"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Sur cela, nous avons la main et c'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

A propos de "loi d'attraction" (21 10)

J'entends beaucoup l'idée qu'une loi de l'attraction régirait notre fortune ou notre pauvreté. Le phénomène serait placé sous l'influence de nos propres intentions, émotions et pensées. Mais cette approche utilitariste ne dit absolument pas ce dont il est véritablement question. La promesse consiste à donner à quiconque le moyen d'une opulence certaine. Beaucoup s'y exercent mais comme ils le disent, avec peu de succès, hélas. Alors la question qui arrive est : "Qu'est-ce que je fais mal ?" Cette situation mérite quelques réflexions...

Le seul fait de se poser cette question nous indique que ces pratiques relèvent une foi de plus d'une méthodologie matérialiste, d'une "mécanique" moderne. On répare l'univers de la réalité comme on répare sa voiture, le moulin à café ou le chauffe eau. Mais en matière de réalité il s'agit d'un tout autre paradigme.

Nous savons, grâce aux publications sur l'approche de la physique quantique, que nos pensées influencent la réalité que nous vivons. Ici, la place de l'observateur est aussi patente que décisive. C'est ce que l'observateur observe qui se révèle et se manifeste. Alors, le quidam entreprend de maîtriser sa pensée, de se forcer à visualiser ce qu'il espère. Et, apparemment, ça ne marche toujours pas... L'objet de notre désir, qu'il soit affectif ou matériel, n'est toujours pas là. Mais allons plus avant.

Comme l'indique et le propose le conférencier canadien Eckhart Tolle, la méditation ne consiste pas en une tentative improbable d'arrêter ses pensées mais à considérer l'observateur desdites pensées, c'est à dire le "soi pensant", une posture conséquente de l'approche quantique. De ce fait, la présente démarche s'avère ainsi bien plus simple et tout à fait facilement réalisable sans effort. 

En effet, méditer ne constitue pas une pratique ni fastidieuse, ni complexe, mais en un laisser faire simple et rapide : "je suis celui qui regarde penser" et comme le présentait Karl G. Jung, les pensées se délitent et s'estompent pendant que la sensation d'être s'installe plus fortement encore en "toute présence".

Ainsi, dans cette posture, le méditant s'installe dans une parfaite présence avec une complète sérénité. Il réalise alors sa posture d'observateur et commence à vivre en lui-même la résonance de la démarche. Il a lâché les préoccupations douloureuses (ou pas) de ses pensées, de son manque ou de ses frustrations et "se rencontre en paix".

Est-ce que le cœur de ses pensées était si important ? Du moins il l'a lâché et ne s'en préoccupe plus. C'est peut être là l'essentiel de sa réalité, après tout. En lâchant l'objet de son désir, l'acteur lâche aussi sa frustration de ne pas l'avoir encore. Il lâche la tension vers le succès, le gain, la réussite. Et c'est certainement là le plus important avec le fait de comprendre ce qu'il recherche vraiment dans cet acte méditatif.

Nous rejoignons là le point du lâcher prise comme le point de convergence de toutes réalités et sagesses modernes ou anciennes. Car il ne s'agit pas en l'espèce de changer le monde mais plutôt de se changer dans le monde. Cela ne veut pas dire que nous sommes impuissants à agir sur ce monde comme si nous étions chacun distincts du monde dans lequel nous vivons, mais bien de le laisser se développer et faire en toute sagesse puisque nous sommes chacune et chacun partie intégrante de la sagesse du monde, parcelle totale de la conscience universelle. Ceci rejoint la pensée bouddhiste que la vague est l'océan et que tout l'océan est dans la goutte.

Ainsi, forcer pour obtenir ceci ou cela, prier ou pleurer pour atteindre tel ou tel champ ou niveau, se révèle être parfaitement absurde. Prier ou pleurer pour obtenir quoi que ce soit marche contre soi-même puisque, selon ces diverses sagesses, nous sommes de ce grand tout, de cette conscience universelle. Il s'agit de redevenir partie intégrante de ce grand tout et de lâcher prise pour que le meilleur se réalise. Ce meilleur qu'a pensé la conscience universelle que d'aucun nomment dieu.

Je me rappelle ce passage des évangiles où Joshua, dit Jésus, indique dans son sermon sur la montagne que "le père" s'occupe de nourrir les oiseaux du ciel, de vêtir les lys des champs et qu'ils n'ont pas à s'en soucier. Si ce fameux "le père" est bien nous-mêmes, et donc cette conscience universelle dont nous sommes, alors nous savons que tout est prêt pour que le meilleur se passe. C'est ainsi que toute action volontaire pourrait bien aller à l'encontre de cette réalité déjà pensée, structurée, prévue et déjà là.

Ainsi, la meilleure des prières est bien de contempler ce qui est là, ce qui se passe sous nos yeux. Car, comme nous le savons aussi, il n'y a qu'un seul temps, le présent dans lequel passé et futur se mélangent, et sont déjà et encore là. Nous savons aussi que, comme nous le précisent bien des sagesses du monde, rien n'est séparé, que tout est interdépendant, que tout est "un". Alors, lâcher prise et contempler, ou observer ce qui se passe, est notre meilleure contribution "mécanique" à la réalité.

Voilà une belle opportunité pour revenir sur la pensée de saint Thomas, quant il affirmait qu'il ne croit que ce qu'il voit. C'est bien l'inverse de ce qui se passe : nous ne voyons que ce que nous croyons, et peut être est-ce là le point focal de l'attraction dans la puissance de notre conscience. Dit autrement, nous allons retrouver là toute "La puissance de la pensée imaginaire" *....

