L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Le municipalisme libertaire, une solution déjà en marche (22 03)

En cette date anniversaire du mouvement révolutionnaire soixante-huitard du 22 mars, je fais suite à mon précédent article. Je me pose donc la question de savoir où nous en sommes en France, et dans le monde, en matière de qualité d'un vivre ensemble alternatif... une autre forme du municipalisme libertaire. Je pense à ce que développait Murray Bookchin (1921-2006). Son municipalisme écologiste et libertaire se fondait sur l'étude du modèle historique de la commune de Paris. 

Il avait écrit en 1964 dans "Ecologie et pensée révolutionnaire" : "S’il importe que la société soit décentralisée, ce n’est pas seulement pour établir durablement des rapports harmonieux entre l’humain et la nature mais aussi pour fournir une nouvelle dimension à l’harmonie entre les humains […] Réduire les dimensions des communautés humaines est une nécessité élémentaire, d’abord pour résoudre les problèmes de pollution et de transport ensuite pour créer des communautés véritables. En un certain sens, il nous faut humaniser l’humanité."

Par là, cet écologiste libertaire nous indique que son approche sociétale n'est pas un doux rêve ou une chimère irréaliste, mais une dimension concrète du vivre ensemble en harmonie avec notre milieu. Depuis 2012, les écrits de Bookchin alimentent aussi la société révolutionnaire kurde du Rojava. En France, nombre de communes se sont développées dans la même perspective du municipalisme libertaire. Nombre de leurs représentants se sont retrouvés en janvier 2020 à Commercy (Meuse) pour poser les premiers jalons d'un municipalisme en action. A cette occasion, ils ont été amenés à réfléchir à une possible Confédération, baptisée "la Commune des communes ".

Le modèle puise dans de nombreuses expériences libertaires comme à Lyon en 1870, à Paris en 1871, à Moscou en 1916, ou encore à Kronchtadt en 1921, en Espagne en 1936. Toutes ont été réprimées dans le sang. Cependant, leur héritage repose sur quelques principes simples et articulés : la commune est la cellule véritable de la vie politique et sociale. Elle est fondée sur une écologie sociale où tout un chacun participe aux décisions touchant tout un chacun, et ce dans des pratiques libertaires qu'on nommerait aujourd'hui "holacratiques". 

Ce mouvement créateur ne relève pas d'un jacobinisme descendant mais bien d'un girondisme montant du socle populaire et citoyen. Il s'agit là d'une approche multidimensionnelle qui ne consiste absolument pas à faire la révolution, mais à faire sécession. En l'espèce, il s'agit de quitter ce modèle, et donc ce paradigme néolibéral, en lui substituant la construction, (ou reconstruction), de "notre monde" dans son essentiel communaliste et libertaire ! Cette mutation videra l'ancien monde de sa substance et libèrera le nouveau de ces dépendances sclérosantes et inutiles. 

A partir de là, cinq sécessions s'articulent. La première est libertaire (se soustraire aux surveillances). La deuxième est fiscale (se soustraire aux charges sociales et autres taxes). La troisième est sanitaire (se soustraire au marché des big-pharmas et développer la santé naturelle). La quatrième est psychique (se soustraire aux peurs, aux soumissions liées à l'information officielle). La cinquième, enfin, est économique et sociale (se soustraire à l'économie globale et développer le localisme, le troc, les productions et partages entre sois. On retrouve ici le traitement des communs, et donc le communalisme libertaire à la Bookchin).

Il apparait à l'usage une sixième sécession, celle qui consiste à se soustraire à la règle des jeux. Il s'agit d'inventer naturellement, et dans la ruse et la duplicité, d'autres résolutions et agirs. On retrouve là des transgressions trompeuses et salutaires, du vivre ensemble ordinaire. Cette transgression va de soi puisque, ici, les quidams s'émancipent des pressions, des règles et lois du dominant. Ceci me fait penser à la légende de la construction du pont Valentré à Cahors. N'arrivant pas à finir le pont, l'architecte en appela au diable. Celui-ci lui accorda son aide en échange de la première âme qui passerait sur le pont. Le pont achevé, l'architecte fit passer une chien...

La désocialisation produite à ce jour par le gouvernement nous renvoie à l'expérience interdite et nous savons qu'elle est mortifère. Désocialiser, détruire ce qui fait lien social, ce qui fait harmonie des groupes, tue. Mais le futur que l'on espère est déjà là ! Le Dr. Louis Fouchet, porte parole du réseau "Réinfo Covid" porte cette vision positive et optimiste*. Écouter l'autre s'avère être salutaire, revivifiant et bâtisseur. Faire de l'adversaire un partenaire est salvateur et profitable pour tous.

