avec une certaine méconnaissance des métiers du conseil a
ouvert la porte de ces organisations à des marchands de prestation plus
affairistes que réellement compétents. Marchands de trucs et astuces ou
psychothérapeutes peu déontologues et/ou en reconversion, ont pris place dans les
espaces de décision. Ils ne se sont d’ailleurs pas
cantonnés dans « l’accessoire », mais bien dans les domaines
essentiels en termes de « comportements et principes ». Ces « chapelles
fermées » se sont, de surcroît fortement orientées « marketing »,
pour leur plus grand… profit !. Le consulting interne qui en a résulté
relevait plus de comportements commerciaux ou formateurs, à la marge, que
du conseil. Les « postures basses », à laquelle invite cette
démarche, ressemblent à la procédure d’écoute du consultant mais reposent davantage
sur l’absence d’une réelle compétence approfondie, que ce soit au niveau du
champ du management que de la démarche de consulting.
Dès lors, on s’interroge sur la
justesse de la posture de nombre de ces consultants internes formés, dans le
meilleur des cas, en quelques journées de séminaires. Sont-ils réellement
des consultants ou des commerciaux d’une démarche importée, des formateurs à
une méthode particulière, voire des militants d’une philosophie singulière de
management ? Le doute est permis. Mais ceci ne retire rien aux véritables
consultants internes, qui se distinguent par la qualité du contenu
qu’ils délivrent, et l’efficience reconnue par leurs clients et
bénéficiaires internes.
Ce risque d’entrisme ne retire pas
non plus la pertinence aigüe de ce type de démarche. L’accompagnement
par un expert du champ investi (Ex. : le management des personnes et des
projets) associé à la pratique de l’accompagnement, permettent aux
participants une appropriation efficace. Le constat vaut pour des actions et
comportements efficients, qui constituent le gage d’une
thésaurisation des bonnes pratiques. Ledit accompagnement favorise un
ancrage local, basé sur des connaissances et expériences pratiques,
des principes et méthodes de management adaptées. Ainsi, le développement de
groupes d’échanges de pratiques s’avère être une méthode d’ajustement, de
développement personnel et de montées en compétence des plus
efficaces. Il repose sur l’immédiateté des réponses selon les problématiques
vécues sur le terrain par les participants, en lien avec une
actualisation permanente et un ajustement aux personnes sensées les mettre en
œuvre.
13 - La puissance systémique de
l'évolution (adaptabilité
et survivances profondes)
La juxtaposition ici des termes
d’évolution et de systèmes pourrait être perçue comme un oxymore. Puisqu’il y a
une dimension homéostatique dans la notion de système, cette capacité à se
maintenir en équilibre quelles que soient les influences extérieures, il
pourrait paraitre contradictoire d’associer système et évolution. Ladite évolution constitue bien un
changement. Mais il y a dans tout système la question de sa finalité : que
vise-t-il et que sert-il ? Pour que nous parlions de système, il faut
considérer que le principe d’interdépendance des parties induit une
multi-causalité. Il n’y a pas, comme dans une organisation linéaire, une cause
produisant un effet mais une conjugaison de causes et de conditions produisant
un ensemble d’effets. C’est la nature des relations entre les différents
éléments ou parties qui font le système. Nous savons aussi que tout système est
dynamique.
Si nous considérons l’évolution
comme finalité du système, alors toute la dynamique homéostatique est au
service de la conservation de cette ligne de marche. Comme nous l’avons vu pour
le système de la nature, rien n’arrête la marche en avant du système.
Si la science, dans son acception
classique, a longtemps considéré que le système de nature est ordonné,
c’est-à-dire qu’il relève d’un ordre immuable, les approches de la
thermodynamique (Cf. le prix Nobel de chimie d’Elia Prigogine en1977) nous
indique que les lois de la nature n’y sont pas réversibles, c’est-à-dire que ce
qui est vrai ici ne l’est pas quelques instant plus tard, ou ailleurs. Il y a
donc dans les systèmes, comme l’indique Edgar Morin dans son approche de la
complexité, de l’ordre et du désordre. C’est bien dans ce désordre que se crée
l’innovation, l’inattendu, le nouveau. Il ne s’agit donc pas, comme nous
l’avons vu précédemment, d’évacuer le mal, ici le désordre, pour le
neutraliser. Il fait partie du système et donc il nous est indispensable de le
penser partie prenante pour comprendre le système. Comprendre n’est pas
maîtriser mais permet le suivi, voire l’accompagnement. C’est justement de
cela, et seulement de cela, dont nous avons besoin dans les systèmes
organisationnels : accompagner les acteurs et la démarche.
Dans les évolutions, désordre et
chaos jouent un rôle fondamental. Affrontements, achoppements, confrontations,
antagonismes, attractions et interdépendances sont les éléments fondant l’ordre
et le désordre. Il ne s’agit donc pas de lire les systèmes en ordonnés ou
désordonnés, ce n’est pas là le cœur de leur dynamique, mais de lire la nature
des interactions entre les parties. Nous redisons la proposition de Serge
Moscovici : « les lois de la nature sont celles que la culture lui
trouve ». Ainsi donc l’ordre serait la reconduction des processus
interactifs alors que le désordre serait la succession de ruptures dans cette
continuité. Cette seule énoncée priorise la continuité à
« l’insuccession ». Elle indique cette dernière comme une rupture du
premier caractère : la continuité.
Or nous savons que c’est dans la
rupture et sous la contrainte que se font les innovations et les évolutions.
C’est donc bien dans les interactions que se trouve la dynamique du système, et ce, d’autant plus que les interactions peuvent entre elles s’opposer, se
confronter, s’achopper, se conjuguer ou converger. Nous avons donc là une
double articulation de la complexité dynamique des systèmes.
Ainsi, dans ces conjugaisons
multiples, deux phénomènes se conjuguent aussi : la reconduction et la
rupture. La reconduction réaffirme et réinstalle des réalités anciennes. C'est bien de cette façon que nous connaissons et reconnaissons les mythes, comme par exemple celui de Sainte Rita qui traversa
trois millénaires. Mais il ne les traversa pas sans changements. C’est là le
second phénomène, celui de l’adaptation, et les confrontations aux évolutions
des enjeux, des croyances, des représentations, des besoins et des nouvelles
contraintes. L’objet qui perdure mute. Ainsi la déesse qui jetait en bas des échafaudages
les maçons parce qu’ils etaient des tueurs d’enfants devient-elle sainte Rita, leur
protectrice et patronne.
C'est bien ainsi que nous nous vivons les
systèmes d’évolution dans la dynamique des organisations. Ils s'avèrent tout particulièrement
puissants et peuvent traverser des temps très longs avec des mutations
continues. Aucune décision, aucun ordre, aucune formation ne vient contrecarrer
la puissance d’un système d’évolution. Si c’est vrai au travers des
siècles, le phénomène se confirme a fortiori sur quelques années, quelques mois ou quelques
jours. En termes de systèmes, ce qui est vrai pour la physique et la chimie,
l’est aussi pour la vie sociale des organisations.
J’ai vu des décisions tomber pour
arrêter la propagation de rumeurs. Que pensez-vous qu’il advint ? …le
renforcement des rumeurs, bien sûr ! On préférera donc, comme évoqué plus haut,
les débats de reconstruction des représentations collectives, leur portage haut et fort ! ...et la qualité de conversations. Esope n'est pas mort.
à suivre : Management 9 - Non management et Conclusions
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 8 mars 2016
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