Je me souviens avoir enseigné le management en grandes écoles et universités. A l'époque, j'affirmais que la question du sens était au cœur de celle du management. Mais je comprends aujourd'hui que ce n'est pas le seul domaine où cette dimension s'impose comme centrale et incontournable. Donner du sens à sa vie, à soi, à son existence, au monde qui est là, à ce qui nous arrive, est au plus profond de nos nécessités. Et pour cela il importe de rattacher ce sens à ce qui est plus grand que nous, à la transcendance du monde. Faut-il encore concevoir, imaginer ou reconnaître cette transcendance ? Est-elle au cœur de nous même ou extérieure à nous ? Premier point, sur lequel il est bon de s'accorder : la transcendance, et sa définition. Opposée à l’«immanence», ce terme désigne ce qui dépasse “absolument”, et est d'une autre nature qu'un domaine de référence déterminé. Au Moyen Âge, ce terme qualifie “dieu”, et se confond avec l'absolu. Plus prosaïquement, la transcendance peut se définir comme notre dimension intérieure “réalisée”.
En revenant, nous pouvons affirmer que, fondamentalement, il n'y a de réalité que mon rapport au monde. La "chose" ne préexiste pas à ma relation à ladite chose. L'objet est mon rapport à la chose. Comme l'écrivait Schopenhauer, la réalité est un objet pour un sujet qui la regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparaît. Comme le précise la physique quantique, c'est l'observation qui détermine l'objet.
La vie n'est pas ce qui nous arrive, mais bien tout ce qui “démarre” à partir de nous, et donc de nos perceptions. Il s'agit bien, ici, d'inventorier ce que nous projetons depuis nos désirs, nos attentes et notre conscience. Ainsi, convient-il d'avoir déjà le courage de nous voir tel que nous sommes… Complément indispensable, il nous faut aussi savoir nous accueillir, nous accepter, nous aimer, tout en favorisant ce nécessaire “laisser faire”. C’est ce même “lâcher prise” qui va permettre à la vie de se réaliser vraiment.
Le monde occidental néolibéral et matérialiste, tel qu'il “est”, ne connaît et ne reconnaît que ce qui se touche, se mesure et se compte. On peut y associer une ignorance profonde de la puissance de l'esprit et des dimensions symboliques ou imaginaires. Dommage qu'en plus, cette ignorance le rende prétentieux, enfermé dans les croyances et les certitudes d'un monde limité, sinon “fini”...
Ce que je constate du monde n'est que le reflet de ma vision intérieure. Penser créée ! Ce que critiquent les gens c’est nécessairement une part d'eux-mêmes. Ce que l'on condamne donc, s'installe contre soi, en opposition et en résistance à nous-mêmes. De la même façon, ce que l'on souhaite ou “bénit”, va arriver et se produire... En fait, tout ce que l'on vit et ressent au cœur de soi se manifeste. Arrêter de "réagir" (cerveau reptilien) pour "répondre" (état de conscience), voici comment passer de la réaction de peur à la réponse lucide. Voilà qui constitue un “projet d'être” !
Notre imagination est un dieu créateur opérant en nous, à travers nous et pour nous, dans la mesure où l'imagination crée la réalité. Il n'y a aucune distance entre le désir et sa manifestation. Le pouvoir de la réalisation est dans la conscience de la présence. Sois là, juste là, présent et conscient de ce qui se passe, de ce qui est. Imprègne toi de cette présence, et tu sauras ce qu'il va advenir... Pour ce faire, ressens la réalisation achevée. On est, et devient alors, la porte ouverte par où tout afflue dans notre vie. Comme certains l'ont déjà dit : tout est accompli.
La pratique des trois portes consiste à imaginer bien présente la porte du présent ouverte sur le passage des bienfaits, la deuxième fermée : c'est la porte des méfaits ! Quant à la troisième, elle est ouverte en grand ! C'est là que l'on retrouve la porte des désirs réalisés. Eh oui, elle est déjà grande ouverte, et vous l'avez passée dans un état de grâce accompli, sans même y penser. Nous voilà en pleine gratitude, car, à ce moment, tout est réalisé... C'est à partir de là que je décrète la réalité telle que je la conçois. Je suis ce que je suis.
Dans mon village quercynol, nous nous retrouvons à quelques-uns autour d'un verre, plusieurs fois dans l'année pour réfléchir ensemble à ce qui nous occupe ou préoccupe. Nous appelons ce moment "L'atelier des pensées". Un moment, dans l'après midi, durant environ quelques demi-heures, nous traitons librement de ce qui nous dépasse, comme "l'amour", "La peur", "Le bonheur". Ce peut être aussi le "Vivre ensemble", "La mémoire", "Les croyances", "Pourquoi accepter la différence", "bien vivre son rapport aux autres", mais aussi "L'IA", "La démocratie", etc. Il n'y a pas de compte rendu. C'est juste un partage pour ceux qui sont là. Ici, personne n'a raison ou tort. On partage, on réfléchit ensemble, et ce qui nous dépasse est donc bien identifié, sous la forme suivante : “ce que nous sommes encore capables de… produire !”... D'où cette question de “sens”, qui ne me lasse jamais, voire nous laisse pourtant… “interdit” !



