Dans les organisations, la résolution de situations
complexes, voire bloquées, relève bien évidemment du choix du remède. Or, ce
choix relève de la représentation que l’on se fait de la situation.
- Nous pensons parfois qu'il s’agit d’une crise et donc ce moment paroxystique
d’irritation doit s’arrêter pour laisser place au retour à la situation
précédente, vu comme le "normal". Le remède est alors de
"soigner", comme l'aspirine pour le mal de tête.
- D’autres fois, nous pensons qu'il s’agit d’un changement, d’une mutation par
pression de l'environnement. Le remède est alors de "s'adapter",
d'accompagner le mouvement comme un surfeur sur la vague.
Mais les acteurs, impliqués ou
concernés, ne regardent pas la situation du même bord de
l’événement. Chacun regarde la situation à l’aune de ses préoccupations,
de ses objectifs, de ses intérêts. La résolution de la situation sera d’autant
plus complexe que les visions seront disparates.
Comme une situation est toujours un système
de relations humaines (cf. Hersey et Blanchard, "Le management
situationnel"), les points névralgiques sont dans les postures des acteurs
: d'où regardent-ils la situation ? Et, bien sûr, tout le monde a raison... Il
arrive même qu'une situation de changement, de mutation, soient aperçue comme
une situation de crise par nombre d’acteurs. Problème...
La démarche de résolution ne peut pas
passer par une Nième visions d'un Nième acteur, aussi savant
ou pertinent soit-il. Elle ne peut pas non plus passer par un nouveau
processus à mettre en place, un remède topique. Elle passera par la
rencontre et la "conciliation" des points de vue des différents
acteurs.
Rien avant ça n'est possible car,
alors, tout ce qui serait dit ou proposé serait traité par chaque acteur à
l’aune de son seul point de vue. Tout serait traduit, interprété, imaginé, supputé,
reconstruit, mis en case et mis en cause au filtre de ses propres
préoccupations. Nous reconnaissons là bien des situations que nous avons vécues.
Face à cette complexité, comment réagissons nous ? Nous avons
habituellement une curieuse tendance à trier les postures de manière à faire
émerger la plus juste, la plus vraie. Mais qu’est-ce que la plus juste, la plus
vraie ? Qu'est-ce que la vérité, après tout ? Faisant cela, nous partons
du principe qu’il y a une réalité vraie et plein d’erreurs autours, remplies de turpitudes et de vilenies. Pour faire émerger cette vérité vraie, nous
usons du jugement. Mais en vertu de quelle loi, de quelles variables, de quels
critères absolus et incontestables ? Un nouveau débat inextricable
commence alors. Nous sommes encore très loin de la sortie du tunnel…
Et si, au lieu de rechercher la
« vrai posture », celle qui a le plus raison, celle qui est la plus
vraie (et dont nous avons compris qu'elle n'existe pas), nous cherchions la conciliation des regards ?... Après tout, ce sont les
gens eux mêmes qui sont responsables et connaisseurs de leurs propres points de
vus. Ne sont-ils pas les pilotes de leurs stratégies, de leurs postures, de
leurs démarches ? Chacun pense avoir les meilleurs atouts, les meilleurs
indicateurs et référents pour justifier de la "vérité" de sa
démarche. N’est-ce pas ?
Et donc, si, au lieu de rechercher la " Vérité absolue ", nous recherchions l’entente des acteurs ? Il ne s'agit pas
de chercher un compromis mais de co-construire la troisième voie, partant du principe qu'il y a de l'intelligence partout, même (surtout) chez les autres... A partir de là, commence alors une approche nouvelle où nous ne jugeons pas de la " vérité vraie " des points de
vue mais parions sur l’intelligence et donc la possibilité de chacun à s'accorder. Deux valeurs
nouvelles apparaissent ici : confiance et respect total.
Il s’agit donc parfois de conduire une
médiation (certains diront : une négociation), ou alors de bâtir un projet
fondée sur l'intelligence et l'investigation. Il ne s'agit plus jamais de
chercher une vérité. Nous passons du jugement à l’intelligence de la situation
; c’est-à-dire à l’analyse partagée, à la concertation.
Il y a donc un écart large entre une
sorte d'enquête policière à la recherche de coupables et une démarche
d'élaboration vivante de réponse à la complexité. D’où l’expression
de mon grand père : « Face à un problème, soit tu cherches des
solutions, soit tu cherches des coupables ». Dont acte...
Ainsi donc, en présence d’une situation
complexe, si j’ai besoin de faire surgir la vérité, j’appelle un policier, un
médecin, un juge, un scientifique, un prêtre, un pasteur, un rabbin, un imam.
Bref, j’appelle un spécialiste de la vérité. Il y a même des livres pour
ça !... Si je cherche une solution, alors j’en appelle à un spécialiste
de la complexité, comme un sociologue consultant, par exemple. N’est-ce
pas ?... La balle est dans notre camp ! Passez une excellente semaine.
Jean-Marc
SAURET
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