Placez cette phrase du titre dans la
barre de votre moteur de recherche web et vous verrez le nombre impressionnant
de sites, d'auteurs qui la citent, en parlent ou en relaient l'idée. Phrase
peut être de Confucius, elle est aussi un proverbe gitan et un objet de
réflexion dans les champs du développement personnel, de la quête de bonheur,
de spiritualité et de la recherches sur le management. La démarche apporte bien
plus que la seule atteinte de l'objectif visé. Toutes ces approches rejettent
vivement l'horrible phrase "La fin justifie les moyens". Elles
s'y opposent.
En management, on
parle d'entreprises libérées. On les met en exergue pour leur efficience et
pour le bonheur qu'elles apporteraient à leurs collaborateurs. Entreprises
libérées, d'accord, mais de quoi ? ...du paiement des taxes ? ...de règles et
lois contraignantes ? ...de contraintes budgétaires, organisationnelles ou des
marchés ? Non, rien de tout cela. Il s'agit pour elles de se libérer des
préjugés comptables, organisationnels ou gestionnaires, des modèles "réputés classiques", de la peur de
la dynamique des organisations, de la peur du lâcher prise, de la peur des
autres, de l'erreur humaine, du vivant, quoi ! C'est bien là un paradoxe parce
que l'organisation est bien un système vivant et ce qui la fait bouger,
exister, évoluer c'est bien aussi ce "vivant". Et c'est donc tout naturellement, sans projet,
sans méthode ni processus, que le vivant évolue et s'adapte à toutes les
contraintes. L'humain en fait la preuve depuis trois cent mille ans. Il est
l'être le plus adaptable de tous les animaux et vit dans sur des territoires
les plus improbables, entouré de végétations et d'animaux disparates et si
singuliers. Lui, l'être humain, est encore et toujours là, partout sur la
planète.
Ce changement en continu, cette
adaptation constante aux contraintes, c'est ce que nous appelons aujourd'hui
l'innovation, reprenant un terme de la culture d'ingénierie. Cette adaptation
est bien un mouvement continu qui repose sur les ressources et les
intelligences des acteurs eux même, ceux qui sont là, subissent les contraintes
nouvelles et anciennes, et produisent le changement, et donc les actions utiles ou
nécessaires. Einstein affirmait qu'on ne résout pas un problème avec les
postures et les idées qui l'ont produit. Il faut donc sortir de son cadre et
de ses habitudes. Il faut innover. C'est ça l'adaptation. C'est là que le
chemin est notre "maître".
Non seulement ce changement par
réactions "in vivo" produit les meilleures adaptations, mais, de plus,
il confère du plaisir, de l'intelligence et de la fierté. Il s'agit là d'une
démarche autant apprenante qu'adaptée, "thésaurisable" et
reproductible.
Ce qu'a raté l'association MOM21,
dont j'étais membre fondateur, c'est de comprendre que la démarche est le
voyage, pas la méthode ni la destination. Nous en dirons un mot à l'occasion. Il n'y a d’ailleurs pas de méthodologie à ladite démarche ni de destination définie ; il n'y a que la démarche. Chercher des
normes, des procédures, des invariants, des béquilles, relève de la culture
d'ingénierie, pas de la démarche d'innovation et d'adaptation. L'idée de
progrès même perd ici de son sens, et l'on retrouve là la problématique de
l'adéquation systémique.
Je m'explique : la personne tente
d'atteindre une idée, une image, une représentation. Ce peut être juste de
survivre ou de se sentir mieux. Cette idée se confronte à un environnement peu
favorable, rendant incertaine, parfois "impossible" ladite atteinte avec la pratique
qu'elle a, ou qu'elle a eue jusque-là. C'est donc ici un système à trois
variables : la personne, l'idée poursuivie et l'environnement.
Ces trois
variables, selon les cas, peuvent être incompatibles. En l'état de confrontation problématique, l'une, au moins, doit disparaître (à minima pour que
les autres existent). La première solution logique serait de modifier
l'environnement pour que la personne survive. Elle peut donc décider
de l'incendier pour le cultiver à son habitude, ou de changer de territoire. Il existe une deuxième solution : ce serait que la
personne abandonne son idée poursuivie, pour continuer dans ce contexte, dans
cet environnement. Elle laisse de côté donc l’idée de s'y installer, et de cultiver pour y apprendre la cueillette et la chasse par approches expérimentales successives. Ou alors encore, et c'est là l'ultime possibilité, la personne
disparaît. Elle meurt, contrainte par les oppositions.