Jean-Marc SAURET
Le mardi 21 octobre 2025

* https://jmsauret-managerconseil.blogspot.com/p/ouvrages-publications.html


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Ce qui est au centre de nous-même (14 10)

Il y a toujours, et en permanence, quelque chose qui nous occupe, nous préoccupe et dessine le présent que nous vivons. Positifs ou négatifs, ces éléments sont des soucis, des espérances, des joies, des amours, des craintes ou des peurs. Elles constituent des préfigurations de ce qu'est notre vie. Ces préfigurations, en même temps, colorent nos réalités. Elles font et structurent notre vie quotidienne. Ce qu'elles sont nous vient du cœur, de notre vibration à l'univers. Et donc, sur elles, nous avons la main, nous pouvons tout. Qu'attendons nous pour que notre monde soit beau, paisible et heureux ?

Pour ce faire, nous connaissons bien des méthodes qui nous aident : elles sont légion. Nous avons tout d'abord connu la confiance en la vie parce que nos parents et nos proches nous ont câlinés, protégés, accompagnés,... quoi qu'ils aient fait par ailleurs. Et puis nous avons appris la méthode du docteur Coué. Elle nous invitait à prononcer des pensées positives, à les répéter jusqu'à plus soif. Et ça marchait...

Et puis nous avons découvert la vie en groupe, à l'école puis au travail. Cette vie de groupe portait une culture, une pensée sur le monde et la vie. Elle était partagée et globale, et nous nous en sommes nourris. Oui, nous savons que l'environnement fait partie intégrante de nous-même. Et puis, venons aux expériences personnelles : comment les avons nous vécues, quand elles sont venues prendre place dans ce monde coloré qui nous attise. Ces expériences nous occupent, nous préoccupent et parfois nous passionnent, nous emportant dans le "flow" de notre vie. "Viens manger, Jean-Marc !" ; "Oui, oui, j'arrive..." et plusieurs minutes après, nous ne sommes toujours pas à table, emportés par ces représentations qui nous occupent pleinement.

Quand j'étais adolescent j'avais une amie, Isabelle, dont la présence m'enchantait. Je la vois encore avec sa robe légère et fleurie qui voletait quand elle courait. Dans cette période, je passais mon temps à attendre le moment où nous serions de nouveau ensemble. Et quand nous étions alors ensemble, toute mon attention était captée par sa présence qui m'enchantait. Elle était ma préoccupation constante...

Et puis vint ce temps où je découvris mes capacités à courir longtemps, pas vite certes, mais avec une redoutable endurance. Mon poids très léger m'ouvrait à cette possibilité. Je vivait cela comme la "revanche du maigrelet". Alors, j'organisais à l'école des entrainements avec trois copains qui aimaient ça. En fait, ils couraient pour moi, se relayant à m'accompagner sur quelques tours de cour. Mon activité consistait à être sûr de toujours arriver le premier. Et j'y arrivais, tout en prenant des paris que j'honorais avec joie !

Ma plus grande fierté a été, plusieurs années durant, lorsque nos éducateurs organisaient pour nous les "jeux olympiques de l'école", de faire remporter la coupe à ma classe. C'était à l'occasion de la course de fond qui faisait concourir tous les élèves de l'école. Je dominais allègrement face à des concurrents bien plus âgés et aguerris... Il me souvient que c'était, comme dans un rituel, toujours mon copain Yves qui arrivait juste derrière moi, "mon l'éternel second". Cette qualité me conférait un statut singulier.

Voilà quelques scénettes dont bon nombre de personnes auront fait l'expérience sur des sujets et dans des circonstances diverses. Les effets et conséquences sont bien d'essences similaires. Chacune et chacun retrouvera là ses propres aventures avec sa préoccupation du moment.

Je compris assez tôt que ce qui nous occupait était comme une identité supérieure qui orientait nos efforts et nos vies. Je compris bien plus tard qu'il s'agissait là d'un processus sur lequel nous pouvions avoir la main, ce qui nous offrait un sac de perspectives heureuses. D'abord j'associais cette pratique à l'effort. Je n'étais, en l'espèce, que la "victime" de ma culture matérialiste.

Aujourd'hui, je sais que l'effort ne sert à rien : il suffit de s'intéresser à ce qui nous préoccupe. Nous avons, à partir de là, la capacité de nous focaliser sur ce que nous voulons vraiment, afin d’en être habités, et pour développer les activités que nous souhaitons. Le jour où je n'ai plus mis la musique au premier plan de mon identité, alors j'ai baissé en compétence. Il m'a fallu publier un livre de mes œuvres pour faire exister ce temps de ma vie et cette période de troubadour.

Aujourd'hui, j'écris pour penser juste, pour développer une pensée critique construite, et je suis entièrement occupé par cette démarche. Pourrions nous partager notre préoccupation ? J'en doute. Il s'agit là d'une démarche tout à fait personnelle, mais aussi passionnelle et émotionnelle, laquelle est le moteur de cette posture vertueuse.

