L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

"Pourquoi je souffre au travail ?"


La question du « Pourquoi je souffre au travail » ne s’épuise pas dans l’étude des « conditions de travail » et son ergonomie, ni dans une réponse sibylline ou laconique du type « Parce que le travail est étymologiquement souffrance et que l’on doit souffrir pour survivre ». Cette allégation moderne n’a plus de prise sur notre réel. La réponse se trouve peut être plus profondément encrée dans notre rapport actuel au monde plus que dans les habituelles conditions matérielles, mille fois invoquées, mille fois traitées et pourtant rien ne semble avoir changé.
Si la modernité considérait la douleur comme un élément ordinaire et corollaire de la marche vers la qualité, l’important ou le raisonnable, la postmodernité n’en a cure. Nous n’avons rien à faire de la douleur. Elle nous est aujourd’hui anormale, hors du temps, insupportable. « Souffrir au travail ? Plus jamais ! ». Ne souffrir nulle part, d’ailleurs.
Et pourtant en juin 2011 des milliers de manifestants descendent dans la rue crier leur nécessité de quitter le travail dès soixante ans car il leur est important de pouvoir se reposer, enfin souffler et profiter de la vie arrivé à cet age, seuil du travail et de la souffrance. Mais quelle est cette société qui pense le travail en douleur ? Pourquoi le travail ne serait-il pas réalisation de soi comme l’indique la plus haute marche dans la pyramide de Maslow ? Et si Fourrier disait vrai quand il dictait que ce qui devait diriger nos orientations au travail serait le plaisir et le goût. Fourrier serait-il en son temps un « pré post-moderne » ?


De fait, la question de notre rapport au travail n’est pas complètement dans les conditions matérielles. Elle n’est pas dans l’environnement lui-même, le contingent, mais dans notre propre rapport que nous entretenons à lui, dans ce que nous y mettons. Je m’explique…
Si je me pense devoir être le premier de la classe et que je ne le suis pas, je souffre. Je souffre peut être au point que la situation devienne inacceptable. Et si elle est inacceptable, il y a de fortes chances que ce soit la faute du monde entier. Mais nous savons bien, alors, que le monde entier n’y est pour rien et que seule est en cause mon ambition : il suffit que je lâche prise et tout va déjà mieux.
Si l’exemple est spécifique, sa structure me parait universelle : si je suis heureux de ma situation et si je souffre de la même situation, cela dépend d’abord de ce que j’en attend, de comment je m’y projette. La satisfaction et la souffrance dépendent de l’écart entre l’idéal et le vécu. L’appréciation de tout le contingent en dépend.
De toute chose, nous nous faisons une idée et mécaniquement nous tendons vers elle : elle nous fait un repère, un but, un cadre. Si l’expérience vécue sort du cadre, il y a de fortes chances que je sois perdu et que j’en souffre. Un architecte de mes amis me faisait remarquer un jour sur sa profession et les guéguerres de corps : « Un décorateur d’intérieur qui aurait voulu être architecte est un raté. Mais un architecte qui aurait voulu être décorateur d’intérieur est aussi un raté ». La remarque me parait fort juste.


Cette vision projetée de son idéal à vivre fait office de juge de paix de son identité. Ce ne sont plus les remarques obligées ou bienveillantes que j’entends de mon entourage qui me touchent mais l’écho qui résonne sur cet idéal à vivre : « Oui, ils disent ça pour me consoler. Je les hais… ».
Comme nous l’avions vu précédemment, nous pouvons redire là que la question de l’identité, de la sensation de soi, est au centre de notre « être au travail ». Cette identité détermine toute notre action et toute notre vision de nous dans ce monde. C’est bien la représentation culturelle de soi dans le monde, et donc de soi au travail, qui nous place dans une posture de vie réalisante, excitante ou désolante, voire insupportable.
Le (la) marin, qui se rêve marin depuis toujours, doublant le cap Horn dans des conditions épouvantables se voit vivre un moment exceptionnel de toute sa vie d’humain. Et même si les conditions sont plus que dure, son idéal de soi est comblé : il (elle) jubile « je l’ai fait ! ».
Je ne suis pas sûr que quelques galériens forcés de parcourir les mers aient eu le même sentiment en passant le détroit de Gibraltar…
Quand la « lecture » que nous avons de ce que nous vivons exalte nos phantasmes, nous exultons. Notre moi se trouve comblé, renforcé, réalisé. Tout le contingent est dérisoire. Quand notre « lecture » de ce que nous vivons s’oppose à nos rêves et aspirations, alors tous les malheurs du monde nous semblent nous tomber dessus et nous souffrons de tout et du contingent.


C’est donc premièrement notre identité au travail, comme l’évoquait Renaud SAINSAULIEU, qui constitue notre être au travail, bien être ou souffrance. Les conditions sont alors lues comme négligeables ou insupportables. Mais ce qui est exaltant ou insupportable d’abord c’est notre rapport au monde. Christophe DEJOUR montre bien dans ses cours au CNAM et dans ses conférences que la latitude que nous avons à organiser notre action, à mettre la main sur la décision, soit notre niveau d’autonomie, détermine si nous souffrons ou pas de notre travail. Cette confiscation de la décision fait que ce que nous faisons ne nous appartient pas, n’est pas notre champ, que nous en sommes exclus et donc, niés, nous souffrons. Là aussi la question de l’identité au travail est première.
Mais si ce que je fais est ce que j’ai rêvé de faire et si je suis maître à organiser mon action comme le vieux loup de mer, alors j’ai toute les chances de trouver ma charge légère et le plaisir de faire.
Tout ceci nous semble alors tellement évident... Mais le changement ne se décrète pas. Il nous reste à produire ce progrès organisationnel. Il me semble qu'il passe d'abord par la réflexion  partagée dans l'organisation dans une articulation d'acteurs internes et externes. Mais ceci s'organise.
Jean-Marc SAURET

1 commentaire:

  1. Ces lignes pertinentes m'ont rappelé une page d'Edgar Morin sur l'amour conditionnel et l'amour inconditionnel. L'amour conditionnel, comme son nom l'indique, c'est: "je t'aimerai si tu fais ceci ou cela". Selon ce que la personne a perçu de l'amour de ses parents, elle aura une relation à elle-même juste ou biaisée, contraignante ou épanouissante. En outre, les animaux sociaux que nous sommes ont beaucoup de mal à braver le regard des autres qui nous impose en quelque sorte de réussir selon l'esprit du temps...

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