Le monde se complexifie. Le lien social bouge, mute sous les effets pressant de
l’ultra consommation. La post-modernité, hyper-modernité, Génération Y,
alter-consommateurs, alternants culturels, l’après modernité, sont autant de
termes ou concepts, souvent mal maîtrisés et mal utilisés, qui nous disent que le monde a changé. Et ce monde est dans
nos organisations.
Manager aujourd'hui les personnes et les projets dans cette
nouvelle complexité relève toujours de la combinaison harmonieuse des sciences
de gestion et des sciences humaines. Décideurs et consultants s’accordent
aujourd'hui à dire que le management est une science dont l’application est un
art. Quatre vingt pour cent de notre management est aspiré par un travail
relationnel, de compréhension, de communication, d’articulation des acteurs, de
gestion du sens…
Les
symptômes de l’autorité et de la compétence n’ont plus la même figure qu'hier.
Les leviers d’un « vivre ensemble » au travail sont radicalement
nouveaux. Les logiques d’honneur, les identités, la dynamique d’organisation
ont radicalement muté. La leçon ne passe plus, le zapping répond à la
contrainte, l’évitement subroge l’affrontement, la violence surgit de nulle
part, la concurrence s’articule avec les systèmes de coopération. Enfin, le jeu et
le plaisir ont une place légitimes au travail.
La
souffrance par contre y est une insupportable réalité. Il faut l’éradiquer
quand, il y a encore trente ans, elle était acceptée par nature comme inhérente
aux métiers, au travail lui-même, même à « l’être au monde ». Par
ailleurs, elle n’a jamais été aussi intense qu'aujourd'hui. Les risques
psychosociaux sont des préoccupations de santé au travail au moins égales,
voire supérieures, à celles des traumatismes musculeux squelettiques.
...vers une autonomie fertile des acteurs.
La question de la motivation a remplacé celle de l’obéissance. L’ordre a été
remplacé par l’organisation. Le ludique fait son apparition dans le management
et la question du sens et des valeurs émerge comme un manque à combler, comme
une impérieuse nécessité.
Après
« l’homo scientificus », un homo émotionnel à l’identité complexe,
affirmée dans l’agitation d’un actionnisme désordonné, se nourri d’informations
dont les prothèses communicationnelle nommées TIC le gavent jusqu'à
l’addiction. Il s’agite sous l’impulsion de cascades d’informations, ne prenant
plus le temps de la réflexion, et pourtant…
Le temps
de prendre du recul, de se poser un moment, de s’élever par l’observation, le
partage et la réflexion revient dans nos vies. C’est le retour d’un homo
hédoniste qui se glisse peu à peu dans les failles d’un système marchant et
financier. Le ludique, le savoureux, le pragmatique empreints de réflexions
humanistes, voire spiritualistes, viennent caresser l’humain en chacune et
chacun.
Alors, faire la pause, rencontrer l’autre, partager simplement, choisir ses outils, se rendre compte que nous ne sommes pas seul, trouver et co-construire des réponses pragmatiques à des problématiques quotidiennes, deviennent des activités ordinaires des acteurs du quotidien et donc des managers d'aujourd'hui. Cela s'exprime dans ce besoin accru de développer pour soi une autonomie fertile servant la réalisation de ses œuvres.
Ainsi
donc, au delà des formations aujourd'hui moins adaptées, ce sont les groupes
d’échanges de pratiques (GEP), les groupes de parole métier, la logique de
réseau, qui répondent le mieux au besoin d’évolution, d’élévation, de
« grandissement » personnel et professionnel tant chez les managers
que chez leurs collaborateurs. La formAction est préférée au conseil. Le
consulting interne s’installe dans les organisations. Le développement
personnel est un sujet professionnel. Le projet de vie est travaillé en
formation des dirigeants.
D'autre part, le bien être au travail est un champ connexe à la réalisation des
objectifs de production. Réussir sa vie passe avant la seule réussite
professionnelle, même si elle s’y connecte. Aussi, les logiques de
territoires sont supplantées par des logiques d'autonomie, de confiance et de
responsabilité réclamées pour mieux faire. Oui, les logiques d'autorité se sont
déplacées de la légitimité (les gallons cousus sur la bras gauche) vers la
capacité de contribution. Quelle facilitation j'apporte ? ...m'apporte-il
(-elle) ?.
Combien de
managers en grandes entreprises choisissent la conduite d’un gîte rural,
l’expérience d’un artisanat ? Combien d’Erin Brokovitch ? Même les
publicitaires se sont emparés du thème… Si la société enregistre le retour de
la valeur humaine, pourquoi ne serait elle pas déjà dans nos organisations,
dans la peau des acteurs ?... L’immédiate dictature du chiffre achoppe sur
les dynamiques d’organisation, sur les intelligences collectives. Aujourd'hui
une nouvelle lutte de classe s’installe entre le monde de la création, de la
production et celui du financement, de la bourse.
Le manager
aujourd'hui ne veut plus perdre son temps à courir. Il souhaite comprendre
vite, faire mieux et prendre du plaisir. Il butine, zappe, expérimente,
revient, réfléchi et produit. L’outil dont il a le plus besoin n'est pas un
outil près à l'usage mais celui qui lui permettra de comprendre simplement. La
réflexion lui apporte les réponses pragmatiques aux questions qu'il se pose au
présent, du plaisir à faire, une adaptabilité à ses attentes immédiates,
une maniabilité de concepts de suite « articulables » au réel. Il
veut mieux comprendre au plus vite pour décider et agir vite. Agir, faire,
c’est ce qui le fait se lever le matin.
Lors de mes conférences, je tente d'apporter ce regard nouveau qui veut être lucide sur cette
"non-crise" mais monde nouveau, mouvant, incertain, impermanent,
instable, mutant... Lors de mes accompagnements, nous mettons tout cela en ligne, à sa place, près à l'usage.
"Vous
êtes très pressés ?" disais-je un jour à l'un de mes clients, "Alors
peut être faut-il prendre le temps de préparer". C'est vrai qu'entre réparer et préparer, il n'y a qu'une lettre de
différence. Sur le Scrabble du management, elle tombe à chaque fois sur la
case Mots compte triple.
Il se pourrait bien qu'il nous faille trois fois plus de temps pour réparer ce
que nous n'avons pas préparé". Et si ce "P" était le même que celui de penser, prospérer, perpétuer...
Jean-Marc
SAURET
Le 25 octobre 2013
Lire aussi : "Notre vision guide nos gestes"
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