Nous
avons vu précédemment comment Georg Simmel posait les conditions et
les mécanismes de la confiance. Elle est cette capacité qu'a
l'acteur à prédire ce qui va se passer, comme les réactions de
l'autre, les conséquences de son propre geste, la réaction de cette
personne. Ainsi le footballeur a confiance en son pied droit avec lequel il
se sait capable de donner la bonne trajectoire courbe au ballon jusqu'au fond des filets. Il
le sait. Pour que nous ayons confiance en notre époque, pour que
nous soyons bien dans notre siècle, dans notre collectivité
humaine, il nous faut un rapport de confiance avec notre
environnement, avec notre organisation, avec les éléments et les
personnes, en notre intégration au système.
Ainsi,
ce qui différencie les gens joyeux, voire heureux des autres est ce
rapport de confiance qu'ils entretiennent avec le monde, avec
l'instant. On dit des protestants qu'ils ont le sens de la grâce,
c'est à dire qu'ils savent que la providence divine subviendra à
tous, à leur salut, à leurs besoins et nécessités. Ils ont confiance
et ils vivent dans un monde de grâce quand les gens pessimistes
vivent en regardant leur monde comme étant fait de contraintes et de
menaces.
Nous
pouvons dire que les gens optimistes, ceux qui regardent le verre à
moitié plein, pensent un monde d'opportunités et de possibilités
quand les pessimistes, ceux qui regardent le verre à moitié vide,
pensent un monde menaçant et défavorable.
Mettre
de la confiance dans une organisation revient donc à rendre le monde
prédictible, favorable et opportun. Imaginez ce que vous pouvez
faire en tant que manager pour cela et imaginez ce que vous pouvez
faire pour cela en tant que collaborateur... Il me revient cette histoire d'une gouvernance départementale de la territoriale qui, pour se démarquer de la gouvernance précédente, affirmait haut et fort que la situation financière dont ils avaient hérité était dramatique et l'institution désœuvrée. La confiance disparut tant chez les agents du conseil départemental que chez les partenaires associatifs et financiers. Les positions des agents et des syndicats se sont rigidifiées et les fournisseurs devinrent plus que frileux à fournir des prestations.
Oui,
en management, tout le monde travaille au changement. L'idée que ce
soit toujours à l'autre de faire les changements, les efforts, les
prises de conscience est un facteur d'échec. Oui, "L'autre est
un idiot" est une posture d'échec absolue parce qu'elle coupe
la contribution de la moitié des acteurs, et d'abord la sienne
propre. "Oui, mais ce n'est pas à moi de faire le premier pas
!" Qui a parlé de premier pas? Qui a mis un préalable, un pré requis à la construction partagée ? Personne, sinon soi-même...
J'ai
connu un DRH qui considérait ses collaborateurs comme des
adversaires, des "résistants" à son autorité, à ses ordres et projets.
Qu'imaginez-vous du résultat de son management, de la dynamique de
ses équipes, de son impact sur la dynamique collective de
l'organisation ?... Vous avez trouvé : son patron lui a suggéré de
se chercher un autre poste ailleurs.
La
prédiction est indispensable à l'action, qu'elle soit en bien ou en mal d'ailleurs. C'est ce que nous avons nommé la confiance positive et la
confiance négative. Il me souvient de cette histoire d'une
journaliste réputée opposante au pouvoir dans son pays qui est arrêtée par la
police pour être questionnée. Elle sait que ces policiers torturent
avec des chiens. Au cours de l'interrogatoire, elle entend des
aboiements dans le couloir à proximité. Elle "comprend"
que la torture va commencer et donc elle "sait" qu'elle va
mourir. Elle raconte alors que, persuadée d'être perdue, d'être dans ses
derniers moments de vie, elle a intégré cette
perspective négative comme une réalité. Alors elle se leva devant les
policiers et leur dit : "C'est fini, je ne joue plus". Là
dessus elle les regarda d'un calme déterminé et sortit de la pièce.
Elle raconte que ces policiers sont resté bouche bée et l'ont
regardée partir, sidérés. Le temps qu'ils réagissent, elle était
dehors... C'est ceci la confiance négative, pas de peur ni de
capitulation, juste une toute autre détermination.
Managers,
quand les gens sont persuadés, ils vont au bout de leurs représentations, qu'elles soient positives ou négatives. Il faut juste le savoir et en faire quelque chose.
Jean-Marc SAURET
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