L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Petite histoire du "Leadership"

La fonction leader, adossée à la notion de charisme, a fait l'objet de nombreuses publications. Elles ont avancé de l'enseignement, de la formation, voire des outils d’entraînements au leadership. Nous trouvons là des “méthodes” au but de développer des attitudes efficaces. Regarder “ce qui se passe” dans le leadership, en observant quelques grands leaders, permet de dégager un ensemble de spécificités ou caractéristiques sur lesquelles on imagine qu’il nous sera possible de travailler. Or, à l’usage, cela devient moins évident. Alors, le leadership, comment ça marche et quelles seraient les réelles voies de progrès ?

Nombre de publications sur le management dans les entreprises traitent du leadership. Etymologiquement, il signifie “ être devant ”, occuper la première place. Ceci qualifie autant un positionnement de l’entreprise sur le marché, le leadership institutionnel, que le rôle d’un individu dans l’entreprise elle-même : la fonction leader. Cette fonction soulève la question de savoir pourquoi des personnes en position légitime de commander ont parfois du mal à entraîner leurs équipes et comment des personnes institutionnellement non légitimes, ont ce pouvoir d'influence qui les caractérise comme leaders informels. 



Le charisme, dont on affuble habituellement les leaders, semble explicatif de ce phénomène d'autorité dite “ naturelle ”. Elle apparaît pour les uns comme une qualité personnelle innée, comme un don du ciel, et pour d'autres comme la conséquence de comportements que l'on peut apprendre à développer (Leadership-qualité versus leadership-activité). Ce dernier point fait l'objet de quelques pages dans les catalogues de formation des cadres et dirigeants. Il est aussi le sujet de nombreux ouvrages spécialisés où leadership et management des personnes ne présentent pas une frontière bien marquée.

La fonction leader convoque et articule différentes notions comme celle du rôle social dans les rôles de protecteur ou de bouc émissaire, de porte drapeau ou détenteur du savoir, d'animateur de groupes. La fonction leader confère au “ chef ” ce pouvoir de diriger “ les têtes et les cœurs ” pour lequel il est reconnu. Ceci nécessite un perpétuel ajustement dans ses relations avec le groupe. Leader charismatique et dirigeant manager ne se superposent pas systématiquement. L'intérêt des seconds est de devenir, s'ils ne le sont pas, les premiers.



Le leadership se distingue de la simple application de règles à une situation particulière. Il n'est pas une chek-list, une procédure exécutable. Il se distingue du management dont il est occasionnellement le moteur et auquel il participe en lui apportant une vision globale. Considéré comme la capacité à animer les gens, à les motiver, à les “ séduire et à les conduire, il est considéré comme une cerise sur le gâteau du management.

Alors, pourquoi étudier le leadership ? Parce qu’il est efficace, qu’il est rare et qu’il est considéré à priori comme charismatique et “naturel”. Cette dimension un peu mystérieuse, qui enveloppe le leadership, en a peut-être troublé les approches : l’étude habituelle du leadership consiste à repérer pourquoi il est efficace, à distinguer ses différentes modalités, puis à voir comment les mettre en œuvre.


Plus que de proposer une nouvelle grille descriptive – elles offrent toutes des avantages certains mais ne renseignent pas sur le “ comment ça marche ” – il est plus intéressant de tenter de comprendre la réalité de son système dans une approche qui prendra en compte la réalité dans laquelle les acteurs impliqués le reconnaissent et le font exister, ainsi que la réalité émotionnelle qui l’entoure et lui donne une certaine force. En un mot, nous regardons quelle est sa totale réalité fonctionnelle pour identifier les variables qui l’animent et sur lesquelles il est possible d’agir.
Ainsi, à l’aide d’exemples, un accompagnement cognitif personnalisé procure les moyens de construire son propre modèle. C’est ce à quoi le coaching cognitif s’attache en la matière.

Les approches descriptives

Il existe de multiples grilles qui permettent de décrire le leadership et, plus particulièrement, qui visent à identifier le comportement nécessaire pour devenir leader. Elles donnent une lisibilité chaque fois particulière mais toujours éclairante, bien que ces grilles soient circonstanciées et pensées dans des environnements propres, les observateurs tirant leurs enseignements des entreprises et des sujets qu’ils ont étudiés.

Les démarches habituelles que nous avons identifiées usent d’un principe d’ancrage des situations observées sur des réalités simples de notre vie de tous les jours. Ils tentent ainsi de trouver différentes valeurs constituant des appuis compréhensibles et facilement manipulables tant pour qualifier ce qu’est le leadership que pour le reproduire. Car telle est l’ambition de toute recherche et formation au leadership : pouvoir l'identifier comme une compétence transmissible et se l’approprier. Ainsi, on peut distinguer trois types de grilles d'observation propres aux différentes approches : des grilles de rôles, d’actions ou axiologiques.



