L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Proudhon a fini par avoir raison

Il y a quelques années, je me posais la question  de savoir si nous irions vers une société sans chef ni leaders, tellement un individualisme de consommation avait généré un "homme nouveau", postmoderne, zappeur, émotionnel, "immédiatiste", inconséquent, localiste, aussi totalitaire et omnipotent qu'un enfant de cinq ans. Mais le monde change vite et l'évolution sociétale est galopante, surprenante, cyclique. La postmodernité est actuellement dépassée par la prochaine vague, laquelle est déjà là, active, ô combien !. Je m'explique.
L’avenir entre sans frapper. La vague sociétale d’après, celle qui est déjà bien là, cette "alternation culturelle", que l'on pourrait aussi nommer "l’an-archos". Elle se caractérise par cette absence de pouvoir centralisé, formalisé ou incarné, qui surgit au milieux de la société postmoderne. C’est peut être pour cela que le courant alter-consommateur, celui qui justement représente le monde « d’après » la post-modernité, ne se voit pas encore clairement. Nous aurions tendance à le penser comme un courant politique. On trouverait alors qu’il en emprunte les oripeaux, le formalisme.
Eh bien non, le monde alter consommateur ressemble à l’empire Comanche des 18 et 19° siècles, en l’espèce, un empire sans empereur ni cour, sans commandement ni armée permanente, sans administration ou bureaucratie. Oui, l'histoire bégaie, et comme disait Churchill, elle se répète. Hélène RICHARD aurait donc eu, elle aussi, raison : la post modernité n’est qu’un temps entre la modernité et un « après » qui émerge. Un peu à l’instar de la renaissance qui fermait le moyen âge avant l’ouverture à la modernité. Est donc en train de s’installer un "alter-empire", c’est à dire une somme dynamique d’acteurs portés par un esprit libertaire. Ledit esprit se trouvant fondé sur les valeurs que Pierre Joseph Proudhon revendiquait, en le portant haut et fort. Le 19° siècle européen l’a formulé, puis décrit. Le 20° siècle l’a qualifié d’utopie. Le 21° siècle le réalise…
Geek, créateurs de culture, alter consommateurs, Parti pirate, Anonymus, Nuits debout, tous sont moralement nés dans (et de) la post-modernité. Ils ne réclament rien mais posent un a priori de liberté, d'autonomie et d’indépendance individuelle. Avec la force de la reliance1 assortie des coopérations vers un vivre ensemble mutuellement réinventé, ils pratiquent la "re-création d’un monde qu’ils réinventent”.
Conséquents, pragmatiques et spiritualistes, ils déconstruisent les codes et tissent de nouvelles manière d’être au monde.
Furtifs, ils gèrent leurs relations, leurs créations, leurs coopérations, leurs réalisations et les partagent selon leur désir, projet, imaginaire avec pragmatisme. Ces gens là n’ont besoin ni de chef, ni de leaders, ni de représentants, ni même de territoires puisque ceux ci, par essence, sont communs.
Déniant la société de masse, ils décrochent des idéologies, et font de la production le fondement des relations sociales et de la consommation un outils de lien social. Ils ne ressentent aucun intérêt à y succomber. Plutôt peu consommateurs, voire alter-consommateurs, ils organisent et gèrent leurs rapports aux objet. « La propriété c’est le vol ! » proclamait Proudhon (il parlait en fait de celle des plus possédants). La propriété, ils s’en moquent, ils sont dans des logiques d’usage.
Oui, ces gens là sont des furtifs-pragmatiques, solidaristes et fédéralistes. Leur système identitaire est déconnecté de l’objet. L’identité est une activité produisant de la “sensation d’être” (cf. le concept "d'identation"). Pas d’affichage, pas de valorisation ou de reliance par l’objet comme l’a installé en postmodernité, la culture de l’ultra-consommation. Ces gens là louent les objets usuels, les partagent, se les passent, s’associent pour l’usage. L’objet retrouve une place d’outil pratique. Il ne valorise pas. Il n'a aucune fonction distinctive ou identitaire.
La maîtrise d’usage prend, dans ces conditions, une part centrale dans leur rapport au monde. Ils déploient cette intelligence pour l’exploration, la création, la production autrement et joyeuse. Après l’enfant de cinq ans “tout puissant”, celui là même qui faisait peur à Freud, et qui qualifie le post-moderne, voici l’hybride adulte de sept ans, explorateur et responsable du monde !
Tribaux, ils pratiquent le "multi entre soi", se liant, déliant, ou reliant dans l’élaboration ludique de leurs projets. Il n’est plus question que le travail fasse souffrir. Ça se voit déjà et des prêcheurs du management s'en sont emparé. La réalisation de soi, sommet de la pyramide d’Abraham Maslow, est la base de leurs projets. Ils ont renversé la pyramide, en même temps que les tabous... Comme l’étiquette n’est pas l’identité, les voilà zappant de tribu en tribu, liant des reliances entre elles, construisant des ponts efficients quoique éphémères : ils auront le temps de l’utilité.
Nous ne les voyons pas parce qu’eux même ne se distinguent pas. Ils ne se sentent pas hors de la société, parce qu’ils ne la considèrent pas comme un système mais comme un champ. Et, s’il y a système, ils n’en sont pas. Les “révolutionnaires” se voient parce qu’ils sont en posture agressive et dans des rôles d’opposition. Pas eux. Pragmatiques, ils “font avec”, usent des usages qui s’offrent à eux, se fédèrent, développent les pratiques qui leurs conviennent, quand elles servent leurs projets. Ils ne sont pas des consommateurs mais des utilisateurs. Le système n'a pas de prise sur eux et le système l'a compris. Il tente de les "racoler", de les ramener dans leur champ de consommation par des publicités ciblées. La structure du capitalisme est la consommation quand celle des alternants culturels est la construction, la création, la production.
Regardons comment fonctionnent les tribus de type Anonymus, Nuits debout ou Parti Pirate : pas de leader, pas de porte parole, pas d’idéologie dominante, pas de représentants, juste un débat ouvert où chacun parle en son nom, porte sa contribution. Ce n’est plus un monde dirigé mais auto construit, fait de juxtapositions.
Les modernes qui jugent « intenable », « voué à l’échec », ce type de “non-structure” (que nous qualifions de « réellement anarchiste » et de proudhonienne), se réveilleront avec ce monde devant leur porte, sous leur fenêtres, dans leur salon... Il est là, toujours plus présent. Il est “l’altère-opportunité” derrière le monde marchand qui s'essouffle et s’effrite. Pierre-Joseph Proudhon l’avait prédit : « L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir ». 
L'anarchie, bien loin de l'anomie (c'est la caricature que l’on en a fait), est fédéraliste, pacifiste, solidariste, humaniste et constructive. Elle s'oppose radicalement aux pouvoirs de l'argent notamment, mais aussi, à n'importe quel pouvoir, quelle qu’en soit la forme ou la nature dès lors qu'il vient d'ailleurs, d'en haut (démocratie capitaliste), d'en bas (dictature du prolétariat), de l'extérieur (autres invasions). Ces pouvoirs qui, depuis près de deux cents ans, tentent de la faire taire, de la museler, à coup de violences atroces, répétées et inhumaines, produisent un ersatz d'anarchistes idiots et violents à leur tour. C’est par ce passage “obligé”, et la case “indignation”, que nous allons pouvoir, enfin, revenir à l'essentiel...
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 6 mars 2018


1 Marcel Bolle de Bal, Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques, In Société, De Boeck Université, 2003/2 no 80, p. 99-131. (DOI : 10.3917/soc.080.0099)

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