Pourtant, théoriquement oui, c'est possible puisque être préoccupé est le résultat d'une activité mentale. Certes, voilà une capacité à se préoccuper de ce que nous ”voulons bien”, et de ce que nous souhaitons. Il s'agit surtout, en cette occurrence, de se débarrasser, de se dépassionner de “tout” ce qui ne fait pas notre bonheur. Sans doute plus aisé à ”dire” qu'à “faire”,... et pourtant ! Si l'on ajoute en effet à cela la perspective de développer des compétences qui viennent de cette “passion” plus ou moins latente ou patente, mais néanmoins bien présente, alors tout un univers s'ouvre à nous.

Cette pensée “préoccupante” fonctionne comme une référence qui légitime ou délégitime ce que j'entends, [ou pas], d'un autre. La référence dont je l'affuble vient crédibiliser ou décrédibiliser son propos. Il en va de même pour ce qui me préoccupe, ou m'intéresse, de façon plus ou moins explicite : est-ce que je le comprends et en fais quelque chose, [ou pas] ?...

Maintenant, voilà une nouvelle question se pose à moi : est-ce que ce qui me préoccupe et me pilote est une véritable version de moi-même... ou “seulement” une perspective dans mes liens sociaux ? Mais la question peut être d'une essence plus complexe encore, et s'apparenter… à la recherche du progrès de l'humanité ou de la vérité ? Vaste question !… Dans ce dernier cas,... Merci de votre réponse !

Par ailleurs, tout ce qui m'arrive, tout ce que j'expérimente, tout ce que je vis et réfléchis, vient percuter ma conscience et peut être perturber mes préoccupations, [quand elle ne vient pas les défaire et les refaire]. 

Ainsi il m'appartient de rester vigilant sur ce champ là, en me protégeant ainsi de tout dérapage, de toute dérive qui viendrait transgresser mes valeurs. Il s'agit, en l'espèce d'être “clair” sur ce que je suis profondément au fond de mon âme, dans mon univers et mes dieux. Mais est-ce que cela fonctionne aussi avec les problématiques matérielles de mon environnement ? Oui, sans aucun doute, mais nous y reviendrons. Alors, en quelques mots : lâchez prise et laissez faire, voici peut être les prémices du “secret”...

Jean-Marc SAURET

Le mardi 14 octobre 2025

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Il n'y a pas de mutation de genre (07 10)

J'entend que des personnes ne se sentent pas à l'aise dans leur sexe et que la solution qu'ils envisagent est d'en changer, s'ils pouvaient. Ce que l'on constate auprès de personnes ayant eu recours à une dite "transition de genre" est le nombre de suicides dans cette catégorie de personnes. Peut être se retrouvent elles ailleurs que dans la peau de ce qu'elles espéraient ? Peut être se rendent elles compte que la solution qu'ils ont choisi ne répond pas à la problématique qu'ils vivaient et que celle-ci est toujours là, en eux-mêmes ? D'autres encore pour diverses raisons, dont celles-ci évoquées ici, regrettent simplement leur geste, leur décision. On constate alors qu'un nombre important de ces personnes ont ce recours au suicides...

Ce que l'on constate aussi est que la promesse ne peut pas être à la hauteur de l'attente. En effet, l'opération n'aura fait que changer des apparences et rien de ce que la personne reste encore et toujours. Une ces dites femmes issue de la transition, si on ne lui a pas greffé un utérus complet, ne pourra jamais avoir d'enfant. Le fait est que ce sont les chromosomes dans l'entièreté de son corp qui font de cette personne un homme ou une femme et l'apparence n'y change rien.

Ce qui caractérise scientifiquement un homme et une femme sont les chromosomes particuliers et distincts qui, malgré le changement d'apparence restent à qualifier ce qu'est la personne, soit un homme soit une femme. Ce n'est pas parce que je me sens femme que je suis femme. Le monde me résiste, dirait Lacan. Dès lors une mutation de genre n'est qu'une chirurgie esthétique et ne modifie en rien le genre. L'apparence de femme reste comme un cosmétique sur le corp et la réalité d'homme réel, et réciproquement. 

Le changement d'apparence reste alors une illusion. Rien dans le fond n'aura été changé, pas même son rapport à soi. Qu'un homme se sente femme et soit sensible à l'amour d'un autre homme est parfaitement compréhensible. Ceci est vivable dans une société tolérante, bienveillante et accueillante. Mais, comme le disait Carl G. Jung, les gens jugent facilement car comprendre est complexe. Ce que jugent ces gens là n'est pas le monde mais seulement la propre part d'ombre en eux-mêmes qui les agace.

Ne serait-il pas plus judicieux que la société, les institutions, de justice et de santé, prennent acte de ceci et développent leurs actions pour protéger et accompagner la réalité que ces personnes là vivent et ce dans une mutation émotionnelle, de représentation plus que de genre. Elles pourraient le faire sans poser des actes qui ne profite qu'aux portefeuilles de praticiens, voire même parfois à leurs demandes ou offres. 

Oui, le fait que la transition de genre soit devenue un marché me semble relever de cet abus. Il y a, dans ce marché de dupe, un mensonge profond, celui de laisser croire qu'une femme "deviendra" un homme ou qu'un homme "deviendra" une femme. Il vaut mieux comprendre les situations, être totalement transparents et donner une place, une perspective singulière ou particulière à chaque personne plutôt que d'imaginer pouvoir forcer la nature et prétendre résoudre les singularités qui dépassent... C'est bien parce que ces "places" n'existent pas que les personnes concernées cherchent à ce conformer dans des places déjà existantes mais qui, comme des virtualités, ne leur correspondent pas.