La démarche la plus répandue consiste à qualifier un certain nombre de modèles de personnages, sortes de caricatures facilement identifiables. Ce sont celles que l’on peut appeler des grilles de rôles. Ainsi, Patricia PITCHER décrit dans son étude[1] les capacités d’artiste, d’artisan et de technocrate du leader-manager en leur reconnaissant une efficacité inégale. Robert DILT et Gino BINISSONE[2] identifient le rêveur, le réaliste, le critique, la meilleure efficacité étant à l’actif du réaliste.
De son côté, Rensis LIKERT, sur un mode plus pragmatique, se rapproche davantage de l’action en proposant une catégorisation autoritaire exploiteur, autoritaire paternaliste, consultatif, participatif[3]. Sa classification est déjà en rapport avec les structures dans lesquelles les leaders évoluent. R.R. BLAKE et J.S. MOUTON ont établi une grille plus complexe à cinq pôles[4] : l’anémique, le social, l’autocrate, l’intermédiaire, l’intégrateur. On peut s’apercevoir que dans cette grille il ne s’agit plus de catégoriser les leaders mais d’identifier lesquels des managers peuvent prétendre à être des leaders.


Ainsi, P. HERSEY et K. BLANCHARD définissent des styles pour des cibles comme les attitudes les plus appropriées à ces situations[5]. Ce sont là des approches de réponses directes à des problèmes de gestion humaine particuliers. Cette grille en quatre cas propose d’adopter un comportement directif devant une population qu’ils qualifient de peu mature. C’est-à-dire que ces acteurs-là n’ont ni maîtrise des enjeux de l’entreprise, ni de compétence réelle et précise à offrir pour y répondre, et n’ont plus la motivation suffisante pour agir par eux-mêmes. Ils proposent en second une attitude de motivation pour un public à maturité moyenne / faible, soit ayant peu de maîtrise mais une motivation forte. En troisième cas ils proposent un comportement participatif pour une cible à maturité moyenne / élevée, c’est-à-dire ayant une connaissance des exigences et une certaine maîtrise des compétences mais possédant peu de motivation. Ils proposent dans un quatrième cas d’opter pour une politique délégataire en direction des cibles à maturité haute, c’est-à-dire présentant un engagement total des acteurs.



Il s'agit effectivement là plus des règles d’aide au management que d’une analyse du leadership. Quoique ayant une portée pratique certaine, ces prescriptions souvent trop courtes ne permettent en aucun cas ni d’identifier ce qu’est la nature du leadership ni de trouver des leviers pour l’actionner. Elles participent même à banaliser un phénomène sur lequel, il est vrai, la raison a peu de prise.
Une deuxième catégorie d’approche propose un certain nombre d’actions indispensables qui favorisent le leadership. Ce sont ce que nous appellerons des grilles d’actions. En la matière, ce sont de grands ténors du management, ayant un véritable statut de gourous, qui ont fait les propositions les plus remarquées. Ainsi, Henry MINTZBERG propose trois actions majeures qu’il décline et commente [6] : communiquer, décider, accompagner, que l’on peut aussi traduire par “ contacter, décider, informer ” (Nous retrouverons ces différents thèmes, peut être déclinés de manière un peu différente, dans notre deuxième partie).



De son côté, Warren BENNIS propose de comprendre l’attitude globale de leader dans le concept d’architecte social dont la quadruple préoccupation consiste à gérer un certain niveau d’attention autour de lui, à gérer le sens perçu des actions qu’il mène, des événements qui l’entourent et des objets qui sont manipulés[7]. Cela consiste aussi à gérer la confiance, tant celle qu’il porte que celle qu’il provoque, et qu’on accorde à lui-même, et aux différents acteurs, qu’ils soient partenaires ou concurrents de son projet. En dernier lieu, il convient à cet architecte de gérer soi-même, c’est-à-dire tant son positionnement social et hiérarchique que l’écart de l’image qu’il donne avec celle qu’il se doit de donner. Nous sommes là en présence d’un programme complexe qui tente de s’appuyer sur ce que BENNIS comprend des caractéristiques fondamentales du leader. Pour lui, en effet, il ne s’agit plus de bricoler une attitude favorable mais de réellement apprendre à être leader. Il croit à cette possibilité et il la professe.

John ADAIR  approche le leader-manager selon le principe d’un “enseignement orienté action”[8]. Cette attitude consiste à planifier, préparer, contrôler, encourager, informer, évaluer tant ses collaborateurs que son propre projet. Cette démarche offre l’avantage d’incorporer clairement et donc très salutairement le leadership à l’action d’accompagnement des collaborateurs. C’est là une association de concepts qui ramène le manager à ses réelles obligations, nécessités  et préoccupations.
Se rapprochant encore davantage de la réalité fonctionnelle du leadership, certains chercheurs, même très anciens, ont travaillé à reconnaître non seulement les qualités humaines nécessaires au leader mais les caractéristiques qui ont permis de l’amener à ce statut. Déterminant des axes favorables à l’établissement du leadership, ils ont établi ce que nous appellerons des grilles axiologiques.