Bien des théories ont voulu décrire et expliquer la démarche. Elles portent le nom de communalisme, de fédéralisme, de socialisme municipal (à l'origine de la dynamique de service public), d'anarchie libertaire, voire libertarisme. Elles ont leurs penseurs comme Pierre-Joseph Proudhon et son fédéralisme et confédéralisme, le prince Bakounine et son abolition de l'Etat, Kropotkine et l'entraide, l'italien Malatesta ou encore Stirner et leur individualisme, Ravachol et la récupération individuelle, ou encore Daniel Guérin et notamment Murray Bookchin et sa pédagogie de terrain dans des structures constitutionnelles. On peut citer encore le canadien Jonathan Durand Folco et sa défense des "communs", abandonnant les perspectives d'une croissance continue. Le point focal de tous ces libertaires est bien la liberté de chacun et la responsabilité de tous. Chacun se trouve bien conscient conscients de l'interdépendance de tous et de chacun, et le tout en parfaite autonomie.

C'est en ce sens-là que le courant libertaire, fondé et théorisé essentiellement par des gens au travail, s'oppose au communisme de Marx... lequel, rappelons-le, n'a jamais travaillé de sa vie. Sa dictature du prolétariat est bien la porte d'entrée aux totalitarismes ordinaires que l'on a vu succéder à ces révolutions communistes centralisées. Le principe de lutte de classes exclut la coopération et la co-construction solidaire. Le fond du problème est qu'il s'agit encore d'une élite dirigeante d'un peuple considéré infantile et inintelligent. Loin de cette conception, Bookchin opposait un fédéralisme constituant à l'état-nation lequel aboutit aussi à des totalitarismes centralisés.

Ici, le changement ne se fait pas par la révolution mais dans la sécession. Cette évolution se construit ici et maintenant. C'est ce qui s'est produit à Lyon en 1870, et dans la province du Leon, en Espagne en 36. On a aussi retrouvé le même processus dans le Rojava au Kurdistan ces dernières années. On n'attend pas la révolution. Mais, comme le font les Alternants culturels, on fait sécession et on construit dans l'instant, sans attendre, le monde que l'on espère et que l'on "est" au fond de soi. C'est par exemple dans le traitement des "communs", comme l'eau, que démarre ce type de démarche. Comme le sont les Zad ou les Amap...

Ici, la prise de décision ne se fait pas à la majorité mais par consentement à la suite d'un débat co-constructif. Il s'agit tout simplement de replacer le citoyen au cœur de la vie politique, parce que la politique est le "comment vivre ensemble". Ici, l'individu n'est pas une voix, mais un point de vue, une analyse et des raisons de faires. Alors, il s'agit de "remplacer l'Etat, l’urbanisation, la hiérarchie et le capitalisme par des institutions de démocratie directe et de coopération" disait Bookchin. C'est tout ! Oui, mais comment ? Par justement la démocratie directe en temps réel. Tout simplement, ce qui peut paraître complexe paradoxalement.

Dans un vieux film, les communistes recueillaient des armes pour les résistants espagnols mobilisés contre Franco. Le responsable collecteur, voit arriver un personnage réputé anarchiste. Il apporte ses pistolets. Le collecteur l'interroge et lui dit "Toi aussi ?" Il ajouta narquois : "Et ça colle avec ta théorie ?" La réponse de l'anarchiste est édifiante : "Quand on est anarchiste on agit d'abord. Après on voit si ça colle avec la théorie." Il tourna les talons et sortit...

Bien des mouvements sociaux ont expérimenté, consciemment ou pas, les principes girondins et libertaires de ce municipalisme. Ce sont les nuits debout, celui des Podemos, les partis pirates, ou encore celui des gilets jaunes. Aujourd'hui on les retrouve dans les convois pour la liberté. Ils ont montré par leurs existences fertiles et leurs réponses concrètes (RIC, assemblées constituantes, débats sociaux) la justesse de la vision municipaliste de Bookchin. Certaines communes ont récemment pensé une constitution municipale à l'occasion du renouvellement de leurs conseils. D'autres pensent leurs listes électorales en assemblées municipales décisionnaires, voire constituantes avant même le conseil municipal, au-delà même du seul projet municipal.

La seule réponse de Jacobins est de déclarer ne pas comprendre la cohérence des revendications, une accusation d'opportunité pour rejeter l'évidence du mouvement social. Plus personne ne reproche au "modèle" l'absence de leader ou de porte parole, justement parce que ça fonctionne...

