Nous sommes une civilisation du bruit et des poubelles*. Il suffit de circuler dans les embouteillages pour humer profondément cette réalité. Les bords des voies urbaines sont aussi pleins de déchets en tous genres, bouteilles en verres ou plastique, emballages, mégots et papiers, etc... C'est là la majeure partie de ce que nous produisons : du bruit et des poubelles. Nous consommons, surconsommons et rejetons du bruit et des déchets. Nous sommes cette société de la dévoration et nos maladies majeures tournent autour de cette dévoration, tant en excès qu'en indigence : anorexie, obésité, cancers, etc...
Nos comportements de consommateurs sont exigeants, voire totalitaires : "J'ai droit à...". J'avais déjà indiqué que ce comportement d'ultra-consommateur m'évoquait l'image d'un enfant de cinq ans : centre du monde et ultra exigeant, capricieux et totalitaire. C'est du moins l'image qu'en restituait Freud. Il se trouve que cet enfant de cinq ans vit ce que l'on appelle le "stade anal", stade de la toute-puissance, de forme paranoïde. La colère d'un tel enfant m'évoque l'assourdissement par l'ivresse et le bruit que l'on retrouve dans lesdites fêtes adolescentes (prolongées) que sont les raves parties ou les soirées en boites, voire chez l'un, chez l'autre : un plein de sensations jusqu'à saturation (laquelle ne vient jamais) dans une célébration exacerbée de l'oubli d'un soi réel. Nous sommes bien dans une période sociétale de stade anal.
Que serait alors la phase suivante ? Une société génitale ? Oui, et elle est en train de monter progressivement, crescendo. Il s'agit d'une société de la rencontre et du partage, de la coopération, du rapport à l'autre, aux autres, où l'on s'unit pour faire, pour créer, pour réaliser et se réaliser. Il s'agit bien là de l'émergence de cette société "d'alternation culturelle", centrée sur l'œuvre à produire ou co-produire, fondée sur un pragmatisme intuitif, la personne engagée, le réseau connecté et dans un contexte d'intemporalité. Ici, la création est contributive. La promesse est la réalisation. La démarche est expérimentale et non plus exploratrice.
C'est ce monde là qui s'ouvre aujourd'hui à nous. L'autre monde est obsolète, destructeur, épuisant les gens et les richesses dans une ultra-consommation obsessionnelle. Ceci me fait penser à l'oiseau coucou dont l’œuf éclot dans un nid qui n'est pas le sien et dont les "parents" vont s'épuiser à le faire grandir, à le rendre autonome, jusqu'à ce qu'il prenne son envol. Il faudra bien que cette "enfance post-moderne anale" prenne un jour son envol sous peine de voir le monde s’effondrer sous les déchets et l'épuisement des ressources.
Les alternants culturels sont déjà là et n'ont attendu personne pour générer leurs œuvres, leur lien social d'interdépendance et de coopérations, leur projet de société de personnes engagées, sans patrons ni leaders, et ce hors de toute consommation exubérante, dans le plaisir de s'associer pour faire, dans ce plaisir génital de se co-réaliser, dans l'action créatrice, génératrice...
* Voir notre article : "La société des loisirs et des ordures"
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 23 août 2016
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