Parce que la réalité de nos mondes est bien issue de notre vie intérieure profonde, les voies de la conscience, comme celles que propose le bouddhisme par exemple et tant d'autres sagesses aussi. Elles sont peut être la réponse à cette problématique complexe et douloureuse pour quelques-uns d'entre nous. On ne résout pas les singularités en incorporant la personne dans une identité classique, toute faite, déjà là, mais qui ne leur correspond pas.

Il s'agit de prendre conscience de la réalité que nous vivons, d'envisager d'autres angles de perspectives possibles, de changer notre regard en fonction de ce que nous avons à vivre. Une fois de plus, la réponse est en nous... pas dans les logiques mathématiques d'un monde matériel. Quittons le paradigme matérialiste comme conception absolue de notre monde, pour un paradigme où la réalité est issue de nos visions et représentations. Nous y trouverons la souplesse d'un vivre ensemble tolérant, bienveillant et généreux.

Mais si nous voulons aller plus loin et comprendre la dimension "époquale", de ce phénomène de perte de soi, je me tourne vers les travaux du pédopsychiatre Thierry Delcourt révélés dans son ouvrage "Je ne sais plus qui je suis". Il déroule cette tendance actuelle à cette perte de sensation personnelle dont les conséquences sont que l'acteur disparait socialement et jusque dans sa forme physique. Ce phénomène est au delà de l'évidente dissolution de soi sous les emprises des écrans où le sujet subit trop et agit peu. C'est là juste un élément causal.

Le désir de transition de genre est donc plus une question interne de sensation d'être, de dissociation identitaire, qu'un simple décalage de genre. Voilà pourquoi un passage à l'acte ne résout rien. Le mal est ailleurs, là où l'inconséquence des sujets, qui produit violence, désœuvrement et perte de sens, a pris le dessus.

Jean-Marc SAURET
le mardi 7 octobre 2025

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On se lit dans les lignes de l'autre (30 09)

Une amie, en me retournant un livre que je lui avais prêté, m'a à son tour convié à la lecture d'un livre du philosophe Frédéric Lenoir. Ce que j'ai fait. Ce n'était pas le premier livre de cet auteur que je parcourais, mais je retrouvais dans celui-ci une démarche d'écriture si proche de la mienne que je plongeais dans ses lignes avec une belle gourmandise. Pourtant, si quelques champs d'investigation nous sont communs comme le bouddhisme et la méditation, nous n'avions pas vraiment les mêmes auteurs de référence. 

Il cite souvent Confucius, Aristote, Epicure, Plotin, Spinoza, Montaigne et d'autres encore, qui ne constituent pas mon socle de référence. Mais d'autres nous sont communs comme les auteurs stoïciens. Pour ma part ma base de référence, comme vous pouvez en juger, tourne plutôt autour de Socrate, Platon, mais surtout Schopenhauer, les constructivistes, ou des sociologues, des psychanalystes et des spiritualistes. D'autres lectures des auteurs anarchistes tels Proudhon, Bakounine ou Guérin, ont forgé ma conscience politique loin d'un Marx dont je sais qu'il n'a jamais travaillé de sa vie.

Mais, relisant Lenoir, je me mirais dans son propos et je pris alors conscience que les auteurs que nous dévorons sont autant de miroirs que nous plaçons sur notre parcours, dans les textes desquels nous construisons notre propos. De fait, je réalisais que nous œuvrions dans la lecture à comprendre ce que "l'autre dit". Cette action pouvait se doubler d'une critique, parfois rigoureuse, parfois superficielle. Mais c'est elle qui permettait de reconstruire notre regard sur le monde. Ces géants qui nous ont précédés, ces colosses sur les épaules desquels nous nous sommes parfois assis pour voir plus loin, constituent le terreau où nous avons poussé et grandi. Les autres sont comme ces arbres que j'escaladais gamin pour voir au loin. L'autre est donc ce miroir dans lequel nous taillons notre propre profil, construisons et rédigeons notre propre pensée.

Je me revois piocher dans Ghiglione, Watzlawick, Jung ou Lacan, des perçus qu'il m'a plus de garder comme piliers de mes réflexions compréhensives, ou d'autres qu'il m'a plu de déconstruire et reconstruire à ma main. Il arrive que ce que l'on lit soit tellement "plus" que ce que l'on pense que l'on en vient à se l'approprier, l'agrémentant de quelques détails biens à nous, nés de l'enthousiasme à découvrir ce point de vue. J'ai même retrouvé dans les propos d'autrui quelques parcelles de mes écrits antérieurs. Je pense à cet "anti-saint-Thomas" qui consiste non pas à ne croire que ce que l'on voit mais à s'apercevoir que l'on ne voit que ce que l'on croit.

Il est tout aussi vrai que l'on élabore sa pensée, ses repères sacrés et ses certitudes en confrontation à d'autres, à l'autre.et à son propos, à la seule conditions requise que ces propos nous interpellent. Mais de surcroît cet "autre" qui les propose nous soit important, référant, interpellant. De fait nous n'apprenons de l'autre que par le phénomène d'appropriation que nous développons, comme une cocréation à partir de cette confrontation dont nous sommes la raison et le moteur. Le phénomène de confrontation dépend donc totalement de notre posture vis à vis du tripode : objet (en tant qu'item), interlocuteur et champ d'intérêt.

