L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Pourquoi un management humaniste (05 04)

Avant de se poser la question du "pourquoi une démarche plutôt qu'une autre", il convient de dire ce qu'elle est véritablement, de quoi il en retourne. Sur le management humaniste, j'ai publié en effet trois ouvrages : "Chroniques pour un management humaniste, Vers l'autonomie fertile" (2014)* ; "Management humaniste, Les raisons de la métamorphose" (2017)** ; "Manager pour un monde meilleur, L'humanisme comme efficience" (2020)***.

Nous comprenons que le management directif, le management par la peur, par la contrainte, la menace ou l'intérêt, bien que de retour, sont délétères et contreproductifs. Il me revient encore une fois cette phrase d'Yvon Gattaz en 2003 à l'Ecole militaire à Paris devant un parterre de dirigeants et entrepreneurs, alors qu'il était le patron du CNPF : "Mettez du contrôle et vous aurez des tricheurs. Mettez de la confiance et vous aurez de l'efficience."

Le management humaniste consiste à considérer l'autre, quel qu'il soit, comme un autre soi-même, en intelligence, en valeurs et en intérêts. L'argument vaut même si ceux-ci ont leur propre axe, leurs propres champs. La devise d'un tel management est bien d'aimez les gens et le travail bien fait. Tout le reste, ensuite, ira de soi ! Et ceci vaut pour toutes les relations humaines, pour tous les projets, pour toutes les dynamiques. Cette assertion constitue un invariant dès lors qu'il y a des êtres humains impliqués et concernés.

J'ai bien souvent vu des managers et patrons s'imaginer qu'ils devaient tout savoir de leur métier et de leur organisation, tout contrôler. Ils pensaient qu'ils devaient aussi décider de tout, que c'était là leur rôle et leur fonction. Pour ces raisons, ils ont connu des résistances, des évitements habillés de maquillages et de tricheries. Ils ont même vu les départs de leurs meilleurs collaborateurs et collaboratrices.

J'ai bien souvent vu des managers et patrons préférer demander conseil à des cabinets extérieurs plutôt qu'à ses propres collaborateurs. Ce sont pourtant bien eux qui ont le nez sur les problématiques et se les "mangent" chaque jour. Ce recours systématique à "l'extérieur", largement répandu, a un effet désastreux sur les acteurs et semble leur jeter au visage : "Je n'ai pas confiance en vous. Vous n'êtes que des exécutants. Vous ne pouvez pas savoir !"

Il est vrai que, consultant-chercheur à l'ENSPTT (Ecole Nationale Supérieure des PTT) durant plusieurs années, j'ai lu un certain nombre de rapports et d'études achetés chers à des cabinets-conseil privés. Ils avaient tous la même caractéristique de resservir ce que les opérants savaient déjà. D'ailleurs où allaient donc leurs consultants pour trouver les éléments d'analyse et de réponse ? Auprès de ceux qui exécutaient les tâches de l'œuvre. Ceux-ci savaient exactement ce qui marchait, ce qui dysfonctionnait et pourquoi.

Je me souviens très exactement de ce rapport sur les centres de tri de la poste produit par un cabinet privé dont je tairai le nom. Il a exactement reproduit ce que les postiers de ces centres opérationnels savaient déjà, à savoir les dysfonctionnements et surtout ce à quoi ils étaient liés. Il aurait suffi simplement de convoquer quelques collaborateurs de terrain, quelques représentants du personnel, et l'affaire aurait été connue avec plus de justesse, de finesse, plus vite et à moindres coûts. Les opérants auraient aussi pu mettre en œuvre avec exactitude, précision et adaptation, ce qu'ils savaient indispensable. On peut considérer comme topiques les recommandations qu'ils avaient participé à construire. Il n'y a pas de meilleur acteur pour trouver les solutions "sur place".

C'est d'ailleurs le sujet sur lequel j'ai fait ma thèse de sociologie des organisations. Elle a fait l'objet d'une publication qui a été autant plébiscitée par les dirigeants des PTT que par les syndicalistes ("Des postiers et des centres de tri, un management complexe", Coll. Logiques sociales, l'Harmattan, Paris, 2003).

L'autre effet délétère de ce type de démarche déléguées en externe, non seulement dégradante pour les "opérants du cru", c'est aussi qu'elle produit une observation qui ne sera pas prise en compte par eux car il s'y reconnaissent comme étant accusés des dysfonctionnements. Je n'ai jamais vu un cabinet donner son client responsable du dysfonctionnement. Alors qui voulez-vous qui en soit responsable ? Dont acte... D'ailleurs, les conseils des cabinets allaient toujours vers plus de contrôle et de vérifications. Ceux qui les ont reçus peuvent témoigner...

Ce management ne fonctionne plus vraiment et trouve ses limites amères. Actuellement, les gens se réveillent et j'en veux pour preuve ce long mouvement en occident où les personnes quittent leurs emplois pour un monde meilleur, quitte à gagner moins. On nomme ce mouvement "la grande démission". Un article récent publié dans Forbes affirme que la vague de démissions prouve que quelque chose est en train de se déliter, ou de "pourri" sur le lieu de travail. On retrouve sempiternellement les mêmes thèmes : des horaires intenses, des salaires insuffisants, des conditions de travail difficiles, associé à un manque de moyens et d'écoute. On y rencontre aussi des attitudes toxiques ou menaçantes de la part des employeurs, celles-là même qui poussent de plus en plus d’employés à quitter l'organisation.

En adoptant une posture humaniste, respectueuse des gens, donc à leur écoute, on associé vraiment les personnes. De même, c'est en les intégrant à la prise de décision, que l'on disposera des meilleures informations remontant du terrain. Elles seront précises au local, avec tous les éléments de réponse pour faire sauter les verrous et rendre l'organisation fluide et efficace. 

