La
philosophie est une démarche intransigeante comme le pose Socrate. Elle
consiste à vivre pour des idées (ce que dit Platon). Mais elle permet aussi de
s'exercer à la vertu (pensée propre à Aristote), en impliquant, le cas
échéant, un retour radical à l'essentielle simplicité (une vision de
Diogène). Ces invariants indiquent que la posture du sage lui impose de prendre
de la hauteur, ce qui, par voie de conséquence, a pour effet que ledit sage ne
porte à priori aucune opinion (selon Pyrrhon). C'est ainsi que la
philosophie va devenir une discipline du bonheur comme le pose Epicure, ou une
recherche la paix de l'âme (stoïcisme), un peu comme un art de vivre
(Montaigne). Elle reste l'amour de la sagesse comme son étymologie le propose,
et ne deviendra humaniste qu'avec Érasme en ouvrant la voie du protestantisme
calviniste. Elle considère alors l'humain, non comme le centre du monde ou sa
finalité, mais comme le cœur de la préoccupation : d'où cette nécessité d'en
prendre soin et non plus seulement de "prendre soin de soi-même".
Voilà la véritable éthique humaniste et protestante.
Dès
lors, elle est une doctrine de la bienveillance qui prend source sur l'idée que
l'autre (quel qu'il soit) est un autre moi-même. Rabelais l'affirmait déjà sur
le fronton de l'Abbaye de Thélème : "Aime et fais ce que voudras". La
philosophie, en soi, reste donc la seule recherche d'un art de vivre. Dès lors,
la philosophie devient "politique", soit un "relegare"
depuis une posture personnelle. Il y a dans la pensée de Proudhon quelque chose
de cet humanisme-là : que chacun prenne le collectif en charge pour que chacun
dispose ou puisse disposer de sa part des bienfaits attendus. Cette démarche,
cette philosophie sociale, est longtemps restée une utopie, une
illusion tout le long du vingtième siècle ... C'est pourtant ce que nous
voulons tous vivre à présent en ce début de vingt et unième siècle.
Cette
courte réflexion nous renvoie au fait que c'est bien la pensée qui nous dirige,
qui dirige nos actes, qui produit nos postures, lesquelles développent nos
comportements. Notre pensée, notre conscience, est totalement liée à la vision
que nous avons de l'humain et du monde, de leur interrelation dans une vision
cosmogonique fondatrice. Il faut de l'imaginaire pour combler logiquement les
"trous" dans cette représentation, pour lui donner à la fois sens et
consistance. Si la nature a horreur du vide, la nature humaine a horreur du
vide de sens. Il nous faut alors combler tous ces vides de sens dans ladite
cosmogonie, et corrélativement expliquer les contradictions de manière à les
résoudre. C'est à ce prix qu'il sera loisible d'orienter le tout vers une
finalité ou une raison d'être. La logique, pièce maîtresse de la philosophie
est en train de nous quitter dans notre société postmoderne. La pulsion de
jouissance nous aspire et, comme l'eau lors d'une inondation, elle comble tous
les interstices vides.
Il nous
faut donc imaginer ce qui nous manque, comme l'ont fait nos ancêtres par
"faute de science". Il nous faut rêver la réalité pour y croire, pour
la rendre plus accessible, plus totale et plus "vraie".
Il y a
donc une force de l'imaginaire avant tout mode de vivre. Pour que cet
imaginaire-là vive, il convient donc d'isoler (ou d'extraire) ce quelque chose qui ressortit au
domaine de l'onirique. Cette phase s'avère incontournable dans la fonction de
l'imaginaire.
Il me semble alors qu'il
y a quelque chose à comprendre de tout cela et à réinvestir dans notre rapport
au monde. Il y a quelque chose de la passerelle symbolique à poser vers un
au-delà qui nous renvoie à l'actuel et au quotidien, dans
"l'ici et le maintenant". Il nous faudra rêver l'humain pour en
prendre soin, comme le fait une maman avec son enfant. C'est à cette condition
qu'elle peut rêver son devenir et ses potentialités pour construire un vivre
ensemble espéré, attendu...
Rêver les
conditions de son environnement pour faire un monde acceptable ?... Voilà qui
ne s'impose pas comme nécessaire à "l'ordre du jour". Nous en sommes
même encore bien loin...
Mais ne pourrions-nous pas conclure en disant, avec Guillaume
d’Orange : « qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre
ni de réussir pour persévérer… »
Voilà de « Grandes espérances »… mais c’est là le lot de Charles
Dickens…
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 4 octobre 2016
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