Comme nous l’avons vu
précédemment, les objets idéologiques "fonctionnent" comme les objets
de consommation, c'est à dire comme des objets de désir identitaires, symboles
de liens sociaux particuliers, tribaux. Le symbole est bien dans son sens
premier cet objet, ce bout de poterie, qui permettait à des gens aux missions
communes de se reconnaître. Le symbole est bien l'objet du lien social et
son sens est celui que la culture lui trouve et que l’imaginaire reconnaît.
Je pense par exemple à
ces couples en désir de parentalité qui, ayant fait appel à la GPA (voilà
justement que le principe s'installe dans le concept, lequel
s'institutionnalise dans un sigle)... Dès lors, ceci existe comme un objet et
non plus seulement comme un phénomène : la critique et la mise en cause
deviennent alors incongrues), réclament aujourd'hui d'être reconnus comme
parents réels de l'enfant ainsi apparu. La mécanique ordinaire de cette
procréation connaît les parents-géniteurs réels, soit le fournisseur des
plaquettes et le fournisseur de l’ovocyte et de l'utérus où se
développe le fétus, futur bébé. Si le père est le même que le géniteur (on sait
la différence et le poids de son importance symbolique), la mère et
la génitrices ne sont pas les mêmes. Si la génitrice se retire
du processus-événement, la mère devra procéder à une démarche d'adoption,
sinon elle sera la belle-mère, la marâtre de l'enfant comme la
culture l'indique... eh bien ce n'est pas ce qui se passe. Le couple récipiendaire de
l'enfant se proclame parent réel de l'enfant. Bizarre ! Finalement ce
serait seulement le désir d'enfant qui ferait la parentalité ? C'est du moins
ce dont la pratique témoigne.
Ainsi le processus est
le suivant : cristallisation du phénomène en concept dans le mot et
donc "consécration" du phénomène en objet de réalité : le
phénomène discutable, analysable, devient du "sacré", du fondement,
du réel indiscutable. Dès lors, le débat n'est plus possible : l'objet existe.
Puis, projection du désir par dessus le phénomène social ordinaire. Il y a là
une substitution de la réalité sociale par de la croyance, de
l' "imaginaire". La duperie est alors complète...
Ouverture...
Nous savons aussi, comme
l'indiquait Serge Moscovici à propos de la théorie des représentations
sociales, que là où il n'y a pas de représentation, tout peut s'y installer
simplement et rapidement, que là où une représentation est installée, sa
modification sera lente et complexe. Ainsi donc, l'éducation culturelle est particulièrement
prégnante. Elle est tout aussi incontournable. Quelle que soit sa qualité et sa
profondeur, quoi qu'elle véhicule comme valeurs et références, la culture est
le fondement du lien social, et la culture dominante aujourd'hui est celle de
l'ultra-consommation (cf. l'article sur la post modernité : "Post modernité
et alternation culturelle : 1 - L'homo consommateur"). Voilà pourquoi la
question de la culture est des plus importante pour l'évolution du lien social,
du vivre ensemble. Les déclarations des valeurs républicaines ne font rien à
l'affaire si elles ne sont pas inscrites dans une démarche culturelle. Je
pense toujours qu'une bonne chanson fait bien plus pour la paix et
la tolérance que toutes les longues déclarations politiques.
Nous voyons donc là que
l'imaginaire fait réalité, que le désir et l'émotion se substituent au réel,
l'investissent pour en faire la réalité "vraie". C'est bien ça qui
participe à l'évolution des liens sociaux. L'imaginaire et l'usage prennent le
pas sur l' "essentiel", ce qui relève de l’essence même, s’il en est
une... Tout de nos identités en dépend aujourd'hui.
Ainsi, actuellement, dans un
monde fractal, tribal et multi-culturel, il se développe un lien social d’une
construction identitaire perpétuellement renouvelée dans l’action. Il s’inscrit
dans une culture du "zappable" et de l'éphémère. Le lien social est donc toujours
provisoire, ajustable à l’aune du désir et de l’imaginaire. Il est jouissif,
inconséquent, synchronique, impermanent. Je ne dis pas que c'est bien ou
mal. Je ne dis pas que c'est mieux ou moins bien. Je dis juste que,
maintenant, c'est comme ça.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 6 octobre 2015
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