L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

De la société des contraintes à celle du lâcher prise

A propos de l'évolution culturelle de notre société, nombre de sociologues, comme Michel Maffesoli, en font une description de mutations radicales, successives. Il est loisible de mesurer l’évolution, depuis une société classique, « moderne », issue du siècle des lumières, et fondée sur la rationalité et le scientisme. C’est elle qui, justement, construit la mort de Dieu, derrière l'émergence d'un humanisme rationaliste et « laïcard ». Ils décrivent ensuite l’ouverture d’une société hédoniste, sur-consommatrice, profondément ancrée dans la jouissance et l'émotion, qu'ils nommèrent la post-modernité.
Nous avons vu précédemment comment, depuis cette évolution post-moderne, émerge une autre évolution "quantique" de la société. En l’espèce, elle définit un temps d'après, révélant une démarche pragmatique, elle-même fondée sur une représentation « personnaliste » et en réseau de notre "vivre ensemble". On assiste à un retour de « l'œuvre », comme raison d'être de ce vivre ensemble, après ce "jouir omnipotent" qui inonde la post-modernité. Je l’appelle l'alternation culturelle ou l'ère quantique.
La société moderne, rationnelle, pyramidale, fondée sur l'individu et le principe de démocratie, sont en train de s’effacer progressivement sous les évolutions successives. La société post-moderne, celle que l’on peut qualifier d’hédoniste, d’émotionnelle, ou de tribale, installée dans l'ici et le maintenant, se trouve aujourd'hui bousculée par l'installation progressive, ça et là, de réseaux émergeants, pragmatiques et intuitifs. Composée de personnes engagées dans une intemporalité relative, ladite ère quantique peut être qualifiée de fractale et diffuse.
Si la société post-moderne comprend une population dépendante d'un environnement séducteur, prometteur, aguicheur même et tentateur, la vague fractale, quant à elle, concerne bien d’autres personnes. Celles qui, justement, ont effectué ce lâcher prise, au regard des tentations séductrices et des promesses d'un système d'ultra consommation. C'est là la clé de compréhension de cette mutation, en émergence. Mais regardons de plus près.
Je ne reviens pas sur les descriptions des différentes ères sociétales. Je l'ai exposé dans des articles précédents*. Ce qui m’apparaît aujourd'hui est une motricité singulière de ces mouvements qui distingue chacune de ces phases. Autant la modernité constitue-t-elle une rupture ontologique et "théocide**", en référence au Moyen-âge et à la Renaissance. C’est  ce qui fit d’ailleurs la transition. La post modernité, en revanche, s’avère être une période de transition à la gloire du client-roi, et du dieu-consommateur. La voilà devenue à la fois réceptacle et dépositaire des jouissances possibles de ce monde. Cela fait de cette période une ère d'attente, de quêtes et de frustrations. L’illusion qu’elle entretient, comme le disait Lacan, fait que la jouissance est due et qu'elle est à portée de tous et de chacun. Comme ce n'est pas réellement le cas, les citoyens se trouvent confrontés à un manque que renforce la promesse. La caricature du client-roi, ou du consommateur-dieu, est résumée dans cette interjection : "J'ai droit à puisque je le veux !". 
La psychanalyse freudienne considère cette caricature comme propre aux postures d'enfants de cinq ans, tout puissants. Nous sommes en présence d'acteurs inactifs en termes de construction et de création. Ils se vivent en revanche comme  chasseurs de rêves et de chimères. Tartarin de Tarascon n’est pas mort ! Les espoirs de quête et de succès immanquables (parce que contenus dans la promesse) viennent augmenter d'autant, la frustration et la rage de reconquêtes. On peut dire de ces gens-là qu'ils sont des "addicts" de la jouissance, et de cette promesse de bonheur par l'avoir. Cette addiction est structurelle de la post-modernité. Elle façonne les comportements dans les familles, les tribus, les organisations, les entreprises. Ces gens-là font peu, réclament beaucoup, prennent avidement et ne remercient jamais. Imaginez ce qui se passe lors des buffets des vœux dans les municipalités, les entreprises, les institutions... Regardez ce qui se passe dans certains magasins le premier jour des soldes... Ne pourrait-on pas dire que ces populations sont sous l'emprise de contraintes stupides et aussi prégnantes que « limitantes » ?
Dans les populations alternantes culturelles, de cette ère quantique naissante, les comportements sont différents parce que ce sont les postures qui s’avèrent radicalement différentes. Cette ère sous-tend le fait que les acteurs refusent l'accumulation des frustrations issues du piège de la surconsommation. Ils refusent la promesse libérale. Ils "lâchent" sur la quête de jouissance. L'essentiel n'est plus là. Il est dans le plaisir de faire, de réaliser. Ils font un retour à l'œuvre et à l'identité par l'action. Ils réfutent les modèles d'identité par l'avoir. Ils ne croient plus que c’est l'objet qui fait la jouissance. Ils sont conscients que la conquête desdits objets n'ouvre que sur d'autres quêtes. Ils ont vu la supercherie, l’ont intégrée, et s'en détachent.
Il y a chez les alternants culturels ce lâcher prise, cette mise à distance des quêtes et des promesses auxquelles ils ne croient plus. Leur moteur est bien là. Alors s'ouvrent pour eux de nouveaux espaces identitaires et de liens sociaux : le "faire ensemble" ! Ils savent, maintenant qu'il est très utile, voire indispensable. C’est cette conscience qui leur permet de s'associer pour réaliser. Ils savent que les décisions leur appartiennent en propre, qu'elles n'appartiennent aucunement à un ou une personne en position d'autorité, de pouvoir ou de propriété. Ils ont dissocié ces variables et personne ne pourra les faire revenir dessus, car cela irait à leur encontre. Voilà qui est définitivement acquis. On peut dire que ces populations sont dans des postures bénéfiques et libératrices de lâcher prise,… par le lâcher prise.
Voilà exactement pourquoi, par exemple, le management humaniste devient aujourd'hui incontournable. Voilà pourquoi les démarches d'intelligence collective sont inévitables, que les structures déstructurées s’avèrent à l’évidence plus efficientes que les « vieilles bureaucraties », et autres pyramides organisationnelles. Voilà pourquoi les clans, les bandes, les réseaux inondent les populations et deviennent si forts. Voilà pourquoi les sondeurs et politologues ne comprennent plus grand-chose aux réactions populaires. Soit les acteurs sont des alternants culturels, et ils sont dans les mouvements populaires (derrière des Berny Sanders, Jeremy Corbin et autre Jean-Luc Mélanchon), soit ils sont des post-modernes et ils sont dans les mouvements populistes à croire en des promesses toujours aussi illusoires (mais rentables) que celles de l'ultra-consommation. Certes ! Mais ils en ont tellement besoin... qu'ils votent populiste. Il n'existe pratiquement plus de modernes et pourtant les sondeurs continuent leurs explications rationnelles et chiffrées. Les clés, je crois, sont là. A nous d’ouvrir les nouvelles portes de la conscience !

* Voir les trois articles consécutifs intitulés : "Les nouveaux liens sociaux"
** "Théocide", néologisme pour dire une société "tueuse de dieu"
Jean-Marc SAURET
publié le mardi 14 février 2017

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