L'innovation, c'est donc
de changer sa pratique personnelle, la manière d'aborder le contexte mais aussi
le regard sur son idée. Ainsi, le cueilleur devient chasseur ou vice
versa. La personne invente la production du feu, bâtit un abri avec
et en fonction de son environnement, change son alimentation, se couvre ou
change son mode vestimentaire, etc. Plus près de nous, la personne visant un mieux-être
réorganise sa demeure, change de conjoint, aborde autrement les problèmes du
quotidien ou même s'en détache, voire se fond dans l'environnement comme élément du contexte (je pense à la permaculture). Il me souvient cette historiette où deux
amis se retrouvent et l'un demande à l'autre s'il a suivi ses conseil en
psychothérapie pour ne plus faire "pipi au lit". L'autre lui répond qu'il s'en
est bien inspiré et qu'aujourd'hui il continue ses pratiques nocturnes
involontaires mais qu'à présent il s'en moque absolument et vit heureux.
Cette innovation adaptative,
la personne la concevra en fonction d'elle-même, sans procédure, sans
modèle déterminé, juste en laissant faire sa raison et son imaginaire en
fonction des compétences qu'elle se connait. C'est bien sur le chemin qu'elle les
a apprises. Un dicton populaire nous dit d'ailleurs que c'est en forgeant que l'on devient forgeron. Chaque pratique est un ajustement simple au réel, une
mise en cohérence effective et pragmatique. Elle sera un élément de
nouvelles connaissances, une ressource supplémentaire.
Ainsi, si l'idée préside
à l'action, en la précédant, l'action innovante sera donc, non pas de capituler, mais de faire
avec les "moyens du bord", et ladite personne va s'adapter à son
environnement. "Ce que tu ne peux empêcher, épouse-le", nous indique
la sagesse orientale. J'ai entendu un cadre dans une institution bureaucratique
me montrer que "Ici, face aux problèmes, les gens avec quatre bouts de
ficelles et un peu de bonne volonté font des pontages coronariens et ça marche sans problèmes. C'est juste
qu'aujourd'hui,... on manque de bouts de ficelles..."
En matière d'innovation,
il n'y a pas, a priori, de solution meilleure qu'une autre. Il y
a juste une pratique apprenante que notre parcours nous a révélée ; je dirais même "intuité". Elle est fertilisante pour l'intelligence et la sagesse.
L'idée, que l'on avait au départ de l'action, se transforme tout au long du
parcours, jusqu'à être tout autre chose. C'est donc bien le parcours qui
est déterminant. On peut même ajouter que ce parcours est aussi source de plaisirs, de satisfactions, de
grandissement, d'améliorations, de changements, d'évolutions. A une condition, pourtant : que
l'idée ne se matérialise pas en destination définitive car, alors, frustrations
et désillusions seraient au bout du voyage.
En matière de
management, le principe est exactement le même puisque manager est se "débrouiller", "faire au mieux,... pour le mieux" avec une problématique singulière. Il s'agit de suivre ou réaliser
une idée dans un contexte singulier. Alexandre Gérard, patron de l'entreprise
Chronoflex, demandait à Jean-François Zobrist, à l'issue de sa conférence
nantaise, quelques conseils pour commencer à "libérer" son
entreprise. Jean-François Zobrist lui répondit très justement :
"Débrouille-toi !"
Il n'y a ni chemin
tracé, ni méthode, ni invariants, pas de procédure ni de modèle. Il y a juste
un patron qui a une idée de son entreprise, de sa raison d'être, des gens
qui l'animent et l'accompagnent, et il s'adapte, sort des cadres de pensée
ordinaires ou habituels, observe, écoute, compare, imagine et invente le
reste... Au bout du chemin, il se retournera pour contempler un parcours bien
rempli dont il sera certainement plus fier que les bons produits dont il parle
volontiers. Aimez les gens et le travail bien fait, voilà qui suffit donc à devenir un
excellent patron, un excellent manager.
Jeu, Set et Match...
Jeu, Set et Match...
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 11 octobre 2016
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