Max WEBER[9] est connu et reconnu pour son triptyque du pouvoir : charisme, légitimité, rationalité. Il donne précisément à voir qu’il existe des critères de la personnalité, des critères sociaux ainsi que des critères de pure logique. Le premier est lié au passé et à la structure (la légitimité), un autre au présent et à la personnalité (le charisme), le troisième se projette dans l’avenir, c’est le prospectif contrat (la rationalité).

Ce qu’avait introduit Max WEBER, cette notion d’un être dépendant du social, de l’environnement et du temps, a quelque peu été oublié par nombre de ses successeurs sur ce sujet. Ce fut le cas de Charles HANDY[10] dont les critères axiologiques restent polarisés sur les compétences de l’individu : intelligence, initiative, assurance personnelle. Au-delà de cette remarque, son apport est fondamental : il affirme ainsi un principe de consistance qui est indispensable au leader, et il en donne le fondement nécessaire : la conviction. Il pose aussi ce trait de caractère d’intelligence, tout aussi indispensable, et qui consiste, entre autres, mais particulièrement, à intégrer les perspectives et les savoirs de ses collaborateurs.



Au-delà de ces grilles utiles, un certain nombre de contributions ont apporté des points de vue qui ont participé à étayer et préciser la dimension, la portée et l’identité du leader. Reprenant les idées de Max WEBER, M. BASS appelle les candidats au leadership à interpeller les acteurs au niveau de leurs émotions[11]. Cette dimension, apparemment si éloignée de la raison, lui est en fait étroitement liée, peut être comme un appui, parfois comme une contrainte. Il en appelle au charisme, mais aussi à la reconnaissance individuelle de chacun de ses partenaires, et à l’émulation intellectuelle.
Si les deux premières propositions évoquent effectivement de manière directe la nécessité de considérer la part affective qu’investissent les gens dans les rapports en groupe, il pose dans la troisième la responsabilité de la formation que portent les leaders. Il pose en effet et par extension, que le leader est responsable des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les buts de l’organisation. Mais justement, quelle est la portée des buts, des objectifs ou des enjeux dans la qualification du leader ?

M. BASS affirme que ce ne sont pas les traits particuliers du candidat au leadership qui le portent, mais le fait que la configuration de ses spécificités personnelles (son caractère et ses compétences) sont en accord avec les besoins, les attentes, les spécificités personnelles et les projets des personnes qui le portent dans la position de leader. Ce n’est donc pas par sa seule volonté, ni par ses propres compétences que le leader arrive, mais par son adéquation personnelle et celle des projets qu’il endosse avec les  espérances de son public. Le leader est donc comme aspiré par le groupe. Cette donnée est fondamentale.
G. HOMANS, après avoir observé les comportements de relations de travail, reprend les conclusions de l’ethnologue MAUS sur le rôle des dons et du retour des dons qu’il appelle “ contre-dons ” : on domine en acceptant de partager. En effet, le dirigeant à l’écoute prend l’ascendant sur les collaborateurs auxquels il prête son attention. P.M. BLAU reprend aussi cette notion de l’usage du don et du contre don affirmant que celui, dans l’entreprise, qui donne ou rend service prend un ascendant sur ceux qui sont, de ce fait, devenus ses créanciers.

Mais ce n'est pas tout. On peut vraiment aller plus loin, développer une réelle capacité de leader, travailler cette posture particulière, optimiser son action et son ancrage. Pour cela, on poursuivra la lecture dans l'ouvrage "Le management Post-Moderne. Comprendre concevoir communiquer" chez L'Harmattan, au chapitre dédié. Tout y est. Bonne lecture.

Jean-Marc SAURET
Mis en ligne le vendredi 27 décembre 2013
(in "Le management Post-Moderne", Jean-Marc SAURET, Coll. Dynamiques d'entreprises, L'Harmattan, Paris 2003)




[1] Pitcher Patricia, Artistes, artisans et technocrates : l'élite qu'on mérite? préf. Henry Mintzberg, Village mondial, 1996
[2] R. Dilts, G. Bonissone, Des outils pour l'avenir, Desclée De Brouwer, la Méridienne, 1995
[3] Likert Rensis, New Patern of Management (Le gouvernement participatif de l’entreprise, Gauthier-Villars 1961)
[4] R.R. Blake & J.S.Mouton, The New Managerial Gird, Gulf Publishing , 1978.
[5] P.Hersey & K.H.Blanchard, Management of Organisational Behavior, Prentice Hall, 1982.
[6] Henry Mintzberg, John P. Kotter,  Abraham Zaleznik et al. préf. Franck Riboud, Le leadership, publ. L'Expansion Management Review, Ed. d'Organisation, 2000
[7] BENNIS W., Profession : leader (On Becoming a Leader, 1989), InterEditions, 1989
[8] Adair John, Le leader, l’homme d’action, (The Action Centred Leader) Top Edition, 1991
[9] Weber M., Types d’autorité, in A.Lévy, Psychologie sociale, Dunod, 1972
[10] Handy Charles, L’Olympe des managers : culture d’entreprise et organisation (Gods of Management) Ed de l’Organisation 1986
[11] Bass B.M., Leadership and Performance beyond Expectation, The Free Press, 1985

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