Après des années d'accompagnement des acteurs, d'analyse des organisations, j'ai toujours perçu que la grande majorité des acteurs ont besoin d'être fiers de leur travail, d'être reconnus à la place qu'ils occupent et pour les apports qu'ils font à une organisation à laquelle ils ont tout aussi besoin d'être fiers d'appartenir. Et des patrons et managers voudraient leur passer sur le corps ? Aveuglés par de "brillantes" études, il sont dès lors aveugles à l'idiotie de leurs pratiques apprises. Le décalage semble d'ailleurs s'accentuer au moment même où le fossé se creuse.

Les dernières crises provoquées par ces derniers gouvernements nous ont montré à quel point le mépris, l'arrogante absence de courage et l'incompétence ont été l'apanage de nombre de nos dirigeants. On dirait même que leur mépris et proportionnel à leur incompétence. Comme l'écrivaient en 1994 Heidi et Alvin Toffler dans "Guerre et contre guerre", les collaborateurs sont les premiers sous-traitants de l'entreprise. On ne les paie pas seulement en salaire mais aussi en retour de considération, en partage d'informations et de décisions. Bref, en place dans la vie de l'organisation.

Cette culture néolibérale produit des luttes des places, comme l'a si bien décrit le sociologue clinicien Vincent de Gaulejac. Mais cette culture est en fin de vie et la prochaine, déjà en cours, sera humaniste ou ne sera pas. Ce sera alors "l'ère des soulèvements", comme l'a brillamment écrit le sociologue Michel Maffesoli. Les postmodernes et néolibéraux, encore à la manœuvre, résistent. Ils combattent à la fois la violence et le totalitarisme absolu. Mais ils sont déjà hors jeu, voire presque morts. Comme nous le voyons là, ce n'est pas faute d'être informés... Il n'y a pas plus sourd que l'ignorant volontaire.

Comme l'observait Paul Watzlawick, ce dont nous considérons les autres aspire non seulement leurs postures mais aussi tous leurs comportements qui en découlent. Nous sommes assurément coresponsables des résultats. Dans ces conditions, pour une meilleure efficience de nos organisations, soignons en pratique nos considérations des gens : c'est d'abord dans nos tête et nos regards que ceci se passe. Cessons aussi de parler de collaborateurs et d'employés, mais de personnes et de gens. Comme disait inconsciemment mais avec une vraie justesse, un patron, et pas des moindres : "Le seul responsable, c'est moi ! Qu'ils viennent me chercher !" Et je crois me souvenir qu'ils sont venu, et qu'il les a fait châtier.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 5 avril 2022

* Chroniques pour un management humaniste, Vers l'autonomie fertile (Coll. Dynamiques d'Entreprises, L'Harmattan, Paris, 2014) - Manager, diriger une entreprise, une organisation, devient de plus en plus complexe. Ce n’est pas une crise que nous vivons. Le monde a changé et le virage ne sera pas facile à prendre pour tout le monde. Partagés entre la nécessité gestionnaire et le développement de leurs dynamiques d’entreprises, dirigeants et managers ont besoin de réagir vite et juste. Si rien n’est simple, de nouvelles voies sont ouvertes. La dynamique d'une organisation repose entièrement sur sa dynamique humaine.

** Management humaniste, Les raisons de la métamorphose (Coll. Dynamiques d'Entreprises, L'Harmattan, Paris, 2017) - On a pensé un temps que le monde vivait une crise. Et puis nous nous sommes rendu compte qu’il avait simplement changé. On a pensé que les nouvelles générations était différentes des anciennes. Et puis nous avons compris que nous avions tous bougé, jusque dans nos liens sociaux. Ce qui nous tient debout, ce qui nous fait vivre, a pris les sentiers de l’émotion et de la réalisation de soi. Nos valeurs ne sont plus les mêmes et l’entreprise où nous exerçons ne fonctionne plus de la même manière. Burn out, bore out, souffrances au travail, plaisir et fierté de son métier, sont les symptômes d’organisations bousculées par le développement d’autonomies fertiles et l’incapacité de nombre de managers à canaliser ces vagues. Entreprises libérées ou agiles sont les symptômes d’un monde qui change et invente ses solutions. Nous savons que l’organisation n’a rien d’une horloge, rien d’une mécanique, mais qu’elle est un ensemble vivant fait de personnes vivantes. L’humain est son cœur et donc manager efficacement est devenu humaniste par pragmatisme.

***  Manager pour un monde meilleur, L'humanisme comme efficience (Coll. Dynamiques d'Entreprises, L'Harmattan, Paris, 2020) - ''Manager pour un monde meilleur'' relève de cette invitation de Gandhi à devenir le monde que l'on espère. Après avoir indiqué ce qu'est le management humaniste (Chroniques pour un management humaniste, vers l'autonomie fertile, 2014), puis montré l'inéluctabilité de son avènement (Management humaniste, les raisons de la métamorphose, 2017), je me penche ici plus précisément sur le comment. Le principe se résume dans l'assertion : ''Aimez les gens et le travail bien fait, alors tout le reste ira de soi ! ».


Lire aussi : "Gestionnite et dictature du chiffre"



1 commentaire:

  1. Management et humanisme sont deux mots incompatibles dans cette société du profit et de la performance. Quant a l'humanisme, il est mort et a laissé place aux brutalités visibles tous les jours au 20h. Il n,y a rien a attendre des êtres humains, nous sommes incapables d' intelligence collective. Nous n'avons rien appris de l'histoire, dommage...

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