Je rencontrais récemment un ostéopathe qui
m'indiquait la merveille du corps humain, sa grande complexité systémique et sa
grande capacité à se régénérer lui même, à se réparer tout seul. Il m'indiquait
que l'action qu'il conduisait était essentiellement d'accompagner le corps à
réaliser ce qu'il savait faire tout seul. Il me venait alors à l'esprit qu'il
en était de même avec les organisations,... et les métiers de manager et de
consultant.
Si les entreprises et organisations constituent
bien des systèmes vivants, avec leurs cellules autonomes en relations complexes
(les gens), elles disposent aussi de cette capacité à se régénérer elles mêmes,
avec, à l'état latent, tous les ingrédients de leurs changements, de leurs
réparations, de leurs développements. Chaque "module vivant de
l'organisation" et je pense à chaque membre du personnel, possède pour lui
même toute cette autonomie créatrice et régénératrice. Mais en fait-il tout ce qu'il
peut ?
Les métiers de manager et de consultant ne
consistent, en effet, qu'à stimuler, donner à voir, laisser vouloir et
permettre de s'autoriser à faire. L'apporteur de solution a vécu. Le manager et
le consultant d'aujourd'hui sont devenus cet acteur modeste et discret qui
met en perspective les réalités de l'organisation, les articule avec des
"possibles", des "déjà fait ailleurs", des opportunités non
encore perçues, des potentialités internes ou partenaires. Il facilite simplement
ce que peut faire l'équipe, ou l'organisation, toute seule.
Il y a vraiment dans les organisations cette
force vivante à se régénérer, à se développer, à se réparer, celle, justement
que notre longue culture bureaucratique et taylorienne passe son temps à
défaire, empêcher, brider, ou carrément nier. Plutôt que d'adopter une
posture de "propriétaire de l'organisation", celle-là même que prône
l'approche de l'organisation scientifique du travail, il conviendrait plutôt de
prendre celle du jardinier. Un peu sous la forme propre aux "cultivateurs
des valeurs et des talents", celle-là même que prône l'approche du vivant.
Tout ce qui se rapporte à la gestion du vivant vaut pour l'organisation. Tout !
Ce que nous avons à changer dans notre regard,
puisque tous nos comportements viennent notamment de sa qualité, de son angle
d'approche, c'est l'admiration et l'émerveillement devant ce qui se passe sans
nous. Laissons-nous étonner par tout ce qui marche tout seul. Et cela se
passera mieux. Il me souvient de cet interview du sélectionneur de l'équipe de
France de Handball, Claude Onesta, où il explique qu'il lâche la
décision stratégique et surtout, qu'il la partage avec les joueurs.
L'effet est tel que les joueurs, sur le terrain jouent un autre jeu que celui
qu'il imaginait, ou même que celui qu'il avait cru comprendre s'installer. D'où
cette surprise, ces surprises, ressenties par lui au moment du match. C'est ça
aussi le management du vivant.
Nous sommes bien là, au delà du
principe de confiance, car le manager et le consultant prennent conscience
qu'ils ne sont pour pas grand chose dans la performance des équipes. Ils ne
sont là, comme nous l'indiquions, en tant que stimulateurs, ou libérateurs
d'énergie, des "donneurs à voir", des "articulateurs des
possibles",... et ils ne sont jamais aussi bons que quand
ils lâchent la décision... Est-ce un complexe d'existence qui pousse
les "décideurs" à décider, et à tout décider ? Illusion à peu près
totale, de surcroît !
Et d'ailleurs, pourquoi les
nomme-t-on "décideurs", puisque c'est justement cette fonction
qui s'avère abusive, inutile, voire contre productive dans le management
?... Il est urgent donc de changer de paradigme, car le monde va, et il ira
sans nous si nous sommes et restons à son contre courant. Les alternants
culturels sont de plus en plus présents. Ils se reconnaissent, se rassemblent,
et s'articulent pour l'action en réseau. Le début de la vague me semble déjà
là. L'organisation est bien vivante et poursuit sa croissance, son
développement. Le plaisir de faire l'arrose, l'irradie. Le déplaisir des
contraintes inutiles la nourrit aussi. Il est bien là le changement en
marche...
Jean-Marc SAURET
Lire aussi : "Le vivant, du principe au pratique"
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