L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Le conseil "posturologique" : un coaching de coévolution

Nous voyons le monde changer sous nos yeux. Les cultures évoluent. Les attentes personnelles et sociales se différencient, se « tribalisent ». Les métiers se transforment, certains disparaissent pendant que d’autres s’inventent. De la même manière, les métiers du conseil et de l’accompagnement évoluent. Certains ne trouvent plus leur marché quand d’autres résistent encore ou se transforment au frottement avec les bénéficiaires, utilisateurs ou clients. La confrontation d'un traducteur de regard (cf mon article du 17 avril) vient nous en provoquer l'aperçu.
Ainsi la mutation sociétale de moderne à postmoderne, comme l'a décrit le sociologue Michel MAFFESOLI (1), a vu le métier du conseil passer d’une offre technique et procédurale (le « Comment faire, comment s’y prendre ») à une offre de développement de la personne. L’émergence de troubles identitaires avec les générations dites « Why », que l’on indique par la lettre Y (2). Cette mutation a favorisé le développement d’un coaching de développement personnel. Si ce besoin de développement est bien réel, sa mise en marché relève très certainement de cette évolution sociétale. Ainsi, les procédures PNL et AT ont elles trouvé un champ d’usage.

Nous nous souvenons que la psychanalyste canadienne Hélène RICHARD considérait cette phase post-moderne comme une époque de transition comme a pu l’être la renaissance entre moyen âge et modernité. Elle pensait voir arriver un « temps d’après ». Nous le qualifions d’alternance culturelle, où se développent de nouvelles postures non consommatrices mais plus utilisatrices, moins émotionnelles et plus pragmatiques, moins tribales et plus personnalistes, moins dans l’immédiateté et plus dans une certaine intemporalité. Nous sommes en train de passer d’une barbarie à visage humain, selon le terme de Michel MAFFESOLI, à une « an-archos humaniste ». Nous passons du fractal au global et, s’il se développe des identités qui ne doutent pas mais se connectent et s’adaptent, l’accompagnement de la personne, s’il doit suivre cette évolution, est en train de passer d’un coaching émotionnel procéduré à un accompagnement connecté et cognitif. De quoi s’agit-il ?

L'ethnopsychiatre Tobie NATHAN indiquait que les pathologies, qu'elles soient psychologiques ou physiques, sont inscrites dans des cultures et donc qu’elle se « soignent », se traitent dans le cadre de ces cultures. Ainsi, il qualifiait dans un de ses écrits la psychanalyse de pratique d’ici et maintenant, indiquant qu’elle ne « marchait » pas dans les cultures ayant d’autres croyances (peut être parlait il des seules pratiques curatives et non des démarches de recherche). Car, croyez vous que, nous mêmes, nous n’avons pas de croyance ? Au-delà du fait que ceci en est une, il est un fait qu'elle structure nos rapports sociaux, nos « être ensemble » (3). Certes, la logique de marché, le besoin de croissance, l’hégémonie de l’économie, tout ceci, par exemple, fait « pilier » de croyances.
Ainsi, nous accompagnons toujours aujourd'hui dans la culture et les « croyances » de nos bénéficiaires. Ce qui caractérise ces alternants culturels émergents est bien l’autonomie et la certitude que les choses se font en coopération, que les gens ont ce besoin de se rassembler pour construire. Dès lors, chacun sait, apprend, découvre. Le savoir ne hiérarchise plus rien dans les organisations mais devient une simple donnée qui circule. Les rapports deviennent égalitaires. Les organisations bureaucratiques "sont mal" et deviennent de plus en plus violentes.
Pourrions nous dès lors accompagner nos clients dans une posture de sachant, avec des procédures et des outils complexes ? Certainement plus maintenant. Ors, ce qui fait le lien social aujourd'hui et le « frottement » des personnes et des postures. Qu’y cherchons nous ? … seulement mieux comprendre pour agir mieux ou juste. Ces confrontations-débats qui animent les marges de nos organisations sont les zones de création, de productions, celles sur lesquelles le marché parie aujourd'hui : ladite consommation participative (qui relève plus d'une logique d'usage que de consommation), le réseau, les coopérations, les mutualisations, etc.
L’accompagnement marche dans les pas de ces postures. L’accompagnement efficient aujourd'hui, dans nos populations montantes, « est » cette rencontre de personnes, ce frottement des présences où s’expérimente une autre voie. L’aidant devient donc un quidam, un « expériencé », et non pas un sachant, même s’il tire une connaissance, une certaine sagesse, de l’expérience (voilà pourquoi j’évite le terme d’expérimenté). L'aidant s'avère donc être celui qui agit, réagit depuis sa personne profonde, construite dans un parcours, dans une expérimentation propre. Dans l’accompagnement, il réagit moins à la proposition/présentation du « client » qu'il ne vit plutôt, agit en tant que personne dans le champ ouvert là par l’autre, le demandant.