Il y a donc quelque chose de la conversation pour soi dans cette quête de sens. C'est là une question fondamentale qui nous occupe et que l'on se trimbale, et qui bouge sans cesse au cours des multiples expériences du parcours !... Une question que l'on pourrait qualifier… “d’existentielle” ! Peut être ne sera-t-elle jamais résolue et occupera-t-elle tout le parcours de notre vie ? Cette éthique de vie qui nous conduit s'installe à partir des théories portées par le milieu, et la communauté au sein de laquelle on vit. On la retrouve adossés à quelques référents qui nous semblent plus fondamentaux. 

Longtemps, le fait religieux a joué ce rôle de guide éthique et moral. Puis, laïcisation aidant, ce sont les groupes politiques, voire sociaux plus larges, qui ont pris le relais. Porter les couleurs de telle tendance droitière, gauchère ou autre, constitue une référence à une certaine "vérité", laquelle "est" notre doxa. Doxa que pour rien au monde nous remettrions en cause, jusqu'à ce que la trahison - forme émotionnelle exacerbée de la déception - ne vienne la mettre hors jeu. Alors, avec cela, il nous faudra commencer par désapprendre nos visions partiales et partielles du monde, nos croyances et nos incomplétudes. Sans cette déconstruction volontaire, il est fort probable que nous n'apprenions rien... si tant est qu'apprendre, c'est aussi se souvenir. Comme quoi, notre regard s'avère être des plus sélectifs !

Ainsi, dans le cadre sociétal qui est le nôtre, qu'il soit notre milieu social, comme notre communauté, des objectifs de solidarité soudent le groupe dans une certaine humanité qui se révèle sous-jacente. La vue d'un enfant en danger au bord du vide produira chez tout un chacun une réaction d'horreur, de peur empathique. Tout de suite, le quidam tendra à voler au secours de l'enfant. Bien que certains critères puissent intervenir dans la perception de l'événement, comme ceux de l'appartenance (ou pas) à son milieu, à sa communauté, très généralement, et dans la majorité des cas, le quidam intervient. On pourrait qualifier cela d'humanisme fondamental, de bienveillance de circonstance, parfois critique, voire d'empathie ordinaire, ce type de comportementIl s'agit bien effectivement, d'une “façon d'être” : qui nous permet d'affirmer que nous lisons dans les événements qui nous surprennent.

Je repense à l'enseignement de l'anthropologue Margareth May qui définissait le soin comme le plus vieux symptôme d'une société établie. Elle montrait combien la découverte d'un fémur réparé témoignait de l'attention et du soin que quelqu'un avait porté en direction d'un blessé. Faute de ce type d'intervention, ce dernier aurait été vite une proie facile pour quelques prédateurs ordinaires. Le soin est, selon le professeur May, le premier symptôme du fait de société. 

Redisons nous que la solidarité et la bienveillance sont les points communs propres aux sociétés tant des hommes que des loups. Ce sont ces comportements qui ont fait que depuis plus de dix mille ans, humains et loups ont collaboré. Ces derniers sont aujourd'hui devenus nos chiens. D'autres éléments ont fait collaborer les loups et les ours, les loups et les corbeaux, les loups et les félins locaux. En l'absence de dimensions communes ou d'intérêts convergents avec ces autres espèces, nous n'avons pas collaboré avec elles, ni conclu de pacte implicite.

C'est ainsi que nous nous construisons dans les postures et actions des autres, comme nous construisons nos pensées dans les dires et pensées d'autres personnes. Nous élaborons nos postures et réflexions dans la lecture et l'appropriation de lignes communes et partagées. Comme le disait Lacan, nous n'apprenons que de l'autre. Mais pas uniquement, dirons nous, car la considération que nous portons à l'autre dépend de raisons sociales et personnelles. Ce sont celles qui déterminent notre crédit à son égard, mais également ce que nous ferons de cette relation. 

Nous avons aussi l'habitude de penser que seule l'action nous met en écho avec le monde où nous vivons. Effectivement,  ce qui met en relief le réel, nous permet d'entrer en résonance avec l’ensemble de cet environnement. A elle seule, la léthargie, l'apathie, ou l'immobilisme seraient source de déconstruction et d'ennui. Pourtant je ne peux m'empêcher de penser que la contemplation de ce qui est là, l'objet ou les lignes d'un autre, constituent autant un champ d'inspiration que la construction de notre propre œuvre. La contemplation est une forme d'appropriation aussi durable que complète. Le non-agir, comme le disait Thích Nhất Hạnh, n'est pas de ne rien faire, mais d'accueillir ce qui est, en lui laissant faire son œuvre. La contemplation agit autant sur le réel que notre assimilation des propos d'un autre, car elle participe à notre conscience. Le fait est que l'on se contemple autant dans le monde, que l'on se lit dans les lignes d'un autre. 

Jean-Marc SAURET
le mardi 7 octobre 2025

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Ce que nous sommes sans effort (23 09 25)

Connaissez vous la peinture impressionniste ? Avez vous déjà parcouru quelques essais littéraires de cette même forme ? L'impressionnisme en poésie a la même volonté : celle de donner à voir autant par les sensations que par les mots. Nous savons bien que la forme est signifiante. C'est un peu comme si nous mélangions dans nos approches la raison et les sensations, c'est à dire le mental et l'intuition. Il s'agit en l'espèce de parler au cœur et aux sens aux aguets en même temps qu'à notre esprit construit, logique et raisonnable. C'est ce que je veux faire aujourd'hui pour aborder une approche sur l'efficience de nos actions et de nos postures sur nos vies. Alors, ouvrons le sujet.

