L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Penser le monde pour penser le management

C'est en lisant les dernières pages du Dialogue de François CHENG, qu'il m’est venu cette réflexion. Penser le monde consiste à lui attribuer une forme, et une structure (un monde sans structure n’existe pas car il n’est pas « captable » par nos têtes). Il y a, selon François CHENG, deux structures à penser le monde : une structure échafaudée et une structure constellée. Je comprends alors que la première possède sa propre référence à lire en elle-même (l’échafaudage), et que la seconde implique des variables extérieures pour se lire.
Comme pour une carte constellée de villages, de collines, de cours d’eau, de zones boisées, etc., le lecteur a besoin d’orientation (la rose des vents) et d’échelle. Ce que nous appelons le sens et la mesure. Si la première structure rend possible une lecture directe sans effort (même si l’échafaudage est complexe), la seconde demande réflexion. La tendance est donc à réduire la seconde à la première, soit à extirper un échafaudage de la seconde, quitte à forcer le moule. Je pense à cette histoire humoristique où la personne rentrant de nuit à son hôtel, perd ses clés sur le parking mais les cherche devant le hall parce que là, au moins, il y a de la lumière…


Deux choses reviennent alors à ma mémoire : la première est le partage culturel que l’occident fait des postures mentales masculines et féminines, les prêtant même à la génétique (des travaux en neuropsychologie publiés par l’université de Yale en 95 montrent que ces différences perçues sont culturelles). L’une féminine relèverait de la structure échafaudée où le chemin est une succession d’objets faisant balises, ossature des procédures. L’autre masculine relèverait de la structure constellée faisant appel à des référents extérieurs d’orientation et d’échelle (la carte). On peut aisément épiloguer sur ce thème.
La seconde chose qu’il me souvient est l’opposition culturelle entre une pensée « scientifiste » et une pensée humaniste. La première n’est pas la démarche scientifique mais son ersatz. Fille d’un saint-simonisme populaire, cette approche pose que le monde est structuré par lui-même, comprenant ses règles et ses lois, donc « échafaudé » de fait et qu’il suffit de le lire pour le connaître (mais le monde n’est pas « Le Monde », dans le temps édité à 17 heures). La dictature du chiffre et la pensée unique en sont des conséquences.



L’approche humaniste pose que le monde est la collection des objets que j’y vois (et non qui y seraient a priori). La constellation des objets du monde a, pour être lue, besoin de sens et de mesure lesquels sont consciemment perçus comme des outils externes et arbitraires pour le « con-prendre ». Cette approche à conscience des disparités culturelles et personnelles des échelles.
Je repense à cette différence que faisait l’ethnologue Claude RIVIERE entre la pensée occidentale, issue des religions du livre, qui pense le monde en collection d’objets au service de l’être humain, finalité de l’univers, et la pensée chamanique, historiquement systémique, qui pense le monde en système : la relation d’éléments corrélés.
La question alors est de savoir s’il faut « découvrir » le sens caché des choses et leur mesure (cf. le mythe de la caverne se Platon) ou savoir que nous posons sur le monde nos échelles échafaudées dans nos cultures (cf. le constructivisme de Paul WATZLAWICK) ? A ce propos, Serge MOSCOVICI écrivait que « les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve ».



Dans la dynamique humaine, outre les objectifs de réalisation que les têtes (chefs) d’organisations définissent, la question de l’échafaudage (structure hiérarchique) vient se frotter à celle du sens et de la mesure. Dans la première approche, les décideurs savent et sont légitimes à savoir, donc ils décident et indiquent chemins et modes de faire. Dans la seconde approche, c’est chacun des acteurs qui est porteur de l’échelle pour « con-prendre » l’objectif et sa réalisation. L’élaboration des solutions (modes de faire) est, ici, dans le débat. Ailleurs, nous appelons légitimement cela de la démocratie. Ici, la question du sens et celle de la mesure « structurent » le lien social, habitent l’être ensemble. C’est alors de cela dont s’occupe le management.

Nous comprenons alors que le management basé sur le sens, les raisons d'être (de l'organisation, du service, de l'atelier et de l'acteur), soit d'une efficience forte. C'est bien ce que nous appelons un management humaniste, développeur des autonomies fertiles.
Ainsi donc, la question philosophique  « C’est quoi la réalité ? » est bien la question première, et constitue l'aspect le plus fondamental de nos organisations. La question ontologique précède nos organisations. Alors, je me demande si la culture qui l’évacue comme une « intellection inutile » n’appartiendrait pas à cette culture « scientifiste »… "Quelque esprit malicieux auraient pu lire alors panser le monde", me suggérait l'un de mes bons amis. Et la boucle est bouclée.

Jean-Marc SAURET
publié le mercredi 22 janvier 2014



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos contributions enrichissent le débat.