Pouvons nous regarder de plus près ? Comment sommes nous nés à nos sociétés, si non par le frottement avec les gens qui nous ont fait repères ? Marx disait que l'homme est démiurge de l'homme, c'est à dire que c'est l'homme qui se fait lui-même, et chacun dans l'entre soi, répondait Lacan. Selon Marx, le moyen par lequel il se fait serait précisément le travail. Et nous même, dans nos vies ordinaires, nous nous sommes tous construit, non pas accompagnés de « sachants », de virtuoses des procédures, d’experts de l’éducation et des comportements, mais dans le frottement de personnes réelles que nous avons aimé et haï et réciproquement.
« Le monde me résiste, disait Serge MOSCOVOCI, et de cette difficulté, j’apprends et me construit ». C’est bien du frottement avec un être réel, vivant, là, que ma conscience évolue, se transforme, que la nature de mes décisions bouge, que mes postures changent. Alors, aujourd'hui, l’accompagnement relèvera de plus en plus de cette démarche dont le bénéfice n’est plus pensé en sens unique. Il me souvient cette remarque pratique d’un maraîcher : «  Quand j’arrose mes légumes, il y a toujours quelques goûtes pour moi ». Il y a là une réelle démarche de co-évolution où l'accompagnant aussi, comme l'accompagné, apprend de sa propre pratique. Alors, nous pouvons dire que, dans une démarche d’accompagnement cognitif, nous sommes dans une démarche de co-évolution.
Nous nous souvenons de certains de nos amis d’enfance et autres compagnons de route pour qui nous avions une considération bienveillante car « les pauvres en avaient vu de belles et ils n’en sont pas sortis indemnes ». Il y a pour l'accompagnant une nécessité de distance avec le douloureux des expériences fondatrices. En effet, il y a dans la posture de l’accompagnement le près requis d'un développement personnel. J’oserais pousser la comparaison de l’éducation des enfants jusqu'à celle par des grands parents. Qu’en disons nous : « Ils n’ont pas la responsabilités ! Ils n’en ont que le plaisir ! Ils savent s’y prendre sans se prendre la tête ! Il ne s’angoissent plus et voient venir… »
Alors, j’imagine que nous avons besoin, dans ce nouveau métier de l’accompagnement, de devenir des grands parents, bien conscients de ne pas tout savoir, en tirant là une sagesse bienveillante. Bien « expériencés », les accompagnants tirent de cela la bonne distance avec le bénéficiaire, sans enjeux personnels, sans projection ni commande abusive. Le pendant de « Il fera bien ce qu’il voudra, le petit… Il n’y a pas à s’inquiéter pour cette petite » devient alors « Il - elle - est bien libre et responsable de ses choix et son chemin s'éclaircit »...
Ce regard bienveillant est particulièrement salutaire (et nous savons combien les grands parents, en général, « aiment » leurs petits enfants). Nous savons à quel point, comme l’indiquait Paul WATZLAWICK, le regard de l’autre « effectue » sur le regardé. Il écrivait que nous avons tendance à devenir ce qu’on nous regarde et considère. Des expériences risquées de ces élèves sur des enfants en maternelle avaient conforté vivement cet aperçu : modifier le regard de la maîtresse était modifier le parcours de l’enfant… Il indiquait aussi à quel point nos croyances forgent notre destin et il avait nommé ce phénomène la « prophétie réalisante ». D'autres cultures indiquent que l'on devient ce que l'on regarde... la "mécanique" serait donc réciproque.
J’avais un jour ouvert une conférence sur le management auprès de dirigeants par ces mots provocateurs : « Si vous n’aimez pas les gens dont vous vous occupez, changez de métier ». Il y a de cette nécessaire et inévitable empathie véritable et profonde dans le management et l’accompagnement des personnes.

Ainsi, nous voyons là combien l’accompagnement devient un « vivre auprès », une clinique. Nous voyons bien aussi à quel point le demandeur est plus en quête d’éléments de compréhension que de solutions. Les solutions, soit il (elle) les a, soit elle (il) se les fera… Nous voyons aussi combien la posture d'accompagnant ne relève d’aucune intellection mais du vivant, de la co-construction d'une intelligence partagée, d'une dialectique posturale, des regards. Alors, peut être devons nous abandonner les mots de « formation » et d’« apprentissage », au profit du concepts d’initiation, soit de transformation dans le vécu. Il ne s’agit donc plus, en effet, de former des « sachants » qui vont exercer, mais de « posturer » des accompagnants comme se sont « posturés » les grands parents dans l’aventure de leur vie.
Nous avons donc plus besoin de pratique que de cours, plus de groupes d’échanges d’expériences que d’universités ou d’écoles, plus de parcours vécus que de transmissions, plus de sensations que de théories, plus de grand parents de l’accompagnement auprès de qui le frottement affectueux et bienveillant viendra révéler des « étant émergeants » qui, continuant de les nourrir, seront utiles aux autres, à leur développement, à la résolution autonomes de leurs contraintes, à l’évitement ou pas des risques, à l’installation dans des solutions qui leur iront bien. Alors peut être, ces sages, délivrés d'a priori et de partis pris, « aspireront des demandants » avides de devenirs un jour à leur tour sereins, détachés et bienveillants... grands parents. Il s'agit donc bien de faire évoluer nos postures.
Jean-Marc SAURET
Le mardi 23 aout 2014

1 - Michel MAFFESOLI, Le temps des tribus, Ed. La Table Ronde, Paris, 1988
2 - Anonymus. Adversing Age. (Midwest region edition). Chicago : Aug 30, 1993. Vol.64, Iss. 36 ; pg. 16, 1 pgs
3 - Cf. Jerome BRUNER, Car la culture donne forme à l'esprit, De la révolution cognitive à la psychologie culturelle, Eshel, Paris, 1990   ;   Peter BERGER & Thomes LUCKMANN, La construction sociale de la réalité, Armand Colin, Paris, 1996



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos contributions enrichissent le débat.