Nous avons culturellement l'habitude de penser que l'on atteint ses buts et réalise ses projets par le travail, la planification, la rigueur et les efforts, certes ! Mais ceci pourrait bien être une illusion dépendante de notre culture moderne. Ainsi passons au temps d'après.

J'écris, je chante et je joue parce que je dois le faire, et non pas pour être reconnu ou "réalisé". Dès lors, tout est bien ! Car la reconnaissance est comme l'ombre que l'on veut attraper. Plus on cours et plus elle fuit. Et si l'on s'arrête, elle prend sa place. Ce que l'on poursuit s'enfuit et ce que l'on laisse faire et venir s'installe. Alors nous lâchons la quête pour laisser faire et accueillir ce qui est. Alors cela vient de lui-même indépendamment de nos actions, quelles qu'elles soient... 

Il nous faut réaliser que ce à quoi l'on s'attache finit par nous attacher, nous lier, voire nous emprisonner. Les stratégies de contrôle de nos vies sont les murs de nos prisons. L'expérience nous dit que la sûreté n'est pas dans le travail, les efforts et le contrôle, mais dans l'accueil et la confiance. Efforts et contrôles naissent dans la peur de perdre et de rater. En cette occurrence, la peur tue la vie... 

L'art zen du Wuwei est ce non-agir qui accueille tout ce qui va venir par soi-même. Ainsi, mieux vaut le silence tranquille que la force, l'hyperactivité et la colère. Mieux vaut le calme fertile que l'agitation stérile. D'ailleurs si apprendre est se souvenir, comme le promeuvent quelques sagesses anciennes (et notamment Aristote) alors, et de la même façon, se révéler et se réaliser viennent aussi de l'intérieur. Il s'agit une fois encore de laisser éclore notre personne ou "âme profonde". Toute qualité qui ne relève ni de l'amour ni de la paix n'est pas vous. Et ceci vaut également pour les problématiques matérielles, et nous y reviendrons plus tard.

Que reste-t-il de "vous-même" quand toutes les "étiquettes" ont disparu ? Sachez que ce que vous cherchez est au plus profond de vous. On ne devient pas meilleur : on l'est entre toutes choses. Il suffit de libérer de la place loin des peurs, des avidités et des efforts. Le concept zen de Wuwei est au creux et au cœur de ce phénomène.

Le glissement de la liberté à la soumission volontaire serait-il un rite de passage ? Notre attachement dépend de la manière dont on se voit dans le monde que l'on imagine, soit le monde de sa réalité. La lutte et les efforts ne sont pas des conditions de la réussite mais des obstacles et des freins qui l'empêchent. Au lieu de planifier méticuleusement nos journées et nos actions, laissons de la place à l'intuition et au cours naturel des choses du monde et du moment. Laissons faire l'univers et la providence...

A d'anciens amis qui m'ont tourné le dos et décrié quand j'ai quitté l'association où l'on se retrouvait, je me suis laissé leur dire que quand on pose une question, il faut s'attendre à avoir une réponse. Si la réponse ne convient pas, peut être ne fallait il pas poser la question. Si non, il faut en faire quelque chose, comme accueillir les contradictions dans le débat à la recherche de la sagesse ou de la vérité, quitte à remettre en cause ses certitudes. Tout ce qui nous vient est un présent, c'est à dire un cadeau. Cette association disait rechercher la vérité et ce groupe là pensait l'avoir trouvée...

Si on n'accepte ni n'accueille la contradiction, peut être alors ne fait-on que se regarder le nombril au creux de ses certitudes. Peut être que certains font cela, histoire de renforcer encore les dites certitudes, sans jamais rien lâcher ni questionner. Mais alors, quelle valeur pourraient avoir ces certitudes ?... Ne sont-elles pas justement antinomiques avec cette recherche déterminée, incessante et féconde, de la vérité ?

Dans ces conditions, le fait est que s'il ne devait y avoir plus qu'une seule personne au monde qui vous aime, il faudrait que ce soit vous. Il s'agit de s'aimer avec compassion, ouverture, tolérance et altruisme, quoi qu'il en soit et sans aucune fierté ni orgueil.

Et puis, un matin j'ai compris que ce que les gens disent de moi, en bien ou en mal, ne me concernait pas du tout. Cela ne concerne que ceux qui le disaient. Leurs propos ne sont que le miroir de leur âme, trop souvent en creux de ce qu'ils n'acceptent pas d'eux-mêmes, ou s'en enorgueillissent comme d'une incontournable vérité ou fondamentale identité. Depuis, je continue mon parcours de vie sans effort, dans le pur flux du monde, sans contrainte, sans prévoir ni discipline mais dans la joie d'un bien être doux. 

Cette gestion des résistances vaut aussi pour celle des contraintes matérielles. Agacé par des pannes sur mon véhicule que je n'arrivais pas à comprendre, je m'agaçais et me tendait. J'étais allé jusqu'à soupçonner une négligence du mécanicien de mon village. Jusqu'au moment où j'accueillais mon incompétence sur ce cas et là, je lâchais prise. 

C'est alors qu'une solution s'est présentée à moi : céder cette voiture à mon mécanicien qui devenait libre de prendre son temps pour la réparer ou pas et d'en faire, le cas échéant, un véhicule de courtoisie. Il me facilita alors la tâche pour en acquérir une neuve chez un collègue.  Je ne dirai jamais trop combien il convient de lâcher prise et de laisser faire !...

