Le
discours économiste et gestionnaire des dirigeants en France ces
trente dernières années met l'accent sur le développement des
marges et l'économie des coûts. Il n'y a là aucune chance de
donner aux employés l'envie d'être là, de contribuer à l'action.
Sumantra GHOSHAL écrivait avec Christopher BARTLETT en 97 dans The
Individualized Corporation
(« L'entreprise
individualisée » est publié en français en 98) que la
première mission d'un patron aujourd'hui était de donner à leurs
employés de la fierté à travailler avec eux sur leur projet.
Plutôt préoccupés à faire de l'argent, nous en étions
effectivement très loin.
Les
employés en France ont alors pris de la distance avec leurs
organisations, séparant leur activité professionnelle de leur vie
personnelle. Sciemment j'utilise les termes de « activité »
et « vie » représentant bien la nature de cette
séparation. Quand le travail était identifiant et réalisant depuis
le moyen âge jusque à la fin des années cinquante, depuis les
employés puis les ouvriers trouvent le champ de leur propre
réalisation personnelle en dehors du boulot.
Le
temps a bougé et effectivement nombre de patrons ont bien compris
qu'il importait de donner du sens à l'action, de reconnaître les
acteurs du projet qu'ils dirigeaient. Leur discours est donc parti
vers les registres du sens et de l'empathie. Seulement, face à des
contraintes de marché de plus en plus dures, face aux restrictions
des ressources, leurs pratiques managériales se sont retaylorisées.
Était-ce
la bonne solution ? Certainement pas et nous l'avons vu dans un
précédent article traitant des visions des organisations mécanistes
ou en équilibre impermanent.
L'effet
a donc été pervers car, si le discours institutionnel donnait du
sens et de l'empathie, la pratique managériale, elle, tenant de la
procédure et du résultat financier, donnait une couleur
gestionnaire et administrative. On peut dire, en fait, que ce
management a mis les moyens en objectif, perdant de vue la cathédrale
à construire.
La
césure entre le discours institutionnel et les politiques
managériales fait sens à leur insu. Les employés, qui ont les
mêmes neurones que leurs patrons, même s'ils peuvent parfois
manquer de mots pour le dire, ont bien vu et compris cette dichotomie
(nous l'avons maintes fois entendue déclarée dans les discours
revendicatifs). Dès lors, le discours officiel plein de sens et
d'empathie est perçu comme une supercherie et la confiance
s'effondre.
Voilà
pourquoi, nombre d'employés n'ont pas confiance dans leurs
dirigeants. Reste à ces derniers à redresser, non pas leurs
discours, mais leurs pratiques. Il est vrai qu'il nous est parfois
arrivé, à nombre d’entre nous, d'avoir, dans la vie courante,
déclaré des valeurs et pratiqué d'autres. Cette dichotomie n'est
pas une anomalie mais un ordinaire. Ainsi, par exemple, l'Abbé
Pierre reprocha-t-il aux catholiques d'aller à la messe le dimanche
et de perdre leur charité en en sortant. Quelques journalistes
politiques on marqué les différences entre les discours de campagne
et les pratiques locales.
Ajuster
nos actes à nos paroles est un vieux thème moral. Il nous reste du
chemin à parcourir qu'un peu de temps d'introspection, pourquoi pas
accompagné, raccourcira.
Jean-Marc SAURET
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