Des délégations de Gilets jaunes se sont retrouvées en fédération d'assemblées locales constituantes, au sein d'un rassemblement "d'expérienceurs". C'est une caractéristique de cette démocratie directe : une "non-organisation" horizontale et de débat, de partage et de co-construction, d'entraide et de solidarités, fondées sur le vécu et la pratique. Conscients du risque d'effondrement par incrédulité due à la jeunesse de leur mouvement, ils se sont donc fédérés et leur première réunion fondatrice était à Commercy les 17 et 18 janvier 2020.

Aux élections municipales, ils ont présenté des listes sans autre programme que de fonder la commune en assemblée constituante. Ici, le projet de chacun viendra nourrir le projet de tous par frottement aux visions des autres. Pour ceux-là, le conseil municipal demeure une simple chambre d'enregistrement de la volonté citoyenne débattue en assemblée. Dès lors les sans nom, les sans voix, les sans grade ni influence, se retrouvent entendus et écoutés. Chacun se retrouve même pris en compte dans ses visions personnelles, attachées à des intérêts simples et logiques, pragmatiques et de bon sens. "L’idée qu’il faille abolir le pouvoir des élus est passée du stade de l’utopie à celui de nécessité" ont même pu constater certains participants.

La confrontation aux listes du vieux monde, à la taille importante de certaines communes comme Montauban, renvoie un principe de réalité.  Ce choix permet d'affiner la démarche sans jamais décourager quiconque et en ne faisant douter personne. Au moins ces aventures laissent-elles des listes de contrepouvoirs qui vivent sur la durée. D'autres ont réussi, comme la commune de Saillans dans la Drôme.

Celle-ci expérimente cette démocratie directe depuis 2014. Pour d'autres encore, la campagne municipale aura au moins été un baptême politique avec la naissance d'assemblées libertaires. Alternants culturels, girondins libertaires, ces acteurs nouveaux sont désormais, ici et là, assemblés et rassemblés dans une forme nouvelle de vivre ensemble, un "ici et maintenant" fondateurs, sur des projets pas encore totalement déterminés mais totalement vivants.

Le municipalisme libertaire constitue approche girondine et horizontale. On peut la considérer comme l'avenir de tous ces mouvements sociaux locaux comme celui des gilets jaunes. Il laissera assurément des traces fondatrices indélébiles sur tous ceux qui ont vécu de près ou de loin l'aventure. Ceci est une force comme un baptême, un vaccin (un vrai). Un précédent nourricier leur chuchote : "C'est possible !". 

En effet, ne s'agit pas de "sortir" du système mais de construire dès à présent un mode de vivre à sa façon. Les prémices sont somme toute assez simples, il suffit d'utiliser ce qui est à portée. On ne se refuse pas d'utiliser des clous parce qu'ils sont industriels. On ne se refuse pas non plus à utiliser la toile, comme l'ont fait les révolutions arabes. Le prétexte était "limite", car il s'agissait aussi, dans la "réponse", d'utiliser des outils de la "construction du consentement" et de l'aliénation populaire.

Ici, point de leaders ou de dirigeants totalement inutiles puisque ce qui est à suivre et à soutenir est le propos de chacune et de chacun. C'est ce que n'ont pas pu comprendre les acteurs de l'ancien monde, habitués à des troupeaux de suiveurs commandés et conduits. Ici, c'est le monde libertaire, démocratique et respectueux de tous et de chacun qui agît.

 Vidéo d'entretien avec Louis Fouchet : https://youtu.be/4buXQ70eYyk)

Ils en ont parlé https://reporterre.net/En-France-le-municipalisme-libertaire-trace-son-chemin
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/07/le-municipalisme-ou-la-commune-au-pouvoir_6028746_3232.html

Jean-Marc SAURET
Le mardi 22 mars 2022

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1 commentaire:

  1. Le municipalisme libertaire, c'est une extension irresponsable de la démocratie participative.
    Cette démocratie participative testée mène au foutoir puisque chacun et chacune à droit de cité sur les décisions municipales et dans le concret, bloque toute forme de décision.
    Le maire d'une commune s'appui sur ses adjoints, écoute leur apports puis décide en connaissance de cause sachant qu'il ne peut pas satisfaire tout le monde.
    Avec la démocratie participative, les mécontents d'une décision finalement prise reviendront systématiquement sur elle en prônant que la décision n'était pas démocratique.
    Alors, je n'ose pas imaginer ce que serait un municipalisme libertaire !
    Cela n'est vraiment pas intelligemment envisageable.
    Les élus sont là pour gérer la commune au meilleur des intérêts de ses habitants.

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