Nous parlons de modernité, celle qui démarre avec le siècle des
lumières. Nous parlons aussi de postmodernité et ses acteurs ultra-consommateurs. Nous évoquons enfin cette nouvelle ère, "le temps d'après" comme l'appelait Hélène
Richard, psychanalyste canadienne. Cette ère est animée par ces alternants culturels dont j'ai plusieurs fois parlé. Ils traversent nos organisations comme s'il s'agissait de terrains de jeux. Nous savons que le
centre de gravité de leur manière d'être est portée par un pragmatismes profond, le sens du
fonctionnement en réseaux, l'intemporalité (ils ont le temps) et un sens aigu de l'œuvre tout à fait déterminant de leurs comportements. On dit aussi que cette nouvelle ère est celle d'un retour vers davantage de
spiritualité, avec son corollaire : davantage de relationnel profond. L'ensemble se trouve associé à l'émergence de la personne versus "l'ancienne primeur moderne de l'individu". Elle a pu être nommée aussi "primo-modernité" mais ceci n'est qu'affaire d'écoles...
Il
semble que nous devons le nom de l'ère moderne à un poème de Rimbaud. En
référence à cette ère et parce qu'elle constitue une transition, ce temps
intermédiaire porte le nom de post-moderne. C'est aussi le nom que nous devons à la
philosophie française qui émerge dans les années soixante, et que les américains
qualifient de "french theory". On pense essentiellement à Lyotard et à sa
critique de la rationalité.
Cette
nouvelle ère habitée par nos alternants culturels est une période fractale,
mouvante multidimensionnelle. Elle me fait penser à l'accomplissement de la
pensée d'Einstein, sa vision quantique du réel. Aujourd'hui se croisent, se
superposent, se rencontrent, collaborent ou pas, les personnes modernes,
post-modernes et alternantes culturelles. Le fait que ces dernières recherchent
davantage l'accomplissement de l'œuvre, quelle qu'elle soit, plutôt que le
pouvoir ou la propriété de territoire et de biens, laisse de la place à tous et à chacun dans un mode possible de contributions diverses. Les temps s'y confondent sans linéarité, comme repliés sur eux-mêmes. Voilà pourquoi je regarde cette
nouvelle ère comme l’ère quantique, car elle s'avère être plurielle et faite de tous les
possibles, tout en laissant les pyramides hiérarchiques et rationnelle à la porte et à ceux qui y restent attachés Il en existe...
Je
repense à ces bandes dessinées futuristes des années quatre-vingt
qui dépeignaient un monde ultra-urbain où se croisaient des personnes aux allures improbables, venues
de nombreuses planètes différentes. Ce monde
ressemblait alors à une "zone" incertaine qu'occupaient des passants de
tous types. Cette diversité fait la réalité sociétale. Il s'y croise des
anciens caricaturaux (et susceptibles d'être caricaturés), le béret sur la tête et la baguette sous le bras. On y rencontre aussi des ectoplasmes irréguliers, des chimères de toutes sortes,
des êtres mutants entre organiques et mécaniques. Et tout cela constitue la
ville et ses bas-fonds, c'est à dire ses nouveaux fondements, voire son "sacré". Tout un cinéma d'anticipation, ou de vision futuriste, reprend ce thème avec force. Dans "le cinquième élément" de Luc Besson, par exemple, on croise des personnages disparates et tout aussi improbables. La société est ainsi faite, composite et complexe, affichant des coexistences atypiques.
C'est
bien là une représentation physique et diversifiée dans sa figuration, de cette "multi-culturalité" profonde, aux rites, valeurs, priorités, fonctionnements et
représentations disparates. Il s'y croise des niveaux ou des plans de réalités totalement différents. On y retrouve aussi des pensées rationalistes et intuitives, des visions du monde mécanistes et organiques. Elles coexistent ou cohabitent avec des identités, des positionnements sociaux fondés sur l'habit, les codes linguistiques, ou le pouvoir. Simultanément se dégagent d'autres identités dionysiaques fondées sur l’esthétique du corps sain dans une tribu idoine et singulière. On y retrouve également d'autres modèles, basés sur le relationnel et fondés sur la complémentarité, la contribution à l'œuvre, la promesse de réalisation. La cohabitation de modernes, de post-modernes et d'alternants culturels me fait voir cette société comme quantique avec ses niveaux de réalités multiples et coexistants. Nous l'appellerons ainsi désormais et nous y reviendrons. Nous verrons alors que les questions du management, de l'animation, de la motivation, de la communication y sont singulières, que les modes passés sont obsolètes, définitivement. Il ne reste plus qu'à les laisser dans les musées ou dans les poubelles...
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 18 octobre 2016
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