Je repense à ce passage des évangiles où Yoshua (Jésus) demande à ses amis si les oiseaux du ciel ou si les lys des champs se préoccupent de ce qu'ils vont manger demain ou de ce dont ils vont se vêtir. Il leur indique que leur père (ce que nous sommes au plus profond de nous même, ce flux de vie qui nous habite que d'aucuns nomment dieu ou l'univers) s'en occupe parfaitement. La pensée zen nous indique que suivre le flux du monde suffit amplement à ce que tout se passe pour le mieux. Elle nomme ce phénomène Wuwei. D'autres nomment cela la providence. Chaque culture a ses mots, et au fond elle convergent. Il reste certainement juste à le savoir puis d'agir en conséquence.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 23 septembre 2025

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Sur le chat de Schrödinger (16 09)

On peut lire sur la toile que "Le chat de Schrödinger" est une expérience de pensée imaginée dès 1935 par le physicien autrichien Erwin Schrödinger. Il souhaitait mettre en évidence des lacunes supposées de l'interprétation de Copenhague de la physique quantique qui considère l'influence pratique de l’appareil de mesure sur son objet dont il voulait mettre en évidence le problème.

Par cela, la mécanique quantique n'est pas simple à concevoir. En effet, sa description du monde repose sur des amplitudes de probabilité que l'on appelle fonctions d'onde. Celles-ci peuvent se trouver en combinaison linéaire, et de ce fait peuvent donner lieu à des états dits  "superposés" de réalités. Cependant, lors d'une opération dite de "mesure" l'objet quantique sera trouvé dans un état déterminé bien que la fonction d'onde donne seulement des probabilités de trouver l'objet dans tel ou tel état. C'est comme si la pensée transcendait la matière.

Selon l'interprétation de Copenhague, la mesure perturbe le système et le fait bifurquer d'un état quantique superposé vers un état mesuré. Cet état selon ce principe ne préexiste pas à la mesure et ce serait la mesure qui le ferait advenir. Ainsi, l'atome peut être à la fois intact et désintégré par exemple. Il demeure cependant une probabilité de désintégration dans un intervalle de temps donné qui demeure déterminée à l'observation.

Toutefois, la notion de mesure, tout comme celle de bifurcation qui en serait conséquente, n'apparaît pas indirectement dans le formalisme quantique. Les tentatives d'en faire surgir cette notion se heurtent à de grandes difficultés. En conséquence, certains physiciens dits mécanistes n'accordent aucune réalité physique au concept de mesure ou d'observation. Pour eux, les états superposés ne s'effondrent ou ne "bifurquent" pas. Pour eux l'état mesuré n'existe pas réellement comme le précisait Hugh Everett.

C'est pour faire apparaître le caractère paradoxal de cette position et pour poser de manière frappante le problème que Schrödinger a imaginé cette expérience de pensée, également connue sous le nom de "paradoxe de Schrödinger".

Cependant, le fait de penser le réel dans le paradigme matérialiste, logique et rationnel, nous empêche d'aller au fond des choses, soit directement dans le réel, et nous fait tourner en rond dans une logique déductive. Il nous faudrait nous détacher de cette logique là pour comprendre cette superposition d'états, ce que ne permet pas l'exemple de Schrödinger englué dans une démonstration d'une logique matérialiste. Il nous faudrait tout d'abord comprendre que le paradigme quantique est d'une toute autre nature.

A moins de rêver d'un "incomprenable structurel", la démonstration de Schrödinger tombe dès la première analyse. Matériellement le chat ne peut être mort et vivant à la foi. Cette juxtaposition d'états est logiquement contradictoire. Il nous faut revenir à la conscience créatrice pour envisager le paradoxe de manière à ce qu'il soit crédible. C'est bien la conscience, celle qui observe la réalité, qui décide de l'état du chat, et non pas la réalité matérialiste à laquelle elle s'oppose tant en terme de méthode que de finalité.

Ainsi, tant que la conscience n'a pas observé, l'état du chat n'existe pas. C'est aussi simple que cela et là nous comprenons mieux ce qui se passe. Dans le cas de l'expérience de Schrödinger, il ne s'agit pas de superpositions de réalité mais de superpositions d'hypothèses et Schrödinger ne prétend pas autre chose. Cette expérience, revenue brutalement dans le paradigme matérialiste newtonien, ne peut incorporer le fait de la causalité de la réalité, c'est à dire sur ce qui la produit : la conscience observante. C'est de ça dont il s'agit en physique quantique. Et c'est aussi la dessus que se construit l'interprétation de Copenhague. Dont acte !

Comme le disait Schopenhauer bien avant ça "la réalité est un objet pour un sujet qui le regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparait." C'est aussi simple que cela...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 16 septembre 2025

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La force de mes faiblesses (09 09)

Nous vivons dans une culture matérialiste néolibérale. Cet environnement postmoderne nous invite à nous battre seul contre tous, avec le mythe du héroscollé dans le dos. Nous devons vaincre, être les plus forts. Réussir, c'est être le premier ! Être devant tous les autres, [et plutôt devant beaucoup de personnes], se trouver au premier rang des gagnants, c'est donc bien faire partie du camp des vainqueurs voire du camp du bien. Voilà bien l'essentiel !...

Nous avons déjà vu que ce mythe s'effondre devant cet aperçu de la force de la faiblesse. C'est tout l'objet de l'ouvrage du biologiste et botaniste Jean-Marie Pelt : "la raison du plus faible" (Le Livre de Poche, nov. 2011). L'auteur s’y emploie à récuser la fameuse "loi de la jungle", dite aussi du plus fort. Cette loi, dans une nature réputée "cruelle", serait le seul moteur de l’évolution dans ce seul univers de concurrence et de conflits. Jean-Marie Pelt dénonce qu'il s'agit là d'une vision très orientée du monde, voire même biaisée. Nous pourrions dire qu'il s'agit d'une vision dirigée par la théorie darwiniste. Rappelons-nous cette phrase célèbre du psychosociologue Serge Moscovici : "Les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve !". Il n'y a pas plus de lois naturelles que de réalité en soi, intrinsèque. (je renvoie à mon article "l'immense et le tout petit". Voir en bas de page)

Ramené à soi-même, la puissance du faible transcende nos faiblesses. Le processus est identique : les petits ont la sagesse et la puissance des tout petits. Ils gagnent toujours. La fin de l'histoire leur donne encore raison, leur rend hommage et leur déroule le tapis rouge de l'innovation, de la renaissance. Comme l'écrit le philosophe Fabrice Midal : "Les princesses ont toujours raison !" Alors, comme tout vermisseau, je reviens vers moi et me regarde à l'intérieur, histoire de mieux comprendre...

Quelle est ma blessure, ma faiblesse que la honte me cache ? Si je l'accueille, elle sera désormais ma force. Serait-ce le manque de consistance à m'affirmer ? Dans mon incertitude et une confiance en moi seulement pour moi-même, malgré mes convictions, elle fera de moi le solitaire volontaire, l'évitant chronique, un meilleur écoutant, un meilleur accueillant, saisissant derechef l'intelligence des mondes... Celui qui jusqu'alors se tapissait, convaincus de ses tares, reste désormais debout en présence. Le monde, où je suis forcément faible et perdant, n'existe plus. J'en ai modifié l'environnement par mon regard et ma conscience aiguisée.

Le faible rebelle, aux combats désespérés perdus d'avance, brille du fait de ses anciennes faiblesses devenues vertus : l'intelligence et la sagesse des impuissants, celle qui fait de l'impuissance physique une alternative brillante, le temps du pas de retrait. C'est l'intelligence du lâcher prise. En Espagne on l'appelle l'art de la "muleta" (mes références à la corrida se limitent à ce terme).

Il est vrai que quand on connaît ses propres faiblesses, elles cessent d'en être. Il ne s'agit pas de "reconnaitre" des faiblesses, mais juste d'une prise de conscience de nos compétences, capacités, dispositions, envies et modes de faire. "Si tu te défends, alors tu crées (réalises) l'agression !" disait Gandhi. Mais ce qui fait "vertu" des défauts d'hier est la croyance en mes propres valeurs. Qu'elles soient religieuses ou de ma simple foi en l'homme ou en moi-même, elles sont la puissance de l'âme. Ce en quoi je crois, ce dont j'ai la conscience que ce soit plus grand que moi, c'est mon père, comme le nomment les chrétiens. C'est dieu comme disent les sagesses orientales. C'est l'univers comme disent les tenants du New-Age ou le plus profond de soi-même comme nous y invitaient Aristote, Platon et Socrate...

Voilà un point de vue inhabituel et cependant tellement efficace. La non violence (qu'il me plaît de nommer "l'en paix") n'est pas un absolu, certes, mais commençons par la considérer comme un "deal". Gandhi pour l'Inde posa le problème ainsi : "Que voulons nous ? - L'indépendance. Qui la détient ? - L'anglais. Qui est le plus fort de l'Inde et de l'Angleterre ? - L'Angleterre ! Alors l'anglais est notre partenaire...". Je n'ai donc aucun ennemi ni adversaire ! Je n'ai que des partenaires. C'est d'ailleurs ce que nous enseignait notre professeur de boxe-française : "Utilise tout ce que fait ton adversaire, comme s'il était le partenaire de ta danse !"

Cette vision est adossée à la certitude de mes convictions. On peut alors dire, par exemple, que ma faiblesse est ma force, que la transcendance est en moi. On raconte que les dits "premiers chrétiens", martyrs habituels de l'Etat dominant, n'offraient aucune faiblesse à leurs tortionnaires. Ils affichaient au contraire une conviction et une certitude profonde qui ne les faisaient rien renier ni accepter. On appelle aussi cela "la puissance de l'être". Quelle que soit la fin, cela faisait d'eux des héros, et ils constituaient alors une nouvelle puissance populaire : "Pour un qui tombe, ce sont cent qui se lèvent !" rapporte l'historien. La victoire n'est pas une affaire personnelle. C'est la puissance de l'idéal du projet qui compte. Certains invoquent la puissance de la "vérité".

Voilà une posture sage et pragmatique. S'il est vrai aussi que la bienveillance est une philosophie du bien vivre ensemble, par ailleurs, la puissance intérieure reste corrélativement la puissance absolue. Elle est en cela divine. Voilà une posture à réfléchir, à revisiter et à penser. Est-ce qu'il n'y aurait pas de la puissance et de l'efficience dans ce que je considère à tort actuellement comme une faiblesse ?... Cette notion pourrait d'ailleurs fort bien être extérieure à moi-même ? Une “raison” supplémentaire pour la suivre avec… sagesse !...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 9 septembre 2025

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